Loi immigration: des proches de Macron demandent aux députés de "ne pas voter" la version durcie par le Sénat

Un courrier pour mettre la pression sur le gouvernement. À la veille de l'arrivée du projet de loi immigration en commission au Palais-Bourbon, des intimes ou d'ex proches d'Emmanuel Macron appellent les députés de la majorité présidentielle à "ne pas voter" la version des sénateurs adoptée mi-novembre.

"Le texte adopté au Sénat constitue une rupture. Il fait droit à des mesures proposées de longue date que ni le Sénat ni l’Assemblée n’avaient jamais voulu prendre en compte", écrivent les signataires de cette tribune publiée par L'Opinion et qu'a pu se procurer BFMTV.com.

Cohn-Bendit, Touraine et Pisani-Ferry parmi les signataires

Avant de juger que les nouvelles dispositions introduites par les sénateurs représentent "une hostilité de principe désormais affichée non seulement à l’égard de l’immigration mais des étrangers eux-mêmes, le plus souvent à raison de leur origine et de leur culture.

Parmi la liste des personnalités qui ont participé à cette tribune, on trouve plusieurs proches d'Emmanuel Macron à l'instar de Marisol Touraine, ex-ministre de la Santé sous François Hollande, ou encore Jean-Marc Borello, l'un de cofondateurs de Renaissance (ex-En marche).

Jean Pisani-Ferry, Philippe Martin et Philippe Aghion comptent également parmi les visages signataires. Ces économistes avaient planché sur le programme présidentiel d'Emmanuel Macron en 2017 et ont depuis pris leur distance.

L'ex-écologiste Daniel Cohn-Bendit, le cinéaste Romain Goupil ou Pascal Brice, l'ex-directeur de l'OFPRA, ont également co-signé ce texte, tout comme Thierry Pech, le président du think tank Terra Nova.

Une version sénatoriale qui durcit considérablement la copie du gouvernement

Cette tribune cherche à peser dans la bataille alors que la majorité présidentielle devrait croiser le fer à l'intérieur même de ses troupes dans les prochains jours.

En cause: les très nombreuses modifications votées par le Sénat sur le projet de loi immigration. Fin du droit du sol, fin de l'aide médicale d'urgence, disparition de l'article 3 qui cherchait à régulariser les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension...

Les sénateurs, menés par le patron des LR au Sénat Bruno Retailleau, ont considérablement durci ce projet de loi porté par Gérald Darmanin, très loin de l'équilibre promis par le ministre de l'Intérieur. Sans effrayer les sénateurs Renaissance qui ont, eux aussi, voté ce projet de loi.

"Ce texte est porteur d’une stigmatisation généralisée des personnes étrangères mais il ne nous paraît comporter aucune garantie de 'fermeté' ou à tout le moins d’efficacité", tance encore cette tribune.

L'impossible équilibre à l'Assemblée

Le locataire de la place Beauvau s'est, lui, félicité, de la version sénatoriale. Le quadragénaire a ainsi salué "un texte co-construit", "enrichi par le Sénat".

De quoi sérieusement inquiéter l'aile gauche de la macronie qui tient à tout prix à ce que le projet de loi ressemble à la copie promise par l'exécutif entre "humanité" et "fermeté".

Le président de la commission des Lois Sacha Houlié a de son côté déjà annoncé la couleur, en promettant de "rétablir le texte ambitieux de l'exécutif".

Au risque de perdre les voix de la droite qui refuse farouchement un titre de séjour sur les métiers en tension et dont le gouvernement a tant besoin en l'absence de majorité absolue? Autant dire que l'exécutif a de quoi s'inquiéter des débats en commission dans les prochains jours.

L'espoir d'une alliance entre la gauche et la majorité

Les signataires de ce texte, eux, espèrent une éventuelle alliance entre une partie de la macronie et de la gauche pour parvenir à sauver l'équilibre du texte.

"Nous saluons l’esprit d’ouverture qui a permis à des élus de la majorité et de l’opposition d’adopter des positions communes sur certains aspects du projet de loi", écrivent-ils ainsi.

Plusieurs figures de la gauche comme Fabien Roussel et Julien Bayou se sont réunis en septembre dernier aux côtés de Sacha Houlié et la députée apparentée Renaissance Stella Dupont pour faire la une de Libération et défendre la création d'une carte de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans le BTP ou la restauration.

Une tribune d'élus Modem a également été signée début novembre pour défendre le rétablissement de l'aide médicale d'État, dont le retour dans le texte à l'Assemblée est défendu par Élisabeth Borne et le ministre de la Santé Aurélien Rousseau.

"Il vous revient de stopper une dérive dangereuse"

"Nous ne sommes pas dans la tonalité des donneurs de leçon. Nous appelons par exemple à une gestion plus ciblée des OQTF. Mais on sent qu'on à un moment de bascule dans le discours politique", nous explique l'un des signataires, Pascal Brice, spécialiste des questions migratoires.

Pour convaincre, les signataires ont prévu d'aller à la rencontre des députés de la majorité ces prochains jours.

"Il vous revient de stopper une dérive dangereuse et de mettre le pays sur le chemin de l’efficacité et de l’apaisement. Nous comptons sur vous et restons à votre disposition pour échanger", conclut la tribune.

Deux des signataires s'étaient déjà fendus d'un appel à Emmanuel Macron en 2018 contre la loi asile-immigration portée par le ministre de l'Intérieur de l'époque Gérard Collomb.

"Monsieur Macron, votre politique contredit l’humanisme que vous prônez !", écrivaient alors Thierry Pech et Jean Pisani-Ferry. Après des débats houleux qui avaient fracturé la macronie, le projet de loi avait bien été adopté.

Article original publié sur BFMTV.com