Immigration: le Sénat adopte une version durcie du projet de loi, avant des débats sous tension à l'Assemblée

Gérald Darmanin a passé la première épreuve de ce texte à haut risque. Les sénateurs ont adopté ce mardi après-midi le projet de loi immigration avec 210 pour et 115 contre. La chambre haute a imprimé sa marque à ce texte en le durcissement notablement.

Suppression de l'aide médicale d'État, durcissement des conditions d'accès au regroupement familial, fin du droit du sol, quotas fixés tous les trois ans pour l'immigration économique... Ces mesures n'apparaissaient pas dans le projet de loi initial.

La fin du "en même temps" sur l'immigration

La copie du gouvernement cherchait pourtant à marcher sur deux "jambes" avec un volet pour contrôler l'immigration tout en facilitant l'intégration.

"Le Sénat a redonné une cohérence au projet en le durcissant et en rejetant le 'en même temps' de la version gouvernementale", s'est félicité le président des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau, à la manœuvre.

Avec l'assentiment du ministre de l'Intérieur. "Le gouvernement fera un avis favorable à la quasi-totalité des propositions du Sénat", avait ainsi lancé le locataire de la place Beauvau lors du coup d'envoi des discussions dans l'hémicyle.

Satisfaction de Darmanin

"C'est un texte co-construit", "enrichi par le Sénat", a expliqué le locataire de la place Beauvau ce mardi sur Cnews, saluant notamment de nouvelles dispositions qui vont permettre de "régulariser la nounou" et "d'expulser l'étranger délinquant".

Si la possibilité d'expulser des personnes sous le coup des OQTF a été considérablement durcie par les sénateurs tout comme pour les personnes personnes étrangères condamnées par la justice, le volet régularisation a pourtant du plomb dans l'aile.

Les sénateurs ont notamment eu de gain sur l'article 3, au cœur du texte. Cet article cherchait à créer un titre de séjour pour les travailleurs sans-papier exercant dans des métiers en tension comme la bâtiment, la restauration ou l'aide à la personne.

La fin du titre de séjour pour les métiers en tension

Ce titre de séjour devait être délivré automatiquement sous certaines conditions comme une présence sur le sol français depuis au moins trois ans et une expérience professionnelle d'un minimum de 8 mois sur les 24 derniers mois.

"On ne votera jamais cet article", avait prévenu Bruno Retailleau. Après de nombreuses négociations en coulisses, y compris avec leurs alliés les centristes, la droite sénatoriale est parvenue à ses fins. Elle a donc supprimé ce dispositif et créé un nouvel article pour régulariser de façon "exceptionnelle" les immigrés qui travaillent sans titre de séjour.

Les députés vont désormais s'emparer de ce texte en commission des lois puis en débattre dans l'hémicycle. Les débats s'annoncent explosifs dans un contexte de majorité relative.

L'aile gauche de Renaissance au travail

L'aile gauche de la macronie compte bien se battre pour rétablir le titre de séjour pour les travailleurs en situation irrégulière dans les métiers en tension. "Nous rétablirons ce texte ambitieux", a déjà annoncé Sacha Houlié, le président (Renaissance) de la commission des lois, promettant que l'Assemblée aurait "le dernier mot".

Au risque de perdre des voix du côté des députés LR dont a désespérement besoin Gérald Darmanin pour faire adopter son texte? La menace du 49.3, qui permet de faire adopter un texte sans vote, continue en tout cas de planer au-dessus du projet de loi immigration.

Si une partie de la droite pourrait déposer une motion de censure à cette occasion, comme l'explique régulièrement Aurélien Pradié, une partie de la gauche a déjà indiqué qu'elle ne la voterait pas, rendant le renversement du gouvernement d'Élisabeth Borne peu probable.

Pression sur Darmanin

Mais le recours au 49.3 aurait tout d'une mauvaise nouvelle pour Gérald Darmanin, le mettant en position de faiblesse au sein de l'exécutif. Soucieux de garder la main, le ministre de l'Intérieur a déjà adapté son agenda avec les débats dans l'hémicycle.

Le locataire de la place Beauvau compte ainsi bien assister à la plupart des réunions de la commission des lois, gardant ainsi un œil vigilant sur les débats et multiplier les rencontres avec les députés, à commencer ce mercredi par des députés macronistes issus des LR.

Article original publié sur BFMTV.com