Darmanin "ferme mais pas fermé" pour le coup d'envoi du projet de loi immigration au Sénat
Le ministre de l'Intérieur a affiché sa volonté d'ouverture devant les sénateurs, promettant un "avis favorable à la quasi totalité de leurs propositions" en matière d'immigration. Gérald Darmanin joue gros et doit parvenir à convaincre les élus LR qui menacent de ne pas voter le texte.
Une main tendue. Devant un hémicycle très clairsemé, Gérald Darmanin a ouvert les débats autour du projet de loi immigration au Sénat ce lundi. Dans les cartons depuis des mois, après un vote en commission des lois du Palais du Luxembourg en mars dernier, voici le ministre de l'Intérieur qui défend enfin son texte.
"Ce qui va compter, ce ne sont pas les postures, pas les futures majorités mais l'efficacité pour les Français", a lancé le patron de la place Beauvau, se disant "ferme mais pas fermé".
"Fermeté et simplification"
Après de nombreux atermoiements, Élisabeth Borne ayant même jugé au printemps dernier que "le compte n'y était pas" pour faire voter cette loi, le ministre n'a guère d'autre choix que de tendre la main aux sénateurs.
Tentant de ménager la chèvre et le chou, le gouvernement tente toujours de concilier deux impératifs: "être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants" comme l'a indiqué à plusieurs reprises Gérald Darmanin.
Au menu de ce texte, on trouve donc à la fois "de la fermeté et de la simplification". Très concrètement, ce projet de loi vise notamment à faciliter les expulsions des délinquants étrangers, y compris lorsqu’ils ont des liens personnels et familiaux en France.
La droite dit toujours non à la création d'un titre de séjour dans les métiers en tension
En l'état actuel du droit, il est par exemple impossible d'expulser une personne étrangère arrivée en France avant ses 13 ans, même si elle a été condamnée pour des délits.
Autre versant de ce projet de loi: la création dans l'article 3 du projet de loi d'un titre de séjour d'un an "dans les métiers en tension" pour les travailleurs sans-papiers. Parmi ceux-ci, on trouve notamment les métiers de bâtiment, de la restauration, de l'hôtellerie, l'aide à la personne ou encore la manutention.
Au Sénat, c'est cette disposition qui est l'objet de toutes les crispations. Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR a dénoncé à plusieurs reprises "l'incohérence" d'un projet de loi qui "veut expulser plus, tout en régularisant plus".
"Le gouvernement n'a pas raison tout seul"
La droite sénatoriale n'a de cesse de faire planer la menace de ne pas voter ce projet de loi si cette disposition est maintenue en l'état. Difficulté supplémentaire pour Gérald Darmanin: les centristes qui font partie de la majorité sénatoriale se verraient, eux, bien la voter. Autant dire que le gouvernement doit jouer finement et arrondir les angles.
"Le gouvernement fera un avis favorable à la quasi-totalité des propositions du Sénat, partant du principe que le texte n'est pas mauvais mais que le gouvernement n'a pas raison tout seul", a ainsi lancé Gérald Darmanin.
"Là pour trouver le meilleur compromis possible"
Dans l'espoir d'obtenir un compromis, l'examen de l'article sur la création d'un nouveau titre de séjour, prévu pour mardi ou mercredi, pourrait être repoussé. Ce dispositif pourrait même finalement être sorti de la loi pour devenir un décret ou une circulaire.
"Nous sommes là pour trouver le meilleur compromis possible", a encore promis Gérald Darmanin.
Au risque de fâcher son propre camp? Le Sénat compte bien supprimer lors de l'examen du projet de loi la suppression de l'aide médicale d'État, marotte de la chambre haute depuis des années.
Pression d'une partie de son propre camp
De quoi susciter l'émoi au sein de la majorité à l'Assemblée nationale qui refuse que le gouvernement tende uniquement la main à la droite. 26 députés Modem ont cosigné lundi une tribune dans le journal La Croix pour défendre le maintien de cette "exception sanitaire française".
Une conférence de presse a également eu lieu ce lundi au Sénat avec notamment la députée apparentée Renaissance Stella Dupont, après une tribune signée par une partie des troupes macronistes avec des figures de la gauche en septembre.
Autant dire que ce que peut gagner le ministre au Sénat pourrait être perdu à l'Assemblée nationale. Un cauchemar pour Gérald Darmanin qui va devoir compter chaque voix au Palais-Bourbon en l'absence de majorité absolue lorsque le projet de loi arrivera mi-décembre.
Article original publié sur BFMTV.com
VIDÉO - Projet de loi immigration en France : le texte controversé de nouveau devant le Sénat