Le projet de loi immigration, première victime de la crise politique de la réforme des retraites?

En grande difficulté, le gouvernement devrait reporter le très inflammable projet de loi immigration porté par Gérald Darmanin. Gérard Larcher a prévenu que le projet de loi qui devait commencer à être débattu au Sénat la semaine prochaine pourrait ne pas être voté. De quoi illustrer les futures difficultés de l'exécutif avec les LR.

Un report qui ressemble bien à une manœuvre pour éviter un nouveau revers. En pleine crise politique et sociale sur la réforme des retraites, l'examen du projet de loi sur l'immigration qui devait être étudié au Sénat à partir de mardi prochain devrait être reporté, d'après des informations de BFMTV.

Depuis l'annonce à l'automne de ce texte, porté par l'ex LR Gérald Darmanin et l'ancien socialiste, Olivier Dussopt, l'exécutif avait veillé à multiplier les clins d'œil à droite tout comme au sein de la majorité pour arrondir les angles.

Des sénateurs qui ont donné un tour de vis au texte

Le ministre de l'Intérieur avait ainsi annoncé dans les colonnes du Figaro proposer "tout ce que les LR avaient toujours demandé". Plusieurs éléments de la réforme crispaient pourtant dans les rangs de la droite, à commencer par la création d'un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les secteurs en tension.

Réunis en commission des lois la semaine dernière, les sénateurs ont d'ailleurs donné le don en durcissant le projet de loi avec des amendements visant notamment à rendre bien plus restrictives les conditions d'accès au regroupement familial.

Le Sénat, "plus un long fleuve tranquille"

Pourtant, le président du Sénat a prévenu Emmanuel Macron lors d'un déjeuner ce mardi à l'Élysée que le projet de loi risquait de ne pas être adoptée par la chambre haute.

"Le Sénat n'est plus un long fleuve tranquille", comme le traduit un conseiller ministériel.

Le ton au sein du Palais du Luxembourg s'est considérablement durci ces dernières semaines pendant les débats sur la réforme des retraites.

Un projet de loi largement expurgé des irritants

Si les sénateurs ont voté en première comme en seconde lecture pour le projet de loi, le gouvernement est loin d'avoir fait le plein. 6 élus LR ont ainsi voté contre la réforme des retraites et 19 se sont abstenus le 16 mars dernier pour le dernier vote.

Quant aux centristes, avec qui la droite dirige la chambre haute, plus de la moitié de leur groupe a voté contre ou s'est abstenue. Et ce ne sont pas les macronistes, qui ne comptent qu'une vingtaine de sénateurs, qui renverseront la vapeur.

Bien conscient de la situation, Gérald Darmanin a présenté au président des propositions pour diviser le projet de loi immigration en plusieurs volets législatifs. Le ministre de l'Intérieur envisage donc dans un premier temps un texte avec des mesures jugées plus acceptables pour les LR comme le raccourcissement des délais pour les demandeurs d'asile et la simplification du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Propositions de loi LR et Renaissance

Les points jugés plus clivants pour la droite et donc plus compliqués politiquement pourraient être défendus autrement. La création d'un titre de séjours pour les métiers en tension ou encore pour les professionnels de santé face à l'explosion des déserts médicaux pourrait être intégrée à une proposition de loi de la majorité.

Gérald Darmanin espère aussi convaincre la droite de s'emparer dans sa propre niche parlementaire d'un texte sur les étrangers délinquants. Pour "rendre la vie impossible aux immigrés en situation irrégulière", comme l'avait expliqué le ministre, la droite pourrait être d'accord pour s'emparer de mesures pour renforcer l'application des obligations de quitter le territoire français (OQTF).

La droite récalcitrante pour les futurs textes

Au-delà du projet de loi immigration, les difficultés du gouvernement à faire passer ce texte ne sont probablement qu'un avant-goût des semaines à venir.

À l'Assemblée nationale, pas moins d'un tiers des députés LR ont voté en faveur de la motion de censure transpartisane pour renverser Élisabeth Borne. De quoi rendre de plus en plus délicat pour le gouvernement la perspective d'obtenir une majorité pour ses futurs projets de loi, dans le contexte d'une majorité relative.

Aurore Bergé l'a d'ailleurs très bien résumé lundi soir dans la foulée des rejets de la motion de censure. Il faut se demander "comment on va faire concrètement demain pour que d'autres textes soient débattus", a asséné la présidente des députés macronistes sur TMC.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - "Ça dévoile le vrai visage de Macron" : la colère des manifestants après l'annonce du recours au 49.3