"Si Borne donne tout aux LR, elle n'aura plus de majorité": l'équilibre ardu de la future loi immigration

Sur le retour du haut de la pile. À peine deux semaines après avoir été reporté à l'automne par Élisabeth Borne, le projet de loi immigration revient sur la table. Un texte sera bien présenté en Conseil des ministres en juillet. De quoi illustrer à nouveau les hésitations de la majorité sur les sujets migratoires.

"C'est un sujet qui est difficile par essence d'abord. Et on sent tous qu'on n'a pas besoin de choses très complexes en ce moment à l'Assemblée nationale", décrypte un habitué du Parlement auprès de BFMTV.com.

Des concertations pour sortir de l'ornière

Matignon a pourtant décidé de réactiver les discussions. La Première ministre a ainsi reçu lundi soir Olivier Dussopt, Frank Riester et Gérald Darmanin. Au menu: "Conduire dans les prochaines semaines des concertations pour proposer une stratégie permettant de faire adopter des mesures efficaces et pouvant rassembler la majorité présidentielle".

La manœuvre, qui vise à concerter très largement tous les groupes parlementaires, veut permettre de trouver un texte qui peut rallier largement les votes de la droite. C'est certes une obligation dans le contexte de majorité relative à l'Assemblée nationale mais qui a tout d'un virage à 180 degrés.

"Ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays", avait jugé mi-avril Élisabeth Borne. Il faut dire que Matignon avait sorti la calculette: "Il n'existe pas de majorité pour voter un tel texte", avait noté la Première ministre, jugeant que "le compte n'y était pas" chez les LR.

"Je ne vois pas toujours pas bien en quoi la droite va vouloir voter"

"Si nous ne pouvons pas trouver d’accord global, nous présenterons en tout état de cause, un texte à l’automne, avec comme seule boussole, l’efficacité", avait-elle encore annoncé. De quoi espérer clôre le sujet pour quelque temps.

Mais, depuis, la droite a annoncé vouloir plancher sur leur propre proposition de loi, donnant des sueurs froides au gouvernement.

"C'est la seule donnée qui a changé sur le tableau ces dernières semaines. Et je ne vois toujours pas bien en quoi la situation politique a changé au point de croire que la droite va vouloir voter notre texte", grince un cadre de la majorité.

Mais le gouvernement a manifestement craint que la proposition de loi puisse faire en partie le plein dans les rangs de la majorité.

"Imaginez des Horizons, des Renaissance qui votent ce texte qui est ensuite adopté au Sénat puis qui revient à l'Assemblée. C'était la galère écrite d'avance", analyse de son côté un député Renaissance de la Commission des lois.

Si l'Assemblée nationale ne devrait pas, à la fin, plancher sur ce projet de loi avant l'automne, l'ouverture de discussions formelles permet également de satisfaire le président.

"S'appuyer sur le texte des sénateurs" qui a durci le projet de loi

Après avoir annoncé le report du texte lors de son allocution, Emmanuel Macron avait finalement plaidé pour un texte "efficace et juste" dans les prochains mois.

Certains dans l'aile droite de la majorité veulent désormais tendre la main au Sénat à majorité LR qui avait déjà planché sur une première version en commission des lois.

"Si le texte des sénateurs est efficace, on devrait pouvoir s'appuyer dessus. Si des groupes à l'Assemblée décident de ne pas le voter parce que c'est le gouvernement qui le dépose, ce serait incompréhensible", avance le député macroniste Éric Woerth, longtemps élu LR.

Mais si le vote de la droite au Palais-Bourbon est loin d'être acquis, la situation n'est guère plus évidente au sein même de la majorité. En 2018, une dizaine de députés Renaissance n'avaient pas voté le projet de loi asile immigration et occupé le terrain médiatique pour faire valoir leur opposition. En l'absence de majorité relative, pas question de se passer de l'intégralité des voix de la majorité présidentielle cette fois-ci.

Inquiétude de l'aile gauche

Si le visage des élus de Renaissance a changé lors des dernières législatives, déplaçant le barycentre de la majorité présidentielle plus à droite qu'en 2017, l'exécutif semble tout à fait conscient du risque. Il avait donc présenté une première version de la réforme de l'immigration avec des éléments "sucrés" et des éléments "salés".

Le projet de loi dans sa première mouture voulait à la fois à faciliter la régularisation de travailleurs sans papiers déjà en France, tout en facilitant les mesures pour améliorer les taux de reconduite à la frontière.

Qu'en sera-t-il dans la nouvelle version, alors que le Sénat a donné un très sérieux tour de vis à la version gouvernementale? La question est entière et agite fortement l'aile gauche de la macronie.

"Si Élisabeth Borne donne tout aux Républicains, elle n'aura plus la majorité présidentielle avec elle, c'est certain. Quant à la version du Sénat, elle n'est tout simplement pas acceptable", prévient déjà le député Renaissance Ludovic Mendes.

La chambre haute avait prévu d'instaurer des quotas annuels ou encore de restreindre très fortement l'Aide médicale d'État.

Article original publié sur BFMTV.com