Législatives 2024 : « Le prochain Premier ministre sera de gauche » - TRIBUNE
TRIBUNE - Le prochain Premier ministre sera de gauche. En politique, la joie féroce et jubilatoire aboutit toujours à une victoire. On l’a vu récemment avec la victoire de Donald Tusk en Pologne, et plus loin de nous aux États-Unis avec le succès de Barack Obama ou encore au Chili en 1988 après une campagne pour le non au référendum, voulu par Pinochet, magistralement portée à l’écran par Pablo Larraín.
Si la gauche n’a pas l’apanage de l’espoir, elle dispose en France d’une capacité à surprendre par son côté Sainte Rita. Dans les moments où on l’attendait le moins, alors que rien ne laissait présager d’une ouverture électorale, elle a montré à plusieurs reprises une capacité de sursaut après de longues années de torpeur. Un petit retour en arrière s’impose pour relever quatre dates marquantes dont nous devrions tirer des enseignements en 2024.
Législatives, municipales et présidentielle, les quatre précédents
Qui aurait parié sur la victoire de la gauche en 1936 ? Slogan mobilisateur - le pain, la paix, la liberté - unité syndicale et accord de désistement mutuel au second tour entre les candidats de gauche ont offert à ce front entre socialistes, communistes et radicaux une victoire historique. Sur le fond comme sur la forme, les partis de gauche ont su mettre de côté leurs différends pour s’opposer aux ligues fascistes et antiparlementaires qui avaient tenté un coup de force le 6 février 1934 à Paris.
Autre parallèle saisissant, le 21 avril 1997. Jacques Chirac pensait, comme sûrement Emmanuel Macron aujourd’hui, prendre de court la gauche. En annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, il espère qu’elle n’aura pas le temps de s’organiser et de s’accorder sur une alliance solide. Ce coup de poker s’avère être un échec. PS, Verts, PCF, radicaux de gauche, Mouvement des citoyens, toute la gauche est au rendez-vous de la démocratie. Jacques Chirac est contraint à la cohabitation pour les cinq dernières années de son mandat et nomme à Matignon le socialiste Lionel Jospin.
Dans les moments où on l’attendait le moins, la gauche a montré à plusieurs reprises une capacité de sursaut après de longues années de torpeur
Quatre ans plus tard, c’est entre les murs de l’Hôtel de ville de Paris que la gauche refait l’Histoire. Bertrand Delanoë est élu à Paris en 2001 alors qu’il stagnait à 3 % dans les études d’opinion. Encore une fois, l’union de la gauche a rebattu les cartes face à une droite divisée. Le rejet du parti sortant, éclaboussé par les scandales politico-financiers et l’enthousiasme qu’a su insuffler Delanoë lui ont permis de mettre ainsi fin à 24 ans de gestion de droite dans la capitale.
Le dernier temps fort pour la gauche en France remonte à 2012, lorsque François Hollande, déjouant tous les pronostics, l’emporte au second tour de l’élection présidentielle. Cette fois-ci, la primaire n’a pas siphonné le parti mais a au contraire consolidé 50 nuances de gauche autour d’un candidat unique. Le candidat du rassemblement a ainsi mis en difficulté le Président sortant qui, là encore, souffrait d’un rejet après la crise économique mondiale de 2008. 55 % des électeurs de François Hollande ont affirmé être allés voter en sa faveur pour « barrer la route à Nicolas Sarkozy », 45 % parce qu’ils souhaitaient le voir président.
Union et enthousiasme, les ingrédients sont réunis
Du chaos provoqué par le Président de la République, tout laisse à croire qu’émergera une victoire de la gauche aux prochaines élections législatives. Les ingrédients sont réunis. Union des partis de gauche, majorité sortante acculée, enthousiasme puissant.
D’une part, Renaissance va subir une vidange sans précédent. Le parti pâtit de la lassitude des Français, frustrés par les réformes du quinquennat écoulé, la chienlit parlementaire, le plénipotentiaire Président. D’après le dernier baromètre du Cevipof sur la confiance politique, 70 % des Français ne font plus confiance à la politique et seuls 29 % ont confiance en Emmanuel Macron. En contraste, l’union des forces de gauche, portée par un discours fédérateur et ambitieux, pourrait séduire un électorat en quête de renouveau.
Au pays des gens qui doutent, la gauche répond aie confiance.
Ensuite, la mécanique du scrutin législatif à deux tours, qui favorise les grands blocs, devrait également jouer en faveur d’une percée de la gauche unie. Celle-ci pourrait non seulement causer du tort à un parti présidentiel affaibli, relégué au pied du podium, mais aussi au Rassemblement national, qui ne tiendra pas face au réflexe républicain qui demeure en France.
Après le printemps marseillais, l’été 2024 pourrait voir la résurgence d’une gauche fière, enthousiaste, ambitieuse, joyeuse. Un retour en majesté porté par une jeunesse en quête d’idéal et de justice sociale. Un retour qui bousculerait les thuriféraires de l’extrême, pour l’heure si prompts à enterrer la République.
Comme les Mexicains qui viennent de faire le choix de l’environnement, des femmes, de l’école, ou les Britanniques qui s’apprêtent à faire ployer le socle conservateur sous une vague travailliste, la France est prête. Au pays des gens qui doutent, la gauche répond aie confiance. Reste à savoir si elle sera le Kaa de Kipling ou celui de Disney, allié ou prédateur de la démocratie pour 2027.
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