Qui est Serge Klarsfeld, ce militant anti-nazis dont la préférence pour le RN choque ?

C’est une figure de la mémoire de la Shoah. Serge Klarsfeld, rescapé des camps et militant historique de 88 ans, dénonce une gauche "redevenue antisémite".

Le 27 mai 2024, Serge Klarsfeld était décoré par Emmanuel Macron pour sa lutte de toute une vie contre les dirigeants nazis et les collaborateurs du gouvernement français 
 (Ludovic MARIN / AFP)
Le 27 mai 2024, Serge Klarsfeld était décoré par Emmanuel Macron pour sa lutte de toute une vie contre les dirigeants nazis et les collaborateurs du gouvernement français (Ludovic MARIN / AFP)

C’est un ancien chasseur de nazis. Ou plutôt un "chasseur d’âmes juives disparues" comme il le précisera au Monde en 2015. L’un de ces militants infatigables ayant traqué et recueilli des informations sur d’anciens nazis toute sa vie. Il a notamment permis l’arrestation de Klaus Barbie, responsable de la mort du résistant Jean Moulin. Mais aujourd’hui, Serge Klarsfeld fait polémique.

À la veille de la célébration de l'appel du 18 juin, l’ex-avocat de 88 ans a déclaré auprès de LCI qu’en cas de duel LFI-RN au second tour des législatives, il voterait "sans hésitation" pour le Rassemblement national. Serge Klarsferd précise cependant au Parisien voter "pour le parti centriste", mais que le Nouveau Front Populaire n’aurait pas ses faveurs s’il devait affronter l’extrême-droite.

« L’antisémitisme change tout le temps. Avant, c’était l’extrême droite, maintenant c’est à gauche. (…) Le RN soutient les Juifs et Israël, l’extrême gauche est redevenue antisémite »Serge Klarsfeld au Parisien

Ces déclarations ont choqué une partie de l’opinion publique, celle qui a encore en tête les virulentes campagnes de Serge Klarsfeld contre les Le Pen, d’abord Jean-Marie, puis Marine. Car Serge Klarsfeld est d’abord un enfant rescapé des camps. Né le 17 septembre 1935, le natif de Bucarest (Roumanie) se terre avec sa famille à Nice, caché dans un placard à double fond, pour échapper aux Allemands, raconte Libération. En vain. Les Klarsfeld sont trouvés et déportés à Auschwitz. Son père y meurt, le reste de la famille survit jusqu’à la libération.

Commence alors un parcours du combattant pour Serge. Diplômé de la Sorbonne et Sciences Po, il démarre sa traque des nazis, aidé de sa femme Beate, une jeune Allemande installée dans la capitale française. Klaus Barbie, le "boucher de Lyon", mais aussi le chancelier Kiesinger, auteur de la propagande radiophonique hitlérienne ou Herbert Hagen, organisateur de rafles à Bordeaux et Paris sont arrêtés et condamnés, parmi tant d’autres.

Entre tentatives d’enlèvements (celui d’Eichmann en Argentine l’inspira), distributions de tracts et manifestations, la "méthode Klarsfeld" se fait un nom. Serge Klarsfeld et sa femme font aussi tomber les collaborateurs français, comme Paul Touvier ou Maurice Papon. Enfin, le couple publie "le Mémorial de la déportation des Juifs de France", un ouvrage "de 7 kilos" qui recense les noms, âges et les parcours des 76 000 Juifs déportés de France.

"Je suis arrivé dans cette période de l’Histoire, j’y suis né. J’ai fait ce que j’avais à faire en tant que survivant de la Shoah. (…) Et avec une Allemande [Beate], ce qui est une victoire sur l’hitlérisme", confiait-il à France 3 régions en 2022.

Serge et Beate Klarsfeld n’ont jamais caché leur indéfectible soutien à la droite républicaine : ils votent notamment pour Nicolas Sarkozy en 2012. Mais le couple s’est aussi fait connaître pour son opposition virulente au parti de Jean-Marie Le Pen. "Le Pen Nazi" arbore Serge sur son t-shirt lors d’un rassemblement du Front national qu’il perturbe pendant sa jeunesse, relate Le Parisien.

En 2015, face au score du FN aux régionales, Serge Klarsfeld déclarait :

"Marine Le Pen serait la destruction de la mémoire de la Shoah. Si elle gagne, je devrais partir."

En 2017, aux portes du second tour de l'élection présidentielle entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, lui, sa femme Beate et son fils Arno, appellent à voter contre la candidate FN. Rebelote en 2022. Dans le même contexte, le couple signe une pétition contre Marine Le Pen, "fille du racisme et de l’antisémitisme".

C’est en 2022 que son opinion change sensiblement. Le militant de la mémoire juive accepte la médaille de la Ville de Perpignan, remise par le maire RN Louis Aliot, ex-compagnon de Marine Le Pen. L’année suivante, en marge d’une marche contre l’antisémitisme à laquelle le RN participe, il affirme au Figaro qu’il y a "beaucoup de braves gens au Rassemblement national".

"J’ai constaté une évolution très nette avec l’arrivée de Marine Le Pen en ce qui concerne l’antisémitisme, explique-t-il au Monde en 2023. Elle affirme une solidarité vis-à-vis des juifs (…) et de l’État d’Israël. Dans des périodes difficiles, il faut des alliés. Pour moi, un parti d’extrême droite ne peut être appelé d’extrême droite que s’il est antijuif."

Décoré, avec sa femme, par Emmanuel Macron il y a quelques semaines, pour leur combat de 60 ans, Serge Klarsfeld fait aujourd’hui l’objet d’un âpre débat après ses déclarations au Parisien. Manuel Bompard, coordinateur de LFI s'est dit "choqué" sur BFMTV et juge que Serge Klarsfeld "se trompe". "Il a fait un beau cadeau à la fille Le Pen. C’est lamentable", a commenté une survivante des camps de concentration auprès du Parisien.

Pour Éric Ciotti, président des Républicains favorable à une alliance avec le RN, "Serge Klarsfeld ne se trompe pas d’ennemi".