Témoignages des familles, Sélim... le procès de Monique Olivier s'achève, retour sur 5 moments forts

Le verdict de la cour d'assises des Hauts-de-Seine qui juge, depuis le 28 octobre, Monique Olivier pour sa participation aux meurtres de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin, est rendu ce mardi 19 décembre.

Pour la dernière fois, Monique Olivier pénétrera dans le box des accusés. Certainement pour la dernière fois, l'ex-femme de Michel Fourniret fera face à la justice alors que la cour d'assises des Hauts-de-Seine, qui la juge depuis le 28 octobre pour sa participation dans les meurtres de Marie-Angèle Domèce en 1988, Joanna Parrish en 1990 et Estelle Mouzin en 2003, doit rendre son verdict ce mardi 19 décembre.

Lundi, le parquet a requis la prison à vie, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, pour Monique Olivier. Mais cette peine est sans réel enjeu judiciaire. L'ex-femme de Michel Fourniret a déjà été condamnée en 2008 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 28 ans et son avocat a d'ores et déjà annoncé qu'elle ne fera pas appel de cette nouvelle condamnation. Pour les familles des victimes, ce procès se situait avant tout sur le terrain de la vérité. En vain, selon elles. Retour sur ces deux semaines de débat.

· Monique Olivier accepte d'être filmée

C'est une pratique de plus en plus rare. Dans une cour d'assises, le président peut laisser la presse prendre en photo l'accusé dans son box juste avant l'ouverture des débats, avec l'accord de l'intéressé. Comme en 2008 et comme en 2018, Monique Olivier s'est prêtée à l'exercice le 28 octobre dernier. Sweat blanc et jogging noir, l'ex-femme de Michel Fourniret âgée de 75 ans est restée sans réaction face à une nuée d'appareils photos et de caméras, échangeant seulement quelques mots avec son avocat Me Delgenes.

Plus tard, un avocat des familles des victimes l'a interrogée sur le fait d'avoir accepté. "Oui, pourquoi pas... Si on ne m'avait pas filmée là, on m'aurait filmée à l'extérieur", a-t-elle rétorqué, comme agacée par l'attention qui lui est portée. L'accusée révélait son sentiment de "peur" d'être "la seule accusée" lors de ce troisième procès d'assises, Michel Fourniret étant mort en mai 2021.

A l'ouverture du procès, Monique Olivier a présenté des excuses et a dit "regretter tout ce qu'il s'est passé", promettant de "faire de (son) mieux" lors des débats.

· L'émotion de la famille d'Estelle Mouzin

Pendant 20 ans, Eric Mouzin s'est battu pour que la disparition de sa fille Estelle à Guermantes le 9 janvier 2003 ne tombe pas dans l'oubli. Droit, fort, portant ce combat, il a assuré au procès "n'avoir aucun esprit de vengeance". Cette sorte d'armure s'est fissurée quand Eric Mouzin a raconté son réveil chaque nuit à 3 heures du matin, s'imaginant que "c'est à cette heure-là qu'Estelle a été assassinée" ou son choix de place dans l'avion, toujours près du hublot, pour pouvoir s'autoriser à pleurer.

Suzanne Goldschmidt, la maman d'Estelle Mouzin, n'a pas pu retenir ses larmes lors de son témoignage devant la cour d'assises. Entendue en visioconférence, cette mère endeuillée a raconté sa culpabilité d'avoir laissé rentrer seule sa fille de l'école. "D’une nuit à l’autre ma plus jeune fille, mon enfant, n’était plus là", a-t-elle confié, racontant avoir dû déménager loin de la France pour "essayer d'échapper à cette perte insupportable".

Lucie, la grande sœur, qui vivait avec Estelle et leur mère à Guermantes, a elle aussi fui la France. "J'ai passé vingt ans à essayer de ne pas imaginer Estelle violée, torturée, morte, tout mon être est en souffrance pour Estelle et j'en suis malade", a écrit la jeune femme dans une lettre lue à l'audience. "C'est une partie de ma vie qui a été enlevée", a quant à lui confié Arthur, le grand frère d'Estelle, évoquant lui aussi sa "culpabilité profonde".

· Le témoignage des deux survivantes

L'une a 32 ans, l'autre 48. Elles ne se connaissent pas et pourtant, elles ont toutes les deux échappé à une mort certaine. Megan est venue raconter à la cour d'assises des Hauts-de-Seine comment un soir de décembre 2002, quelques jours avant la disparition d'Estelle Mouzin, elle a été abordée par Michel Fourniret. "Ca a l'air bien lourd ce que tu portes", lui lance le tueur au volant de sa camionnette la voyant rentrer de l'école, cartable sur le dos. La petite fille de 11 ans à l'époque avait refusé de monter dans le véhicule.

"J’ai culpabilisé pendant très longtemps de pas être montée dans la camionnette car ça aurait pu être moi et pas ma copine (Estelle, NDLR)", a-t-elle confié.

Emi A. aurait pu être une victime du couple Fourniret-Olivier. En 1998, ils contactent la jeune femme, alors étudiante en musique en Belgique, pour qu'elle donne des cours de piano à leur fils Selim. Elle finira par ne pas donner suite, échappant à son sort. "Je suis contente que vous ayez refusé", a réagi Monique Olivier au terme de son témoignage.

· Le face-à-face tendu entre une mère et son fils

Quinze ans d'une adolescence qu'il a fallu raconter en trois heures. C'est au douzième jour du procès que Sélim Fourniret, l'unique enfant de Michel Fourniret et de Monique Olivier, a été entendu par visioconférence. Paré d'une fausse perruque, d'une fausse barbe et de lunettes, l'homme de 35 ans, qui a changé de nom de famille, est revenu sur son enfance entre un père "autoritaire" et une mère "aimante", des parents qu'il n'a "jamais suspectée" des pires crimes.

Quand Sélim découvre la vérité à l'époque, il est "écœuré" par le "vrai visage" de sa mère, une "manipulatrice". "Pour moi c’était pas une victime, une complice", a-t-il insisté devant la cour d'assises, évoquant "le pacte" conclut entre ses parents. "Elle avait conscience de ce qui se passait, elle a signé", a déploré Sélim Fourniret qui a coupé tout contact avec sa mère.

Mais surtout, le fils du "couple diabolique" a conscience d'avoir été utilisé comme appât par ses parents. "Pendant 15 ans, j'ai vécu avec des acteurs, devant moi ils ne parlaient pas de ce qu’ils avaient fait, c’était acteur papa, acteur maman", a-t-il poursuivi. S'il était adolescent au moment du dernier meutre du couple, celui d'Estelle, il n'a "jamais vu la petite fille", a-t-il assuré.

"Je ne remets pas en cause le témoignage, mais je n'ai pas de souvenir (...) J’aimerais bien me rappeler et en même temps j’aimerais bien oublier", a soufflé Sélim Fourniret.

Entre la mère et le fils, le face-à-face aura été tendu. "Je ne suis pas ton fils, tu n’es pas ma mère", s'est emporté Sélim Fourniret, face à une Monique Olivier répétant qu'elle ne sait pas où sont cachés les corps. "Dehors personne ne t’attend, qu’est-ce que tu as caché? N’essaie pas de protéger tes enfants, on est grand", lui a-t-il dit.

"Tu vas pas me faire la morale ! J’ai dit tout ce qu’y a à dire ", lui a rétorqué sévèrement Monique Olivier.

"Tu ressembles vraiment à ton père déguisé comme ça", a-t-elle ajouté. "Il ne m’aime plus mais moi je sais que je l’aime toujours", a-t-il glissé pour conclure.

· Joanna et Marie-Angèle, les deux oubliées

Si le visage d'Estelle Mouzin est connu de tous, celui de Marie-Angèle Domèce, lui, ne dit rien à personne. C'est pourtant la troisième victime connue du couple. Le 8 juillet 1988, la jeune femme de 18 ans, quitte à pied son foyer pour handicapés de Fougerolles d'Auxerre (Yonne). Elle y a été placée par la Ddass alors qu'elle n'avait que quinze jours. Alors qu’elle se rend à la gare d’Auxerre pour passer le week-end dans sa famille d’accueil, elle se volatilise. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Mais ni son foyer, ni les gendarmes ne prennent sa disparition au sérieux. "On se disait que comme on n’a pas de famille, on pouvait disparaître sans que personne ne s’en inquiète", a estimé à la barre une ancienne pensionnaire du foyer d’accueil qui vivait avec la victime.

"Nous les enfants de la Ddass, on était très mal vu. On était des putes, des voleuses ou des droguées, personne ne se souciait de nous", a expliqué une autre pensionnaire à la cour.

Ce n'est qu'en 2018 que Monique Olivier reconnaît avoir été présente dans la voiture avec Michel Fourniret, qui a enlevé, violé puis tué Marie-Angèle Domèce. Interrogée à plusieurs reprises sur la localisation du corps, Monique Olivier n'a cessé de répéter qu'elle ne savait pas: "A l’âge que j’ai, je vais bientôt crever, ça me servirait à quoi de le cacher ?", a-t-elle répondu au président.

Un autre visage a été projeté sur le mur de la cour d'assises, celui de Joanna Parrish, retrouvée morte, le 17 mai 1990, dans un cour d'eau de Monéteau, près d’Auxerre. Cette Britannique de 20 ans est la septième victime connue de Michel Fourniret et de Monique Olivier. L'autopsie avait révélée qu'elle avait été droguée, étranglée, ligotée, violée et battue.

Trentre-trois ans ont passé, mais "la douleur n’a jamais disparu, elle n’a jamais faibli", a expliqué son père, Roger Parrish, peinant à cacher son émotion face aux clichés de sa fille projetés sur le mur de la cour d'assises.

La jeune femme, qui avait passé une petite annonce dans le journal pour proposer des cours d'anglais, a été contactée par un homme - vraisemblablement Michel Fourniret - qui cherchait des leçons pour son fils. Le rendez-vous avait été fixé le 16 mai au soir. Le corps de Joanna Parrish a été retrouvé le lendemain matin.

"Quand elle était enfant, Joanna était une petite fille gaie, toujours de bonne humeur, qui se faisait des amis facilement", a raconté son père à la barre. Elle "méritait une vie longue, heureuse et accomplie", mais "un psychopathe narcissique et sa partenaire ont mis cruellement fin à sa vie", a-t-il poursuivi.

"Il n’y a pas de tragédie plus grande que de perdre un enfant. C’est contraire à l’ordre naturel des choses. Personne ne devrait survivre à ses enfants", a estimé Roger Parrish.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - L'affaire Michel Fourniret, l'ogre des Ardennes