"Je souhaite qu'elle ne sorte jamais": le témoignage du père d'Estelle Mouzin au procès de Monique Olivier
"Aujourd'hui ça fait 7636 jours qu'Estelle a été enlevée". Au septième jour du procès de Monique Olivier, c'est Éric Mouzin, le père de la fillette de 9 ans, disparue le 9 janvier 2003 à Guermantes, qui s'est avancé à la barre de la cour d'assises des Hauts-de-Seine. "Je n'ai aucun esprit de vengeance", a-t-il débuté, en lisant un texte, face à une accusée impassible.
Depuis 20 ans, il est le visage d'un combat, celui d'un père qui tente d'obtenir des réponses sur la disparition de son enfant. "Aujourd’hui, dès que nous rencontrons quelque chose de beau, un endroit, un concert, à chaque fois je me dis Estelle n’est pas là pour voir ça", explique-t-il.
"Nous sommes dans la négation de l’humanité"
Depuis le 28 novembre, Monique Olivier est jugée pour complicité d'enlèvement et de séquestration suivis de mort sur Estelle Mouzin. Car après des années d'enquête au point mort, c'est auprès de la juge Sabine Kheris, coordinatrice du pôle "cold cases" de Nanterre, que Monique Olivier avait dénoncé son ex-mari en 2020.
Elle avait affirmé que Michel Fourniret avait séquestré, violé et tué Estelle Mouzin dans leur maison de Ville-sur-Lume (Ardennes). L'Ogre des Ardennes, lui, avait simplement reconnu sa responsabilité dans la disparition de la fillette.
L'année suivante, Monique Olivier avait admis avoir "gardé" Estelle, puis avoir accompagné Michel Fourniret près du bois d'Issancourt-et-Rumel, dans les Ardennes, pour enfouir le corps de la fillette. Pourtant, malgré de nombreuses fouilles, il n'a jamais été retrouvé.
"La recherche du corps constitue peut-être pour les criminels la possibilité d’avoir une empreinte maléfique sur les familles. Toutes les civilisations ont pris soin de leurs morts", poursuit Eric Mouzin, qui espère "pouvoir prendre soin du corps d’Estelle une dernière fois et de se recueillir" avec ses proches.
Et pour le père d'Estelle, Monique Olivier "a participé pleinement à l'enlèvement et à la suite des opérations". "Elle a gardé Estelle pendant la journée en sachant parfaitement ce qui allait se passer", déplore-t-il.
"Maintenant je vous demande d’imaginer le viol de cette petite fille terrorisée, trimbalée dans un fourgon fermé, séquestrée dans une maison abandonnée... Nous sommes dans la négation de l’humanité", dit-il en s'adressant à la cour. "L'assassinat d'Estelle, c'est un crime de sang-froid", ajoute-t-il.
Vingt ans après, le souvenir est toujours aussi douloureux pour le père d'Estelle. "La nuit, à 3 heures du matin, je me réveille, car je m’imagine que c’est à cette heure-là qu’Estelle a été assassinée. Et donc toutes les nuits à 3 heures du matin je me fais la liste, qu’aurais-je dû faire?'", s'interroge-t-il.
"Le QI n'a rien à vous à voir avec la cruauté"
Ce mercredi, au lendemain du premier interrogatoire de Monique Olivier, c'est son "absence de remords sincères" qui révolte Eric Mouzin.
"Elle se présente comme une victime et je trouve cela très particulier", explique-t-il.
Parmi les questions centrales de ce procès, il reste celle de l'intelligence de Monique Olivier. Plusieurs rapports d'expertises se sont contredits ces dernières années, faisant vaciller la thèse d'une femme manipulée et sous emprise de Michel Fourniret. Qu'importe, pour Éric Mouzin, le "QI n'a rien à vous à voir avec la cruauté".
"Michel Fourniret a dit personne ne sortira indemne de ces affaires", termine le père d'Estelle.
Si les "premières victimes sont les enfants et les jeunes femmes", victimes du couple, les proches "ont pris 20 ans". "Son corps reste introuvable et ça reste une blessure ouverte. Et je souhaite que Monique Olivier ne sorte jamais", conclut Éric Mouzin.