Procès de Monique Olivier: Éric Mouzin, le combat d'un père pour obtenir des réponses sur la disparition de sa fille

Il n'attend rien d'elle mais en même temps, évidemment, il aimerait que Monique Olivier lui livre les réponses aux dernières questions qu'il se pose sur l'enlèvement et le meurtre de sa fille Estelle. Depuis 20 ans, Éric Mouzin mène le combat pour que la disparition de la fillette le 9 janvier 2003 alors qu'elle rentrait de l'école à Guermantes, en Seine-et-Marne, soit expliquée, pour qu'elle ne tombe pas dans l'oubli.

"Elle n'a pas fait tout le chemin"

C'est ce parcours dont il va témoigner ce mercredi 5 décembre devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine qui juge Monique Olivier depuis le 28 novembre. Forcément ce procès pour complicité d'enlèvement, de séquestration et de meurtre représente une étape importante.

"Elle a fait un pas en expliquant ce qui s’était passé, mais elle n'a pas fait tout le chemin, elle n'a pas permis de retrouver le corps d’Estelle, concédait Éric Mouzin en octobre dernier, enterré dans les Ardennes. C'est la dernière fois qu'on a Monique Olivier aux assises (...) c'est maintenant qu'il faut obtenir le maximum de chose d'elle."

"L'objectif, c’est qu'elle soit condamnée à la hauteur du crime commis", poursuivait-il. Pour autant, l'enjeu ne se situe pas sur la peine, Monique Olivier ayant déjà été condamnée en 2008 à la réclusion criminelle à perpétuité. Les attentes se jouent sur le rôle de la septuagénaire qui a admis avoir "gardé" Estelle Mouzin le jour de son enlèvement. "Elle ne peut pas ignorer comment ça va se finir pour Estelle", tranche le père de famille.

Vendredi dernier, alors quand le président de la cour d'assises des Hauts-de-Seine refuse à son avocat de poser des questions de Monique Olivier, Éric Mouzin quitte la salle et fait part de son incompréhension, lui reprochant d'avoir comme préoccupation de vouloir tenir son planning.

"Le président a interrompu Monique Olivier à chaque fois qu'elle parlait. On respecte le délai, on essaie d'aller vite, on a l'impression d'être à la SNCF. Ce n'est pas possible. On n'arrivera jamais à obtenir une quelconque réponse de Monique Olivier en procédant ainsi", se désole-t-il auprès de France Bleu le jour même.

20 ans de lutte contre l'oubli

Depuis 20 ans, le 9 janvier, Éric Mouzin organise une marche blanche en hommage à Estelle aux côtés de ses enfants, les frères et sœurs de la fillette, devant la boulangerie où la petite fille alors âgée de 9 ans a été vue pour la dernière fois en 2003.

"Il a toujours voulu donner le sentiment de quelqu'un qui tient debout, qui est dans le combat", confie Me Didier Seban, l'avocat d'Éric Mouzin. "Mais cette image lui a été reprochée par certains", complète un proche.

Le père de famille assiste avec assiduité aux débats devant la cour d'assises. Le jour de l'ouverture du procès, Éric Mouzin, pull rouge, est au premier rang sur les bancs des parties civiles. Il ne rate rien des échanges entre la cour, les avocats et l'accusée. Devant lui, un cahier avec des post-it.

Derrière lui, ses deux enfants, les frères et sœurs d'Estelle, mais aussi sa nouvelle compagne et ses deux enfants, demis frères et sœurs de la fillette, qui se sont constitués partie civile. Lorsque les détails des affaires Domèce et Parrish sont examinés, ils laissent sa place aux familles.

Éric Mouzin a créé un compte sur le réseau social X (ex-Twitter) pour communiquer des informations en lien avec les débats. De la disparition de sa fille, il en connaît les moindres détails. Il a pris soin de lire l'intégralité du dossier, même les détails les plus douloureux liés au meurtre d'Estelle. Il s'est toujours battu pour que la disparition d'Estelle ne devienne pas un fait divers.

Très vite après la disparition d'Estelle, au mois de mars 2003, Éric Mouzin avait créé l'association Estelle. L'idée était alors de "mobiliser tous les moyens et toutes les énergies pour retrouver Estelle", et entre autres "d'apporter une aide efficace aux parents d'Estelle". Le père de famille n'a jamais lâché. "Depuis le premier jour, j’ai choisi de faire", livre-t-il dans un livre Retrouver Estelle, co-écrit avec Véronique de Bure. Il parcourt notamment les rues pour coller des affichettes de sa fille.

"Estelle, c'est la plus jeune victime du couple, c'est la dernière victime connue, parce que ça a été le combat d'un père qui a hyper médiatisé la recherche de sa fille, analyse Me Seban. Estelle a été affichée sur tous les murs de France, les gens ont suivi Eric dans son engagement sans faille."

La piste Fourniret

La piste du couple Fourniret-Olivier, il y pense immédiatement, avec ses avocats, malgré l'alibi avancé par les suspects. Mais les enquêteurs de la police judiciaire de Versailles lui rétorquent qu'"à 99%", c'est impossible. Il y a aussi ce courrier du procureur de Charleville-Mézières qui a été en charge de requérir contre Michel Fourniret et Monique Olivier lors de leur premier procès en 2008 pour sept meurtres et assassinats. Francis Nachbar, qui a rencontré le couple, adresse un courrier pour évoquer son intime conviction qu'ils sont impliqués dans la disparition d'Estelle Mouzin. En vain.

Il faudra la persévérance et la ténacité d'Eric Mouzin pour que l'enquête soit dépaysée au pôle d'instruction du tribunal judiciaire de Paris et atterrisse sur le bureau de la juge Sabine Khéris, déjà en charge des investigations sur les meurtres de Marie-Angèle Domèce, en 1988, et de Joanna Parrish, en 1990. Devant la magistrate, au terme de plusieurs jours d'audition, Monique Olivier finira par avouer que Michel Fourniret n'a pas d'alibi pour la disparition d'Estelle, puis, plus tard, que la fillette est bien l'une des victimes de "l'ogre des Ardennes".

Un combat universel

Interrogé sur sa peine qui dure depuis 20 ans, sur le combat qu'il mène et sur le long chemin qu’il a parcouru, Eric Mouzin élude: "Ce n’est pas un courage individuel, c’est un courage collectif, il y a l’association, les avocats, la famille, les enquêteurs." Le père n'a jamais flanché, ne s'est jamais permis "une larme". "La seule émotion que je m’autorise, c’est la colère. Une colère froide, une révolte calme. Le reste, je n’ai pas le droit", écrivait-il encore en 2011.

Dans les statuts de l'association Estelle, Eric Mouzin a voulu donner un aspect universel à son combat. Il se bat notamment pour une meilleure médiatisation des disparitions. Cet engagement a permis la mise en place, en 2006, du dispositif alerte enlèvement, inspiré de ce qu'il se fait aux Etats-Unis et au Canada. Plus tard, Eric Mouzin et son association militent pour une centralisation des données des affaires non élucidées. Aux côtés des magistrats également demandeurs, ils voient naître en mars 2022 le pôle judiciaire spécialisé sur les "cold case".

Le procès de Monique Olivier ne devrait pas marquer la fin de son combat. Éric Mouzin a porté plainte pour "faute lourde" contre l'État, estimant qu'il y a eu des dysfonctionnements dans l'enquête sur la disparition de sa fille qui ont ralenti sa résolution. "J’en veux à l’État en tant qu’autorité responsable du fonctionnement de la justice et de l’enquête", admettait il y a quelques jours sur RTL Eric Mouzin. Enfin,

Article original publié sur BFMTV.com