Procès de Monique Olivier: les sœurs de Marie-Angèle Domèce réhabilitent une victime "oubliée"

Que reste-t-il de Marie-Angèle Domèce? Pas grand-chose, si ce n’est quelques photos et un procès pour lui rendre justice. Après avoir retracé les étapes des enquêtes depuis mardi, le tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), devant lequel Monique Olivier est jugée, a consacré ce vendredi plusieurs heures à la personnalité de Marie-Angèle Domèce, enlevée et tuée à Auxerre (Yonne) par Michel Fourniret à l’âge de 18 ans en juillet 1988.

"Je vais vous parler de ma petite sœur et de notre famille désunie."

C’est Véronique Domèce, la grande sœur de Marie-Angèle Domèce ("Marie", comme elle l’appelle), qui s’avance en premier à la barre, vendredi après-midi. Triste mais digne, elle retrace les contours d’une famille dysfonctionnelle.

Elle a 10 ans lorsqu’elle apprend l’existence de Marie-Angèle. Environ cinq ans plus tôt, alors qu’elle était enceinte, sa mère a quitté le domicile familial. Incapable de s’occuper de ses enfants, le père, Claude Domèce, alcoolique et parfois violent, les avait confiés aux services sociaux. Vers 1975, Véronique Domèce reçoit une lettre de sa mère contenant la photo d’une petite fille. "Je vous présente votre petite sœur", est-il écrit.

"Elle n’était pas handicapée"

Elles se rencontreront dix ans plus tard, d’abord au foyer de Leclerc de Fourolles où était placée Marie-Angèle, puis se verront à cinq ou six reprises chez Véronique jusqu’en 1988. "C’était quelqu’un de timide, de très gentil. Je n’ai pas de mauvais souvenirs d’elle". Elle reprend son souffle pendant de longues secondes, la voix coupée par l’émotion.

À la demande du président de la cour, des photographies de Marie-Angèle sont projetées dans la salle d’audience. Sur les clichés en noir et blanc, on distingue une jeune fille souriante aux cheveux bruns, coupés à la garçonne, à différents âges. Des photos de vacances à la mer sont aussi montrées, pêle-mêle avec des portraits de famille. "Vous pouvez nous dire avec qui elle se trouve sur ces photos?", demande le président. "Absolument pas", répond Véronique Domèce. Des figures inconnues, oubliées.

Oubliée, Marie-Angèle l’était aussi. Lors de sa disparition, peu de proches de la jeune fille ont été informés de manière officielle, par la justice. Un non-lieu sera d’ailleurs prononcé en 1989. Plus tard, personne ne viendra récupérer ses affaires au foyer. Même ses sœurs admettent ne pas avoir beaucoup de souvenirs d’elle.

Plutôt réservée, taiseuse, elle "cultivait le secret", selon les mots de son père, décédé il y a peu. "Elle n’était pas handicapée, timide mais pas handicapée", ajoute sa sœur Véronique, contrairement à ce que déclarent certaines personnes dans leur entourage. "Elle était souvent amoureuse. Je pense que nous, enfants de la DDASS, on avait toujours manqué d’amour. Dès que quelqu’un s’intéressait à nous, c’était important. Alors Marie-Angèle tombait souvent amoureuse."

"Notre papa nous a quittés sans savoir où elle se trouve"

C’est en visioconférence depuis le tribunal de Laval que la deuxième sœur de la victime, Patricia Domèce, s’exprime à son tour. La mine défaite, soufflant à intervalles réguliers et se tenant la tête entre les mains, elle préfère lire une lettre en guise de déposition. "Aujourd’hui, comme tous les autres jours, je me sens seule et sans soutien. Nous sommes en sursis. Ce que nous voulons, c’est savoir où se trouve notre petite sœur qui nous manque énormément. Notre papa nous a quittés il y a peu sans savoir où elle se trouve."

"La justice n’a rien fait, ils ont fermé les yeux pour nous, les enfants de la DDASS", édicte-t-elle.

Quant au père de la jeune fille, qui a poursuivi presque tout seul le combat pour voir un jour le meurtrier de sa fille condamné et son corps retrouvé, il est mort près d’une semaine avant le début de l’audience, rappelle Véronique Domèce, qui reprend maintenant le flambeau. "Il est décédé quelques jours avant le procès. Il l’attendait, ce procès, mon père."

Article original publié sur BFMTV.com