Procès de Monique Olivier: les enquêteurs cuisinés sur les défaillances lors des investigations

Éric Mouzin et son avocat l’avaient annoncé en amont de l’audience: si ce n’est pas le procès de la justice mais bien celui de Monique Olivier qui se déroule depuis mardi au tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine), la question des défaillances qui ont émaillé l’enquête sur le couple Fourniret-Olivier s’invite inévitablement à l’audience.

Déjà abordé mercredi lors des auditions d’une enquêtrice belge et de Francis Nachbar, ancien procureur de Charleville-Mézières, le sujet s’est de nouveau immiscé ce jeudi, alors que plusieurs enquêteurs ont été entendus.

Un ballet qui s’est ouvert avec Didier Bourgard, ancien commissaire de police au Service régional de la police judiciaire (SRPJ) de Reims, saisi en 2000 et 2001 des investigations sur les enlèvements de Céline Saison et de Mananya Thumpong à Charleville-Mézières et à Sedan. Il faudra attendre les aveux de Monique Olivier en juin 2004, un an après l'arrestation de l’Ogre des Ardennes, pour que ce dernier soit mis en cause dans ces dossiers.

Pourtant, Me Corinne Herrmann, avocate des parties civiles, met le doigt sur un point étonnant du dossier: en août 2003, Monique Olivier formule de premiers soupçons concernant l'implication de son mari dans les meurtres de Mananya Thumpong et Céline Saison, sans que cela soit suivi d'effet. "Ça ne vous alerte pas?", questionne l’avocate.

"Ça alerte, bien entendu! Mais on n’avait pas d’éléments. Jamais Michel Fourniret ne nous aurait dit quoi que ce soit avec le peu d’éléments qu’on avait", répond Didier Bourgard.

"C'est une erreur, j'en conviens"

Encore plus frappant, l’affaire Céline Saison aurait peut-être pu être résolue beaucoup plus tôt, remarque à son tour Me Didier Seban, autre avocat des parties civiles. Dès 2000, un policier du SRPJ de Reims cite le nom de Michel Fourniret comme suspect potentiel dans l’assassinat de la jeune fille de 17 ans. L’officier en veut pour preuve que le Château du Sautou, où le criminel réside alors, ne se trouve qu’à 1,5 kilomètre du lieu où le corps a été découvert.

"Ça m'interroge sur la manière dont on mène les enquêtes. Votre collègue dit qu’on a bien pensé à Fourniret, qui est déjà connu pour des faits d’agressions sexuelles. Et à l’époque on ne fait pas de rapprochement?", demande l’avocat.

À ce sujet, Didier Bourgard explique que les faits d’agression sexuelle pour lesquels a été condamné Michel Fourniret par le passé ont été traités par la gendarmerie d’Evry, et non par la police. "On aurait dû consulter le fichier de la gendarmerie", admet l’ancien commissaire, à la barre. "C’est une erreur, j’en conviens tout à fait."

"D’autres meurtres auraient pu être évités, comme celui d’Estelle Mouzin (en 2003, NDLR)", relance Me Didier Seban. "Bien sûr", répond Didier Bourgard.

Interrogé par la suite, Yannick Jacquemain, autre enquêteur de la SRPJ de Reims, souligne une autre problématique à laquelle la police a été confrontée à l’époque: l’absence de cellule d’enquête commune permettant des rapprochements entre les affaires où Michel Fourniret pouvait être impliqué. "Tout policier connaît l’affaire Mouzin, mais c’est Versailles qui travaille sur cette affaire. Nous, on n'a pas fait pas le lien avec Fourniret. On était dans notre voie d’eau, on savait qu’il y avait des enquêteurs de Versailles (sur cette affaire), donc on était confiants", témoigne-t-il.

"Je ne vous infantilise pas"

Tout au long de cette journée d’audience, il semble parfois difficile de trouver un terrain d’entente entre les parties civiles - qui dénoncent un retard considérable dans l’enquête - et les acteurs de l’enquête eux-mêmes.

Parmi eux, Pascal Preaubert, ancien juge d’instruction à Charleville-Mézières, reste ferme sur ses positions. "Je ne sais pas", "C’est comme ça", "Je ne me souviens pas"... Questionné par les avocats des parties civiles, il se borne la plupart du temps à formuler des réponses courtes, sans s’étendre. Lorsque Me Didier Seban rappelle la décision du parquet de ne pas renvoyer dès 2008 le couple Fourniret-Olivier devant les assises pour les dossiers Mouzin, Parrish et Domèce, il répond en substance que Michel Fourniret était encore trop ambigu sur ces trois affaires.

"Il avait toujours un côté manipulateur. Un oui pouvait être un non, un non pouvait être un oui…", maintient l’ancien juge d’instruction.

L'avocat de la défense, un peu plus virulent, tente lui aussi de le bousculer. "Parlez-moi comme à un enfant de 7 ans, peut-être que je comprendrai mieux...", se braque le témoin. "Je ne vous infantilise pas", coupe Me Richard Delgenès. Il ne parviendra pas à en savoir plus.

Les débats sur les manquements des investigations devraient se poursuivre mardi avec l’audition des policiers versaillais. Les parties civiles leur reprochent tout particulièrement d’avoir fait la sourde oreille lorsque les enquêteurs belges ont, dès l’arrestation de Michel Fourniret, évoqué la possible implication du tueur en série dans l’affaire Estelle Mouzin.

Article original publié sur BFMTV.com