Recours juridiques, statuts du parti... Pourquoi le feuilleton entre Ciotti et les tenors de LR va durer

Après avoir affiché une unité exemplaire pendant toute la campagne des européennes, la guerre fait rage chez Les Républicains depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale. Chacun s'accuse désormais d'avoir pris une décision sans avoir respecté les règles qui encadrent la formation politique de droite.

Éric Ciotti compte bien faire savoir qu'il reste le président des Républicains (LR). Le député sortant des Alpes-Maritimes, exclu du parti par un bureau politique extraordinaire mercredi 12 juin, refuse toujours, 24 heures après, la procédure qui a décidé de son sort. Mardi 11 juin, le cador républicain avait annoncé son alliance avec le RN en vue des législatives anticipées, créant une rupture profonde avec le reste de son parti.

En face de lui, les ténors LR, ulcérés par la "traîtrise" du chef, commencent à s'organiser, comme s'il n'était plus là. Cette guerre interne donne lieu depuis deux jours à des séquences médiatiques devant le siège du parti, place du Palais-Bourbon, dans le 7e arrondissement de Paris, que chacun revendique, qui vont durablement marquer les esprits.

Cette bataille de légitimité et de mouvement de la ligne politique au sein du mouvement conservateur peut durer très longtemps. Sauf si les délais, très courts, de la campagne express pour former la future Assemblée ne venaient mettre un coup de pression à tous, pour trouver une sortie de crise au plus vite.

En plus d'avoir saisi le tribunal judiciaire en référé pour contester cette sanction et continuer d'avoir accès au siège du parti, Éric Ciotti s'est mis en scène dans une vidéo ce jeudi 13 juin dans son bureau, au siège des LR à Paris, pour bien appuyer son désaccord.

D'après lui, on ne peut pas lui en refuser l'accès, puisqu'il est toujours président de la formation politique. "Au travail pour la France!", indique-t-il en légende, comme si de rien était.

Son argument? Le règlement intérieur du parti qui stipule que l’instance ne peut se réunir que sur demande du "président du mouvement", lui en l'occurrence, "ou à l’initiative d’un quart des membres du Conseil national". Cette réunion doit enfin se faire sur un ordre du jour déterminé à l'avance, dans les conditions fixées par le règlement intérieur.

Selon le député des Alpes-Maritimes, ce bureau politique n’a donc "aucune valeur juridique" et la sanction n'est pas valable. Tout autant que la présidence par intérim annoncée assurée par la secrétaire générale, Annie Genevard, le vice-président exécutif et tête de liste LR aux européennes, François-Xavier Bellamy, et le trésorier Daniel Fasquelle.

Pour se défendre, seul contre tous, le président déchu ne fait toutefois pas appel à l'avocat du parti, mais à son propre avocat. Après plusieurs rencontres avec le président du Rassemblement national, vainqueur des européennes, Jordan Bardella, le républicain sur la crête continue ses tractations, espérant faire évoluer sa situation.

Selon nos calculs et d'après des informations du JDD, le Niçois aurait déjà permis la possible investiture RN aux législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet prochains de plus 60 candidats issus de LR.

Du côté de ses opposants en interne, soit la quasi-totalité du parti, à l'exception de Guilhem Carayon, président des Jeunes Républicains, qui soutient l'accord passé entre le RN et son chef, ont fait déjà comme s'il n'était plus là.

Le parti a en effet convoqué ce jeudi 13 juin un nouveau bureau politique "pour valider" l'exclusion de son président, comme il l'a indiqué dans un communiqué. Le bureau a finalement

"Nous avons très largement recueilli plus du quart des signatures des conseillers nationaux LR qui maillent le territoire national, démontrant que les cadres, les militants et les adhérents ne cautionnent pas un accord avec le RN", assure la formation politique conservatrice, ajoutant que "la fin est proche" pour Éric Ciotti.

Droits dans leurs bottes, les ténors LR, s'appuient sur les articles 22.2 et 23.2 relatifs aux statuts du parti pour appuyer leur décision. Ces derniers stipulent que c'est au Conseil National de "déterminer, dans l’intervalle des sessions du Congrès, les orientations politiques du mouvement". Et que c'est ensuite au Congrès de "délibérer sur l’action générale et les orientations politiques" du groupe.

Toutefois, le règlement des Républicains -consultable sur leur site- permet de contester une exclusion. En plus de sa saisie imminente du tribunal administratif, Éric Ciotti peut, s'il le souhaite, déposer un recours auprès de la Commission des recours du mouvement. Ce dernier doit être formulé dans les 7 jours francs qui suivent l'annonce de son exclusion.

L'élu des Alpes-Maritimes a donc jusqu'à mercredi prochain pour déposer recours. Et la Commission doit instruire sa décision maximum 30 jours plus tard. Aucune nouvelle contestation n'est ensuite possible.

Ne reconnaissant pas la légitimité du bureau décisionnaire, il est possible qu'Éric Ciotti ne prenne pas la peine de passer par cette procédure. Une audience en revanche a été demandée au plus vite au tribunal judiciaire. Celle-ci devrait avoir lieu vendredi 13 juin selon nos informations.

Chacun bloqué dans sa logique juridique pour l'instant, le feuilleton peut durer encore longtemps. La campagne express et la clôture du dépôt des candidatures fixée au 16 juin devraient toutefois accélérer la fin de la série politique de cette dissolution.

Article original publié sur BFMTV.com