Les Républicains: comment la digue contre le Rassemblement national a fini par céder

Coup de tonnerre à droite. Alors que se profilent les élections législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet, Éric Ciotti a annoncé ce mardi 11 juin, à la surprise générale, une alliance du parti dont il est président, Les Républicains, avec le Rassemblement national. Le parti d'extrême droite est arrivé largement en tête des élections européennes, provoquant la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron.

Immédiatement, cette annonce a provoqué une levée de boucliers de nombreux cadres du parti de droite qui ont exigé le départ d'Éric Ciotti de son poste. Celui-ci a été exclu du parti ce mercredi 12 juin.

"Cordon sanitaire"

Au détour des années 2000, ce rapprochement des deux partis était inimaginable tant le "cordon sanitaire" qui séparait alors "l'arc républicain" de l'extrême droite, depuis l'entrée du parti de Jean-Marie Le Pen à l'Assemblée nationale en 1986, semblait solide. À cette période, plusieurs exemples ont illustré ce refus d'un rapprochement avec le Front national d'alors.

En 1998, à Lyon, ce sont plusieurs milliers d'électeurs de droite, alors que le parti s'appelait encore RPR, qui étaient réunis dans les rues lyonnaises afin de demander la démission de Charles Millon. Malgré l'interdiction de Jacques Chirac, cet ancien ministre de la Défense avait accepté les voix du FN pour s'assurer une victoire à la présidence de la région Rhône-Alpes.

En 2002, après l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, Jacques Chirac avait fermement refusé le traditionnel débat d'entre-deux-tours avec le leader du parti d'extrême droite.

Cinq ans plus tard, au moment de son départ de l'Élysée en 2007, ce même Jacques Chirac, dans son discours d'adieu, avait appelé les Français à avoir de la mémoire. "D’abord, ne composez jamais avec l’extrémisme, le racisme, l’antisémitisme ou le rejet de l’autre", avait-il lancé.

Stratégie du "ni-ni" et dédiabolisation

C'est finalement cinq ans plus tard, en 2012, que les premiers signes d'érosion ont lieu à droite. Au soir des législatives de cette année-là, l'UMP, alors dirigé par Jean-François Copé, refuse le désistement de ses candidats au profit du PS tout en réfutant toute alliance avec le FN. C'est le début du "ni-ni", ni Front national, ni Front républicain.

À partir de cette date-là, LR n'a eu de cesse de maintenir cette stratégie... qui s'effrite en 2017 et la défaite de François Fillon au premier tour de la présidentielle rappelle Ouest-France.

Si de nombreux cadres de la droite décident finalement de rallier la Macronie, d'autres, plus rares, n'hésitent pas à montrer leur volonté de rejoindre le parti d'extrême droite. C'est le cas de Thierry Mariani, dont l'adhésion au RN est officiellement faite en 2019.

Figure tutélaire de la droite, l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy a également, à plusieurs reprises, été accusé de faire le marche-pied pour l'extrême droite et de participer à la dédiabolisation le parti. En 2012, ce dernier a déclaré que "Le Pen est compatible avec la République", titrait Libération, avant de récidiver, en 2023. "On ne peut plus reprocher au RN de pas être un parti républicain", avait-il alors dit, rappelle le même média.

Entretemps, à l'aune d'un changement de nom, le RN, qui a atteint le second tour des présidentielles en 2017 et 2022, n'a eu de cesse de polir son image et d'affaiblir, année après année, élection après élection, le cordon sanitaire via une stratégie de dédiabolisation.

En 2022, à la suite des élections législatives, plusieurs personnalités du RN dont Sébastien Chenu, lui-même transfuge de la droite dite traditionnelle, accèdent à des postes de vice-présidence de la chambre basse, une première dans l'histoire de la Ve République.

Des électeurs divisés

Retour en 2024. À moins de trois semaines du premier tour des législatives, l'électorat des Républicains semble divisé à l'idée d'un accord avec le RN. "Moi je trouve ça très bien. S’ils s’associent c’est pour gagner donc c’est génial, il faut s’ouvrir à des choses bien dans la vie et pas rester coincés chacun dans son coin sinon on n’arrive à rien", se réjouit une électrice niçoise à BFMTV.

Pour leur part, d'autres électeurs se disent choqués de cette annonce. "C’est catastrophique, c’est l’avenir de la France qui est en jeu. Il faut se retrouver sur des valeurs de centre-droit raisonnables et non aller vers les extrêmes", dit un adhérent francilien.

"Je suis très étonné que les digues d’un mouvement républicain, qui se dit héritier du Gaullisme, cède à ce point-là", accuse un troisième homme.

Pour autant, comme l'annonçait à BFMTV ce mercredi matin Olivier Marleix, président du groupe LR à l'Assemblée nationale, cet accord avec le RN "n'existe pas." "À ma connaissance, il n’y a qu’un seul député qui l’a suivi. On a des désaccords profonds avec le RN. Nous sommes issus d’une filiation exigeante de la politique, le Gaullisme, qui fait qu’on met la barre un peu haut sur des questions économiques, on en s’y retrouve pas du tout", insiste-t-il.

Article original publié sur BFMTV.com