Philippe, Le Maire, Braun-Pivet... Ces cadres de la macronie affichent leur rupture avec le président après la dissolution

Le choix de dissoudre l'Assemblée nationale au lendemain de la victoire du Rassemblement national (RN) le 9 juin aux élections européennes est présenté comme celui d'"un seul homme". Cette décision secoue l'ensemble de la classe politique mais "le pari risqué" du chef de l'État semble encore plus fragiliser le camp présidentiel.

Ça balance pas mal en macronie. À neuf jours du premier tour des élections législatives anticipées qui doivent se tenir les dimanche 30 juin et le 7 juillet, l'ancien Premier ministre Édouard Philippe a affirmé ce jeudi au micro de TF1 qu'Emmanuel Macron avait "tué la majorité présidentielle" en annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale.

Le patron du parti Horizons, allié du chef de l'État, a laissé entendre son désaccord avec ce dernier.

"Il a décidé de la dissoudre. Très bien, on passe à autre chose, mais autre chose ça ne peut pas être exactement la même chose qu'avant, donc c'est créer une nouvelle majorité parlementaire qui fonctionnera sur des bases différentes", a-t-il également déclaré.

Depuis le 9 juin et la défaite du camp président aux élections européennes, de nombreuses cadres de la macronie ont fait valoir leur mécontentement à la suite de cette dissolution tandis que d'autres ont clairement pris leurs distances avec le président de la République.

Jeudi encore, le Premier ministre Gabriel Attal a pour sa part semblé vouloir s'émanciper d'Emmanuel Macron, qui l'a nommé il y a cinq mois à Matignon, en appelant les Français à le "choisir" comme Premier ministre aux élections législatives.

"Le 9 janvier, le président de la République m'a nommé. Le 30 juin (date du premier tour, NDLR), j'aimerais que les Français me choisissent", a affirmé le Premier ministre devant la presse jeudi, alors qu'il était interrogé sur la nécessité ou non de faire campagne avec le président de la République, compte tenu de l'animosité que ce dernier suscite parmi les électeurs.

"C'est la première fois depuis plus de 25 ans que les Français vont choisir un Premier ministre. Évidemment qu'il y aura un avant et un après (...) dans la pratique du pouvoir, dans l'équilibre des institutions", a-t-il encore appuyé.

Le jeune Premier ministre, qui disait "devoir tout" à Emmanuel Macron et qui a tenté de le dissuader de dissoudre l'Assemblée, s'est déjà distancé de son mentor en prenant les rênes de la campagne. Une reprise en main de la campagne qui s'illustre par sa présence sur les affiches électorales de plusieurs candidats du "bloc central" qui expliquent parfois jusque devant la presse ne pas vouloir apparaître aux côtés d'Emmanuel Macron.

Dès le 10 juin, au lendemain de la dissolution, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet avait fait part de son désaccord avec la décision prise par Emmanuel Macron et affirmait qu'il existait en réalité "un autre chemin, celui de la coalition." "Je considère qu'il y a toujours différents chemins qui s'offrent à nous, je suis une fervente partisane des accords, des ententes, des recherches de compromis, de consensus", a-t-elle estimé.

Dans les jours qui ont suivi, c'est Bruno Le Maire, qui a évoqué la situation politique et a étrillé l'entourage du président de la République. Le ministre de l'Économie et des Finances a épinglé jeudi sur TV5 Monde les conseillers "cloportes" présents dans "les palais de la République."

"La dissolution est la décision d'un seul homme: le président de la République", a-t-il également martelé quelques jours plus tard dans l'émission "Questions politiques" de France Inter, France télévisions et Le Monde. "Ce que je constate, c'est que cette décision a créé - dans notre pays, dans le peuple français, partout - de l’inquiétude, de l’incompréhension, parfois de la colère", a-t-il encore pointé.

Dans les hautes sphères de l'État, les critiques vont bon train, en particulier en ce qui concerne la gestion de "l'après-dissolution." Auprès de BFMTV, certains ministres ont un sentiment d'abandon et sont encore sous le choc de cette annonce.

"Je pensais que tout était prêt pour cette dissolution. Mais non, il n'y a aucun plan de l'Élysée, il nous laisse tout seuls", nous confiait mercredi un ministre.

"Si on est réélu, ça sera malgré Macron: il y a un divorce entre Macron et la macronie", confie, fataliste, un député de la majorité.

Ce sentiment de lassitude se retrouve également chez de nombreux députés de la majorité présidentielle, contraints de repartir en campagne à l'annonce même de la dissolution par Emmanuel Macron. "Dissoudre l'Assemblée, c'est un pari risqué. Or, on ne parie pas avec la France, on ne parie pas avec son pays", s'étonne un élu.

Seule voix dissonnante à ce concert de critiques et de reproches, Karl Olive, député Renaissance sortant des Yvelines, qui souligne que "le président n'a pas eu à tuer la majorité présidentielle. Elle s'est tuée elle-même. Depuis six mois, les plus sévères avec le président de la République [étaient les membres de] la majorité présidentielle", rappelle-t-il.

À plusieurs reprises, Emmanuel Macron s'est justifié de la dissolution de l'Assemblée nationale, notamment lors d'une conférence de presse tenue le 12 juin, au cours de laquelle il avait évoqué la "seule décision républicaine" possible dans ce contexte de victoire du RN aux européennes.

"Un fait politique majeur qu’on ne saurait ignorer" selon lui. En conséquence, seule la dissolution "permet la clarification des choses", a estimé Emmanuel Macron. "Le retour au peuple souverain est la seule décision républicaine."

Cette semaine, il s'est une nouvelle fois expliqué devant des enfants, lors d'un déplacement. "Il fallait que les gens clarifient leur choix, parce qu'aux européennes, ils ont beaucoup voté pour les extrêmes et qu'à l'Assemblée, je n'ai qu'une majorité relative et que c'était impressionnant de désordre", a-t-il une nouvelle fois dit.

Article original publié sur BFMTV.com