120 attaques au couteau par jour? Ce qu'on sait de ce chiffre que Jordan Bardella met en avant

Une statistique surévaluée? Le président du Rassemblement national Jordan Bardella a évoqué la sécurité lors de la présentation de son programme pour les élections législatives ce lundi 24 juin à Paris. Il a notamment avancé que 120 attaques au couteau surviennent chaque jour en France, sans donner de source.

"Tous les voyants sont au rouge", affirme Jordan Bardella. Surnommant le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin le "ministre de l'insécurité". Il l'accuse d'avoir "franchi, un à un, tous les records d'insécurité", et affirme que "120 attaques au couteau (ont lieu) par jour".

Ce n'est pas la première fois que Jordan Bardella brandit ce chiffre pour défendre l'instauration de mesures sécuritaires. Le président du RN l'avait notamment mentionné lors d'un débat l'opposant à la tête de liste de la majorité Valérie Hayer sur notre antenne le 2 mai dernier, en pleine campagne pour les élections européennes.

Un chiffre "sans consistance"

Selon notre consultant sécurité Guillaume Farde, "cette statistique n’a aucune consistance". De fait, aucune étude récente ne permet actuellement de quantifier uniquement les attaques au couteau quotidiennes dans l'Hexagone.

Le principal problème dans le chiffre donné par le président du RN réside sur le "plan sémantique", selon Guillaume Farde. Quelle définition donne-t-on à une "attaque au couteau"? Car elle peut couvrir plusieurs types d'agression.

Par exemple, ce type d'attaque peut faire référence à un attentat terroriste meurtrier mené avec un couteau. Dans ce cas, deux attaques de ce genre ont été recensées en France en 2023, contre 0 en 2022, selon les chiffres sur l'insécurité et la délinquance recensés par le ministère de l'Intérieur en 2023.

Si l'on parle d'un homicide de manière générale sans contexte terroriste, 1.010 attaques ont été comptabilisées en 2023 par cette même source. En moyenne, cela fait 2,76 homicides par jour, bien loin donc des 120 attaques quotidiennes mentionnées par Jordan Bardella, d'autant que les 1.010 attaques n'ont pas toutes été réalisées avec un couteau.

Les tentatives d'homicide ne sont pas non répertoriées

Concernant les tentatives d'homicide, elles ne sont pas répertoriées en tant que tel par la base de données des services de police et de gendarmerie et ne sont pas décomptées dans les fichiers de police.

De fait, pour être comptée, une tentative d'homicide doit d'abord être qualifiée comme telle par la justice lors d'un procès. C'est seulement après un procès que le recensement des différentes tentatives d'homicide pourrait être fait et ensuite et ensuite décompté par mode opératoire.

Un comptage complexe, que ne font pas les services de police et de gendarmerie, et qui fait l'objet de controverses, académiques notamment.

Même incertitude sur les violences volontaires

Concernant les affaires de coups et violences volontaires, on compte 470 cas par jour en moyenne, uniquement pour les infractions en dehors du cadre familial. Mais là encore, les modes opératoires ne sont pas recensés, impossible donc de savoir combien sont menées avec un couteau.

Par ailleurs, seulement 15% de ces agressions sont élucidées par les forces de l'ordre, d'après Guillaume Farde. Il serait donc complexe, voire impossible, de comptabiliser les coups et violences volontaires uniquement par arme blanche.

Et si on se penche sur les vols avec armes, qui pourraient inclure l'utilisation d'un couteau, seulement 24 faits sont recensés par jour en moyenne, bien loin encore une fois des 120 attaques évoquées par Jordan Bardella.

Contacté par BFMTV à ce sujet, le Rassemblement national n'a pas répondu à nos sollicitations.

Un chiffre déjà mentionné dans le débat public

Le chiffre de 120 attaques au couteau quotidiennes avait déjà été avancé par la sénatrice LR Valérie Boyer à plusieurs reprises, notamment dans une question au Sénat le 7 juillet 2022 et une autre fois dans un tweet daté du 17 juillet suivant, alors que des attaques au couteau avaient fait la une de l'actualité.

Le ministère de l'Intérieur, contacté à l'époque par BFMTV, estimait que le chiffre évoqué par la sénatrice était probablement une "extrapolation" tirée de trois enquêtes distinctes de l'Insee, l'échantillon interrogé ne permettant pas de quantifier de façon fiable le phénomène.

Les questions liées à la sécurité sont une des principales préoccupations des Français. Selon notre dernier sondage, réalisé par l'institut Elabe, avec La Tribune Dimanche, c'est la deuxième préoccupation des Français, derrière le pouvoir d'achat. Avant d'aller voter, c'est un thème qui compte pour 36% des personnes interrogées.

Article original publié sur BFMTV.com