Quel programme législatif pour une éventuelle coalition à l’Assemblée ?

De nombreux responsables politiques, dans cette campagne d’entre-deux tours, évoquent l’idée d’une coalition républicaine anti RN dans la future Assemblée nationale, allant des partis de gauche aux LR, à l’instar de la secrétaire nationale des Ecologistes Marine Tondelier. Le Premier ministre Gabriel Attal plaide pour une « Assemblée plurielle » qui saura se mettre d’accord pour travailler dans l’intérêt des Français, tout en excluant LFI de ce projet républicain. Le président LR de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand demande à Emmanuel Macron de former un « gouvernement provisoire ».

« Ce serait une erreur de parler de coalition anti-RN, il faudrait plutôt appeler à une union nationale », estime Bastien François, professeur de sciences politiques, à l’université Paris Panthéon-Sorbonne. « En l’absence de majorité, il faut parler à tous les électeurs. Une coalition anti-RN ne fera que faire monter le vote RN à l’avenir. Après, libre au Rassemblement national d’accepter de gouverner avec les autres partis. »

Une coalition, mais pour quoi faire ?

« Plutôt que qui, la question c’est pourquoi faire. D’ailleurs Gabriel Attal a compris le message puisqu’il a renoncé à sa réforme de l’assurance-chômage. Mais ça ne va pas suffire », expliquait Marine Tondelier, mercredi soir, sur BFM TV. « Ce gouvernement devra montrer aux Français qu’il prend des mesures pour l’avenir, pas simplement qu’il gère les affaires courantes jusqu’à la prochaine dissolution dans un an », assure Bastien François.

Instaurer la proportionnelle à l’Assemblée nationale

« La mesure la plus importante c’est d’instaurer des élections législatives à la proportionnelle », estime le professeur de sciences politiques. « L’objectif c’est de dire aux Français que l’an prochain, s’il y a une nouvelle dissolution, chacune de leurs voix va compter. Aujourd’hui, beaucoup de Français votent au premier tour, et lors du second tour, se retrouvent obligés de voter pour un camp opposé à leurs idées. La proportionnelle, cela changerait complètement la culture des partis politiques français qui apprendraient à s’entendre entre eux. »

L’instauration de la proportionnelle a été proposée, mercredi sur France Info, par l’ancien président de la République François Hollande. Il reconnaît avoir « longtemps été très réservé » sur ce mode de scrutin, craignant que cela « puisse rendre les assemblées ingouvernables. Mais il a changé d’avis « compte tenu du fractionnement de la politique française, de la dureté pour faire des désistements et des frustrations que cela peut induire. Cela permettrait une représentation conforme à ce que les électeurs souhaitent. »

« Nous devrons sortir de la méthode de la Macronie qui a été de nier les oppositions à coup de 49.3 », renchérit Mélanie Vogel, sénatrice écologiste, et formée à la culture des coalitions puisqu’elle a travaillé 10 ans au sein du Parlement européen, élu à la proportionnelle.

Suspendre la réforme des retraites ?

Parmi les propositions qui reviennent à gauche, en vue d’un programme de la coalition, il y a la suspension de la réforme des retraites, à laquelle une grande majorité de Français était opposée l’an dernier. Le désormais ex-Insoumis François Ruffin la cite parmi les trois mesures qu’il « pose sur la table » en vue d’une coalition au-delà des partis de gauche (avec le retour de l’ISF et l’instauration du référendum d’initiative citoyenne), tout comme François Hollande. « Il n’est pas possible de continuer à partir d’une réforme qui a connu autant de contestations et a été adoptée avec le 49.3. »

« Je vois mal certains dans le camp présidentiel accepter de supprimer cette réforme des retraites, comme par exemple les députés Horizons, du parti d’Edouard Philippe, qui vise la présidentielle 2027 et qui veut même aller plus loin que cette réforme des retraites. Plus que la supprimer, il faudrait une nouvelle réforme des retraites » plus juste.

Des mesures de justice fiscale et en faveur du pouvoir d’achat

Principale préoccupation des Français après 2 ans d’inflation, le pouvoir d’achat peut faire l’objet de mesures consensuelles au sein de la prochaine Assemblée. « Elles seront néanmoins difficiles à financer en période de difficultés budgétaires pour la France », nuance Bastien François qui estime que des mesures de justice fiscale pourraient apporter de nouvelles recettes et faire consensus. « Le message politique serait « on va chercher de l’argent mais en ajoutant de la justice fiscale avec par exemple un impôt provisoire sur les superprofits, qui est défendu même par une partie de la majorité présidentielle. »

Renforcer les services publics

Parmi les pistes de réformes possibles d’une alliance plurielle à l’Assemblée, on peut évoquer la question des services publics. « Il faut qu’on parle d’école, de sécurité, et d’efficacité de l’action publique », affirme Françoise Gatel, sénatrice centriste et président de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales. « L’état de l’hôpital, les déserts médicaux, cela donne aux Français l’impression de n’être plus protégés… », analyse Bastien François. « Le retour de la loi sur la fin de vie et le développement des soins palliatifs, portée par le gouvernement Attal, pourrait trouver une majorité, car elle est très attendue par les Français. »

Comment voter un budget ?

Malgré ces pistes de mesures, reste le budget que le Parlement devra voter en fin d’année, texte très politique, et qui aura du mal à être inclus dans un accord politique. (lire notre article) « Mettez Edouard Philippe, Laurent Wauquiez, Sandrine Rousseau et le PC dans un même gouvernement et faites-leur voter un budget : ça risque d’être rigolo » ironisait le constitutionnaliste Benjamin Morel, ce jeudi, sur le plateau de Public Sénat.