Législatives 2024 : LFI et RN sur un pied d’égalité ? Pourquoi cet argument ne tient pas

Alors que les candidats devaient décider lundi de se retirer ou non pour faire barrage à l’extrême droite, certains, dans la Macronie, continuent la stratégie du ni RN, ni LFI.

Pourquoi mettre LFI et le RN sur un pied d’égalité n’a pas de sens (photo de Ciotti et Bardella)

POLITIQUE - Comme un air de déni(ni). Depuis les résultats du premier tour des élections législatives, la classe politique s’ébroue pour essayer de faire barrage à l’ascension irrésistible d’un Rassemblement national plus proche du pouvoir que jamais. En jeu : le désistement des candidats qualifiés au second tour mais qui pourraient favoriser la victoire de l’extrême droite.

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À gauche, la consigne est claire. Dès dimanche, les responsables du Nouveau Front populaire ont appelé au retrait de leurs représentants arrivés troisième. C’est ainsi que l’insoumis Noé Gauchard s’est retrouvé à jeter l’éponge dans le Calvados pour permettre à l’ancienne Premier ministre Élisabeth Borne de faire le plein d’électeurs face à son adversaire lepéniste.

Dans le camp présidentiel, en revanche, ce n’est pas simple. Si Gabriel Attal et Emmanuel Macron semblent favorables à un désistement systématique ou presque, certains, en macronie, continue de faire une distinction à gauche entre les partis « républicains » et ceux qui ne le seraient pas. À savoir : les Insoumis.

Le président d’Horizons Édouard Philippe, Bruno Le Maire et, plus largement les élus issus de la droite, mettent le RN et LFI sur un pied d’égalité. Ils appellent leurs candidats, et donc leur électorat, à ne pas choisir entre les deux, considérant que la formation de gauche radicale et celle d’extrême droite représentent tous deux un danger. « Je ne mets pas de signe égal entre le RN et LFI, qui ont des histoires différentes. Aucune voix pour le RN. Mais je refuse de voter pour LFI », a précisé le ministre de l’Économie et des Finances ce mardi dans les colonnes du Figaro. Pourtant, ces deux familles n’ont absolument rien à voir entre elles.

Regardons tout d’abord leur programme, parfois rapprochés sous le même sobriquet « marxiste ». Le RN défend une feuille de route économique proche de la droite libérale (Éric Ciotti s’en félicite d’ailleurs) et une vision organiciste de la société, c’est-à-dire potentiellement menacée par des corps étrangers.

Jordan Bardella veut supprimer le droit du sol (un principe devenu un fondement républicain en 1889) ou interdire certains métiers « sensibles » aux binationaux. À cela s’ajoutent également une conception particulière de l’État de droit et un discours offensif contre le Conseil constitutionnel qui tend à laisser craindre un détricotage des institutions de l’intérieur.

De l’autre, le programme porté par la France insoumise défend un paradigme consistant à « taxer les riches » pour améliorer le pouvoir d’achat des plus précaires et parle de « créolisation » de la société. Point éloquent : il est précisé noir sur blanc dans la feuille de route de la coalition que les partis de gauche s’engagent à lutter contre toutes les formes de discriminations. À l’inverse, le programme du parti lepéniste promeut un distinguo d’État, avec la préférence nationale.

Ce gouffre programmatique s’explique avant tout par une histoire et des gênes radicalement différents. Pour justifier son « ni-ni », Édouard Philippe évoque notamment des « valeurs » qu’il ne partage pas avec la formation mélenchoniste. Mais qu’elles sont-elles ?

Le fondateur de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon est un ancien socialiste qui, au début de son engagement politique, a gravité dans les cercles lambertistes (comme Lionel Jospin en son temps.) Un courant de pensée très à gauche, promoteur de la révolution prolétarienne, dont les réflexes autoritaires semblent aujourd’hui encore influer dans la machine insoumise.

Mais plus récemment, c’est au sujet de l’antisémitisme que LFI a défrayé la chronique. Certains de ses membres ont effectivement tenu des discours (en lien notamment avec la défense de la cause palestinienne) laissant entrevoir une forme de complaisance vis-à-vis de ce fléau. Le parti a d’ailleurs débranché lundi un candidat ayant tenu des propos problématiques par le passé.

En comparaison, le Rassemblement national a des racines bien plus sulfureuses. Son ancêtre, le Front national, a été fondé par Jean-Marie Le Pen, des nostalgiques de la collaboration et un ancien waffen SS, entre autres pedigree glorieux. Le parti a longtemps défendu des thèses franchement racistes et peine toujours à se départir de son héritage. On ne compte plus, dans cette campagne, les candidats du RN épinglés pour des photos ou propos nauséabonds. Les deux dernières en date : une aspirante députée qui a posé avec une casquette nazie. Et une autre qui dément tout racisme parce qu’elle a « un dentiste juif ».

Ce n’est donc pas un hasard, ou une incongruité, si le Conseil d’État ne trouve rien à redire à ce que le ministère de l’Intérieur classe la France insoumise à « gauche » (comme le Parti communiste français) tandis que le Rassemblement national reste affilié à l’extrême droite. Ceci, sans même parler des alliés internationaux de ces mouvements, toujours embarrassants pour le RN.

Enfin, même si certains considèrent que les deux formations représentent un danger similaire pour la France, il est un autre fait, arithmétique cette fois-ci, qui devrait pourtant empêcher toute équivalence : leur poids politique.

Le Rassemblement national est en capacité d’arriver seul au pouvoir dans quelques jours, avec un programme qui colle aux valeurs de l’extrême droite et grâce à l’appui d’Éric Ciotti et d’une poignée de ses proches. Le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella a pu qualifier des candidats dans 485 circonscriptions au second tour, soit autant d’élus potentiels (sur le papier) pour appliquer sa feuille de route sans coup férir.

À gauche, la situation est bien différente. La France insoumise est certes la force motrice du Nouveau Front populaire mais il n’en est qu’une composante. Son programme, de rupture, est le fruit d’un compromis entre les socialistes, les écologistes et les tenants d’une ligne plus radicale. En l’état, la France insoumise est très loin d’être en capacité de s’installer, seule, au pouvoir : elle n’était qualifiée que dans 229 territoires (avant désistement) et les autres membres de l’alliance (rééquilibrée en faveur du PS par rapport à la Nupes) devraient, au total, avoir un contingent d’élus plus puissant.

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