Législatives 2024 : Macron peut-il refuser de nommer Bardella à Matignon si le RN l’emporte ?

En conférence de presse mercredi, le président de la République a rappelé que « ce ne sont jamais les formations politiques qui dictent » le nom du Premier ministre.

Emmanuel Macron en conférence de presse, le 12 juin 2024
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Emmanuel Macron en conférence de presse, le 12 juin 2024

POLITIQUE - Emmanuel Macron déteste la « politique-fiction ». Il l’a dit et répété, encore ce mercredi 12 juin en conférence de presse. Mais alors que le président de la République a convoqué des élections législatives anticipées, le voilà confronté à une question récurrente : n’est-il pas en train de donner les clés de Matignon à l’extrême droite - ici Jordan Bardella ?

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« Il y a une chambre qui sortira et en fonction des forces politiques et des équilibres de cette chambre, le président de la République aura à choisir un Premier ministre. Ce ne sont jamais les formations politiques qui le dictent au président de la République, ce sont les équilibres qui en sortent », a déclaré le chef de l’État depuis le Pavillon Cambon Capucines. Sans le dire, Emmanuel Macron tente ainsi de calmer les ardeurs du Rassemblement national qui a déjà choisi son locataire pour Matignon en cas de victoire le 7 juillet au soir.

Mais, si le Rassemblement national sort avec une majorité (absolue ou relative) le 7 juillet, le président de la République peut-il vraiment refuser de nommer à Matignon le candidat choisi par le parti ? Les textes ne disent pas non. Sous la Ve République, le Premier ministre a toujours été issu du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Mais la Constitution prévoit que « le Président de la République nomme le Premier ministre. » Pas plus, pas moins. Cela laisse donc à Emmanuel Macron une marge de manœuvre, dont il pourrait bien profiter. Elle n’est pourtant pas exempte de risque.

Quelles sont ses autres options ? Le président de la République pourrait-il, par exemple, refuser le choix du parti majoritaire ? « En théorie oui », confirme dans Les Jours Anne Levade, professeure de droit public à l’université Panthéon Sorbonne et membre de la HATVP. Mais « politiquement, ça serait très compliqué » ajoute-t-elle.

D’une part, parce que la personne désignée par Emmanuel Macron peut toujours refuser l’offre. Un précédent existe déjà, lorsqu’en 1993, Jacques Chirac décline une seconde cohabitation à Matignon avec François Mitterrand. À la place c’est Édouard Balladur, aussi membre du RPR, qui récupère la fonction. Le deuxième écueil est plus politique : « Ce serait débuter la cohabitation par un désaccord profond. » « Il paraît difficile de refuser le candidat que propose le parti ayant obtenu la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Ça n’a d’ailleurs jamais été le cas », explique Anne Levade.

Autre scénario, toujours dans la configuration d’une victoire de l’extrême droite le 7 juillet au soir : Emmanuel Macron pourrait-il confier les rênes du gouvernement à une personnalité qui ne soit pas issue des rangs du RN ? Selon les textes de la Constitution rien ne l’en empêche. Mais outre un risque de procès en « déni de démocratie », la personne ainsi nommée sera exposée à deux dangers très concrets - et susceptibles d’intervenir rapidement.

Le premier lors de la déclaration de politique générale à l’issue de laquelle le Premier ministre peut demander « la confiance » de l’Assemblée. Si les députés votent contre, le Premier ministre doit remettre la démission de son gouvernement. Retour à la case départ.

Le vote de confiance n’est cependant pas obligatoire. Sous la présidence Macron, Élisabeth Borne comme Gabriel Attal ont fait l’impasse, face à une Assemblée nationale où ils ne disposaient que d’une majorité relative. Mais en réponse, des députés d’opposition ulcérés ont activé leur deuxième moyen de pression : la motion de censure. Si elle est votée, le Premier ministre est encore contraint de remettre la démission de son gouvernement. Encore un retour à la case départ. Dans ces circonstances, la liberté de choix dont dispose le président de la République dans la Constitution apparaît donc restreinte.

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