Gouvernement, Budget, organisation des JO... sans majorité à l'Assemblée, va-t-on vers une France paralysée?

À Assemblée fracturée, France paralysée? Selon une projection de l'Assemblée nationale réalisée par Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche, le Rassemblement national (RN) serait en mesure d’obtenir entre 200 et 230 sièges, et de devenir le premier groupe en nombre de députés.

Toutefois, assez loin de la majorité absolue fixée à 289 sièges. Le Nouveau Front populaire (et ses alliés), pourrait rassembler entre 165 et 190 sièges. Ensemble, le camp présidentiel, obtiendrait entre 120 et 140 sièges.

Une situation inédite sous la Cinquième République. Qui emmène vers un blocage? Tour d'horizon des différents scénarios avec la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.

Quel gouvernement?

Le scénario qui semble tenir la corde est celui d'un gouvernement provisoire. Gabriel Attal déclare ce 5 juillet que gouvernement pourrait assurer la continuité de l'Etat "aussi longtemps que nécessaire" à l'issue des élections législatives dimanche.

"Que le Premier ministre présente la démission de son gouvernement après les élections législatives, remportées ou perdues, relève de la simple tradition républicaine", rappelle Anne-Charlène Bezzina

Maintien donc d'un gouvernement le temps de trouver une majorité. "On peut imaginer une survivance du gouvernement Attal à la suite d'un accord entre les différents groupes". Pour Anne-Charlène Bezzina, on entrerait "en terra incognita constitutionnelle si le Rassemblement national obtient une majorité relative un peu inférieure à Élisabeth Borne. On a jamais imposé à la Ve République une cohabitation et une majorité relative".

Dans le passé, Jacques Chirac et Lionel Jospin, Premiers ministres de cohabitation disposaient d'une majorité à l'Assemblée nationale. "Ce sera la première fois que le groupe majoritaire refuse Matignon, comment gouverner avec une majorité de blocage?".

"Emmanuel Macron n'est pas contraint d'accepter une démission". Rien n'est prévu par la Constitution, c'est au président de la République d'apprécier les circonstances. Autre silence de notre norme suprême: l'agenda. "Pas de délai constitutionnel non plus", pour nommer le prochain gouvernement, précise la constitutionnaliste.

Maintien donc d'un gouvernement le temps de trouver une majorité. "On peut imaginer une survivance du gouvernement Attal à la suite d'un accord entre les différents groupes".

Et si ce n'est pas le cas, la seule chose qui compte, c'est "de ne pas se faire renverser, à la faveur d'une motion de censure", votée par les groupes d'opposition.

Révélée par l'Opinion, l'hypothèse de la tenue d'un conseil des ministres (qui se tient tradionnellement le mercredi), le 8 juillet, lendemain de la probable défaite du camp présidentiel aux élections législatives, est envisagé par l'Élysée. Est-ce surprenant? "Sûrement une réunion de finalisation, qui pourrait précéder une annonce sur le perron de l'Élysée", évacue Anne-Charlène Bezzina. "Cela serait choquant si ça continue", sans prise en compte du verdict des urnes donc.

Quel budget?

"Voter le budget, c'est soutenir la majorité". La règle n'est pas écrite, mais le principe est admis par tous les députés. Dans le cas d'une Assemblée fracturée, sans majorité claire, comment adopter ce texte indispensable?

Michel Rocard, Gabriel Attal ou Élisabeth Borne, tous ont gouverné en situation de majorité relative. Depuis 2022, les budgets ont été votés grâce à l'article 49 alinéa 3.

Une situation de "shut down" à l'américaine, où l'administration, faute de vote sur son financement, est paralysée, les fonctionnaires, plus payés, est-elle possible en France?

"La Ve République a du cuir", rappelle Anne-Charlène Bezzina. Deux hypothèses ici:

  • Le Parlement ne s'est pas prononcé d'ici au 31 décembre sur le vote du texte. "Le gouvernement peut ici prendre le budget par ordonnances", en somme par actes administratifs;

  • Le Parlement s'est prononcé d'ici au 31 décembre, mais aucun accord n'a été trouvé à l'issue de la navette législative classique. "La loi organique relative aux lois de finances permet le vote de 'douzièmes provisoires', soit des tranches de budget pour gérer les affaires courantes". Le Parlement vote a minima, histoire justement d'éviter ce 'shut down'.

"Aux États-Unis, un rapport frontal s'installe entre le président et le Congrès", ce qui peut créér cette situation de blocage. Ce qui n'est pas le cas en France. "Tout est prévu concernant le budget", rassure la constitutionnaliste.

Et les JO?

La France accueille la compétition du 26 juillet au 11 août 2024, puis les Jeux paralympiques du 28 août au 8 septembre. "La Constitution ne prévoit rien concernant les Jeux olympiques", rappelle Anne-Charlène Bezzina, tout relève du cadre législatif.

Mais pas vraiment de changement à prévoir, les textes sont votés, et rien ne dit que le gouvernement ne sera pas maintenu à travers l'été. À voir si le probable remplaçant de Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur, "va mettre ses pieds dans des chaussons" concernant les Jeux, comme il l'expliquait fin juin.

Ou s'il sera maintenu dans ses fonctions jusqu'à la fin de l'été. "Si pour des raisons d'intérêt général et de protection des Français, je dois rester quelques jours de plus, je resterai à mon poste", a-t-il assuré le 5 juillet sur BFMTV.

"Les institutions ne sont pas capables de régir les différents scénarios politiques, c'est le choix de l'opinion. Il faut trouver une gouvernance qui y corresponde", précise Anne-Charlène Bezzina

"La Constitution est une réalité politique. C'est avant tout la manière dont on faire vivre le texte, dont on l'interprète, qu'on trouve du sens. On risque en tout cas d'être dans une bonne dose de nouveautés dans les semaines qui viennent", détaille la constitutionnaliste.

Article original publié sur BFMTV.com