Adieu la "pop urbaine": qu'est-ce que la "nouvelle pop", récompensée aux Flammes 2024?

La grand-messe du rap francophone est de retour. C'est ce jeudi 25 avril, à partir de 21 heures, que le Théâtre du Châtelet à Paris accueillera la deuxième édition de la cérémonie des Flammes, équivalent rap des Victoires de la musique.

Les fauteuils rouges seront occupés par les stars du secteur, de SDM à Werenoi en passant par Gazo. Ils y côtoieront les figures du R'n'B actuel... et de ce que la remise de prix a décidé d'appeler la "nouvelle pop".

Il s'agit de l'une des catégories du palmarès: la Flamme de l'album "nouvelle pop", que se disputent cette année Aya Nakamura (pour DNK), Luidji (Saison 00) et Yamê (Elowi). Une appellation propre à cette cérémonie que l'on ne retrouve ni dans ses pendants français traditionnels - les Victoires - ni dans les cérémonies musicales outre-Atlantique, des Grammys aux AMAs en passant par les BET Awards.

D'après le site des Flammes, ce trophée vient récompenser "une œuvre qui a su s'affranchir des codes classiques pour tendre vers une proposition hybride", avec l'objectif de "transcender les frontières des genres musicaux (...)."

Les organisateurs de la soirée n'ont pas répondu aux sollicitations de BFMTV.com sur cette définition vaste, qui rassemble un éventail d'artistes et de genres qui l'est tout autant: Aya Nakamura, Luidji et Yamê succèdent à Stromae, Disiz et Tiakola, les trois nommés de l'an dernier.

Classer l'inclassable

Fred Musa, animateur de l'émission culte Planète Rap sur Skyrock depuis près de 30 ans, nous confirme n'avoir jamais croisé les termes "nouvelle pop" au cours de sa carrière. Pour lui, ils sont symptomatiques d'"un problème qui existe depuis un moment":

"Comment classer ce qui n’est pas vraiment du R'n'B, qui n'est pas vraiment du rap non plus, mais qui gravite autour de ces musiques?"

Il prend l'exemple de la chanteuse Aya Nakamura, phénomène musical devenu l'artiste francophone la plus écoutée dans le monde: "Elle propose un mélange de zouk, de pop, d'afropop: on ne pourrait pas la ranger simplement dans le R'n'B."

Pour le spécialiste, "nouvelle pop" est une "appellation parmi des milliers" qui permet d'éviter les écueils "musiques urbaines" et "pop urbaine", lesquels ont souvent fait débat. L'année dernière, quand les nominations de la première édition des Flammes ont été révélées, l'AFP avait justement vu dans cette catégorie "nouvelle pop" une volonté d'éviter ces "étiquettes péjoratives".

"Le débat est né aux États-Unis", explique Fred Musa, racontant que des artistes de rap se sont élevés contre l'adjectif "urbain" dans lequel ils voyaient une frilosité à parler de "musiques noires".

"Parle-t-on de 'pop bourgeoise'?"

Ce questionnement a vite traversé l'Atlantique, mais les points de frustrations exprimés ne sont pas les mêmes. Si certains rappeurs, tels que Gradur, parlent volontiers de "musique urbaine", cette dénomination est régulièrement rejetée par le secteur. Alvaro Mena, fondateur du média Raplume, de l'agence Digital Feather et membre du jury des Flammes 2024, dénonce auprès de BFMTV.com une "connotation négative":

"C'est la seule musique que l'on définit par un critère social, et ce n'est pas normal", pointe-t-il du doigt. "Qu'est-ce qu'il y a d'urbain dans la 'pop urbaine', si ce n'est que ses chanteuses et ses chanteurs viennent des banlieues? Dit-on par exemple d'artistes qui proposent une pop plus consensuelle qu'ils font de la 'pop bourgeoise'? Aya Nakamura ou Luidji, c'est pareil: ils font de la pop, tout simplement."

Pourquoi, alors, parler de "nouvelle" pop? "Je crois que c'est une manière de dire que la pop s'élargit", analyse-t-il, avant de glisser:

"C'est peut-être aussi une forme de pied de nez adressé à d'autres cérémonies, dans lesquelles ces artistes ne sont pas conviés."

La réponse est-elle aux origines?

Une observation qui renvoie à la raison même de la création des Flammes, l'an dernier, par les agences Yard, Smile et le média spécialisé Booska-P. Le lancement de cette remise de prix est intervenu après des années de polémique autour de la sous-représentation du rap aux Victoires de la musique, malgré la popularité toujours plus importante de ce genre musical; selon les chiffres du Syndicat national de l'édition phonographique (Snep), sept des dix artistes les plus écoutés en France en 2022 étaient des rappeurs.

"Il y a eu des frustrations de représentativité des autres cérémonies", avait déclaré Yoan Prat, cofondateur de Yard et des Flammes, à BFMTV en 2023. "Le but, c'est vraiment de créer une place à cette culture-là."

Une culture enfin célébrée, même si certains des genres qu'elle englobe ont encore du mal à trouver leur qualificatif. "Peut-être que la solution, ce serait de redonner la lumière au terme hip-hop, un peu tombé en désuétude, qui à l'origine réunissait le rap et le DJing", conclut Fred Musa. "On pourrait l'utiliser pour les artistes qui s'inspirent de musiques africaines, de zouk, de R'n'B... ou pourquoi pas hip-pop?"

Article original publié sur BFMTV.com