Ursula von der Leyen désavouée par les eurodéputés après un recrutement contesté

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'exprime lors d'une conférence de presse le 21 mars 2024 à la suite d'un sommet de l'UE à Bruxelles (KENZO TRIBOUILLARD)
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'exprime lors d'une conférence de presse le 21 mars 2024 à la suite d'un sommet de l'UE à Bruxelles (KENZO TRIBOUILLARD)

Les eurodéputés ont désavoué jeudi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, après la nomination controversée d'un des leurs à un poste hautement rémunéré au sein de l'exécutif européen.

Candidate à sa propre succession, la responsable allemande est mise en cause à deux mois des élections européennes (6 au 9 juin) qui déboucheront sur un renouvellement des têtes des principales institutions de l'UE.

Dans un vote non contraignant, le Parlement européen, réuni à Bruxelles en session plénière, a adopté un amendement (382 voix pour, 144 contre et 80 abstentions) appelant à annuler cette nomination et à lancer une nouvelle procédure. "Grosse majorité pour notre amendement !", s'est félicité sur X son auteur, l'eurodéputé écologiste allemand Daniel Freund.

L'affaire concerne la nomination fin janvier d'un émissaire chargé des petites et moyennes entreprises. Le poste a été attribué à l'eurodéputé allemand du Parti populaire européen (droite) Markus Pieper, quelques semaines avant un congrès à Bucarest début mars lors duquel le PPE a apporté son soutien à un second mandat de Mme von der Leyen.

"On a amadoué un député européen parmi les plus grands détracteurs d'Ursula von der Leyen" au sein de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), pilier allemand du PPE, dont elle est membre, a dénoncé M. Freund.

Le PPE a tenté de contrecarrer ce vote en tentant à la dernière minute de déposer un amendement soutenant cette nomination et Mme von der Leyen. En vain, les eurodéputés s'y sont majoritairement opposés.

Markus Pieper a signé son contrat le dimanche 31 mars et doit prendre ses nouvelles fonctions le 16 avril pour un mandat de quatre ans. Le poste de grade 15, l'un des plus hauts de la hiérarchie européenne, devrait lui valoir une rémunération de 18.430 euros bruts par mois, selon la grille officielle.

Par la voix de son porte-parole, Eric Mamer, la Commission a réaffirmé peu après le vote avoir "respecté les procédures" et confirmé que M. Pieper prendrait bien ses fonctions comme prévu la semaine prochaine.

- La Commission européenne divisée -

Le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, ainsi que trois commissaires, le Français Thierry Breton, l'Italien Paolo Gentiloni et le Luxembourgeois Nicolas Schmit, avaient réclamé une discussion au sein du collège des 27 commissaires, en questionnant "la transparence et l'impartialité" de la procédure de nomination de M. Pieper.

M. Schmit est lui-même le porte-drapeau des sociaux-démocrates aux élections européennes.

Le sujet a finalement été abordé lors d'une réunion du collège mercredi. L'échange "a duré une heure, les commissaires PPE prenant la parole tour à tour pour défendre Markus Pieper", a expliqué une source au fait des discussions.

"Thierry Breton et Josep Borrell ont évoqué le manque de collégialité et des problèmes flagrants de partage d'information de la part de Mme von der Leyen", a encore détaillé cette source.

Le 29 février une douzaine d'eurodéputés de quatre groupes politiques (sociaux-démocrates S&D, libéraux Renew, La Gauche et les Verts) avaient déjà adressé une série de questions à Mme von der Leyen.

Ils s'interrogeaient notamment sur des informations selon lesquelles deux candidates, l'eurodéputée tchèque Martina Dlabajova du groupe Renew et Anna Stellinger de la Confédération des entreprises suédoises, avaient atteint le dernier stade de la procédure de recrutement en obtenant de meilleures évaluations que M. Pieper.

Le porte-parole de la Commission, Eric Mamer, a choisi une métaphore footballistique pour justifier la victoire de M. Pieper à l'issue des entretiens finaux. "Dans certains tournois de football, il y a une phase de poule après laquelle deux équipes passent au tour suivant, les compteurs sont alors remis à zéro pour la suite", a-t-il expliqué.

Le choix du futur(e) présidente(e) de la Commission européenne exécutif européen reste une prérogative des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE qui en discuteront après les élections de juin. Il devra toutefois être approuvé par une majorité au sein du futur Parlement européen.

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