Vaccination contre les papillomavirus au collège: "Le succès est très très mitigé"

Vaccination contre les papillomavirus au collège: "Le succès est très très mitigé"

Cette année et depuis le mois d'octobre se tient pour la première fois une campagne nationale et gratuite de vaccination contre les infections à papillomavirus humain (HPV). En clair: les élèves de 5e âgés de 11 à 14 ans de tous les collèges publics et des établissements privés sous contrat volontaires sont concernés. Mais cette vaccination n'est pas obligatoire.

Concrètement, les parents ont en principe été informés à la rentrée de septembre et devaient donner leur consentement par écrit s'ils souhaitaient que leurs enfants en bénéficient.

"Le succès de la campagne est très très très mitigé", affirme à BFMTV.com Laurent Kaufmann, chef d'établissement et secrétaire fédéral du Sgen-CFDT. "Techniquement et logistiquement, tout s'est très bien passé", indique de son côté sous couvert d'anonymat un médecin qui a participé à la campagne dans le département de la Seine-Saint-Denis. "Le problème, c'est qu'il n'y a eu personne."

"Dans certains établissements, je suis venu pour vacciner trois élèves. On a complètement loupé la cible."

"Nous avons eu assez peu de retours favorables", assure à BFMTV.com Jean Klein, secrétaire national du Syndicat national unitaire des personnels de direction (Snu.PDEN-FSU) et principal d'un collège à Caen. Dans son établissement normand, seules 25 familles ont donné leur consentement sur un total de 120.

Moins de 10% des élèves

Aurélien Rousseau, le ministre de la Santé, a reconnu ce mercredi 13 novembre que le résultat de cette campagne n'était "pas aussi haut qu'on voudrait" sans donner de détails sur le nombre d'élève déjà vaccinés.

Parmi toutes les ARS contactées par BFMTV.com, une seule a accepté de communiquer ses données: celle de Nouvelle-Aquitaine où quelque 12.021 adolescents, sur un total de 70.000 élèves de 5e, ont été vaccinés depuis le début de la campagne. Ce qui représente un peu plus de 17% des effectifs ayant reçu une première dose.

L'ambition du gouvernement était pourtant de vacciner 30% des élèves. Mais le ministre de la Santé annonçait déjà début novembre que cet objectif ne serait pas atteint. Il espérait tout de même la vaccination de 150.000 élèves de 5e d'ici la fin de l'année sur un effectif total de 800.000 enfants de ce niveau scolarisés dans les établissements publics et privés sous contrat.

Dans ces derniers, la vaccination n'a tout bonnement pas été mise en place, ou quasiment pas. Début octobre, Philippe Delorme, le secrétaire général de l'Enseignement catholique, assurait pourtant à BFMTV.com en octobre que l'information avait été transmise aux familles et qu'il y aurait des établissements où cette vaccination serait proposée. À l'époque, plusieurs enseignants de collèges privés sous contrat nous avaient fait part de leurs doutes quant à la volonté réelle de ces établissements.

Mais fin octobre, un drame a mis un coup de frein à la vaccination dans les établissements privés. Un adolescent a fait une chute mortelle après avoir été vacciné dans son établissement sous contrat des Pays de la Loire. L'ARS a exclu tout lien avec le produit vaccinal et assuré qu'il n'y avait eu aucun dysfonctionnement. L'autopsie a par ailleurs confirmé que le garçon était mort des suites d'un traumatisme crânien.

"Un coup d'arrêt à quelque chose qui n'avait pas démarré"

À la suite de cet accident, l'Enseignement catholique a recommandé aux chefs d'établissement de suspendre la campagne de vaccination. "Jusqu'à ce que la publication du rapport de l'ARS et les résultats de l'enquête de l'Igas qui a été diligentée assurent que les conditions de sécurité soient pleinement réunies", a-t-il indiqué dans un communiqué.

"Ce drame a mis un coup d'arrêt à quelque chose qui n'avait pas vraiment démarré", déplore pour BFMTV.com Serge Vallet, le représentant de la CGT-enseignement privé à Caen.

Cette campagne va-t-elle reprendre? Est-elle définitivement suspendue dans les collèges privés sous contrat? Philippe Delorme, le secrétaire général de l'Enseignement catholique, l'assure à BFMTV.com: "Il est prévu qu'elle reprenne". "Je ne suis pas contre cette vaccination", ajoute-t-il.

Mais il a un préalable: "Un rendez-vous avec le ministère de la Santé". Philippe Delorme estime que le communiqué de l'ARS demeure insuffisant et souhaite davantage d'explications sur le drame, réclame "l'assurance" qu'aucun personnel des établissements scolaires ne sera impliqué dans la procédure de vaccination et exige que les chefs d'établissement puissent refuser si les conditions matérielles ne sont pas réunies, notamment s'il n'y a pas assez de médecins.

"Il faut aussi que la surveillance post-injection sur des tapis de sol, évoquée par le dernier point de situation de l'ANSM, soit assurée par le personnel de l'ARS, pas par les établissements. Il est hors de question que l'on soit responsable de quoi que ce soit et que l'on se retourne contre nous."

Pour Serge Vallet, de la CGT-enseignement privé, c'est un "prétexte". "C'est évidemment un drame mais si quelqu'un avait eu un accident de voiture en allant se faire vacciner, on n'aurait pas arrêté la campagne de vaccination."

"Des raisons idéologiques privent les familles d'une potentielle vaccination", regrette-t-il.

"On a fait ça dans la précipitation"

Il n'en reste pas moins que certains médecins déplorent le manque de préparation de cette campagne. "Pour ma part, j'ai été informé au mois de juin. J'ai contacté plusieurs chefs d'établissement qui n'étaient pas au courant", raconte ce médecin qui travaille dans un centre de santé de Seine-Saint-Denis, interrogé au début de l'article.

"On a fait ça dans la précipitation."

Lui comme certains de ses confrères auraient souhaité pouvoir organiser, après la rentrée, des réunions avec les parents dans les établissements scolaires. "On connait bien le terrain, on a l'habitude d'intervenir dans les collèges, on connaît certaines familles. Mais on nous a répondu: 'On n'a pas le temps'."

"Les parents ont reçu tout un tas de documents à la rentrée, ils avaient une semaine pour répondre, ils ont mis ça de côté. En santé publique et surtout dans le cadre d'une campagne de vaccination, si on ne colle pas au terrain, ça ne peut pas marcher."

Les papillomavirus humains sont des virus sexuellement transmissibles et responsables chaque année de 6400 nouveaux cas de cancers chez les femmes comme chez les hommes. C'est l'infection sexuellement transmissible (IST) la plus fréquente, rappelle la Haute Autorité de santé: huit personnes sur dix sont exposées à ces virus au cours de leur vie.

"La vaccination est la meilleure manière de prévenir l'infection à HPV", rappelle l'Organisation mondiale de la santé. Un vaccin qui protège contre neuf types de papillomavirus en cause dans 90% des cancers du col de l'utérus, 80% des cancers de l'anus et 90% des verrues ano-génitales.

Article original publié sur BFMTV.com