Casques futuristes, selles à 1200 euros... Pourquoi le chrono du Tour de France est "la vitrine de la technologie"

La page est tournée. C’est du moins ce qu’il s’évertue à répéter aux sceptiques convaincus que la plaie n’a pas pu totalement se refermer. 352 jours très exactement après avoir pris l’une des plus grandes claques de sa carrière, Tadej Pogacar se sent prêt à remonter sur le ring. Pour remettre les pendules à l’heure et prendre sa revanche sur l’homme qui l’avait mis KO ce 18 juillet 2023, au fil des 22km bosselés tracés entre Passy et Combloux.

Lors du chrono de la 16e étape du Tour de France, Jonas Vingegaard avait balayé tout suspense, faisant passer son rival slovène pour un cadet en le repoussant à 1'38'' et ridiculisant le reste du peloton, au point de rallumer le brasier du soupçon chez une partie des suiveurs. Humilié, puis terrassé pour de bon le lendemain sur les pentes du Col de la Loze, Pogacar voudra prouver ce vendredi à quel point il a progressé dans l’exercice du contre-la-montre.

Un matériel repensé pour Pogacar

Pour cette 7e étape, les organisateurs en ont dessiné un de 25,3km au cœur des vignobles bourguignons, entre Nuits-Saint-Georges et Gevrey-Chambertin. Un tracé relativement plat mais exigeant, à l’abri du vent, qui offrira un sérieux test au maillot jaune et au reste de la meute. Avec, comme toujours dans cette course contre le temps, une mécanique parfaitement huilée et un matériel à la pointe de la technologie.

Sans tout révolutionner, Pogacar a changé de coach, il a passé de longues semaines cet hiver à revoir sa position et sa façon de s’entraîner, pendant que les têtes pensantes d’UAE Emirates et leurs fabricants ont imaginé un guidon plus confortable et aérodynamique, une roue plus légère, et corrigé la pression des pneus pour tenter de gratter le moindre centième de seconde. Une réflexion a aussi été menée sur son casque et sa combinaison, tout en continuant de miser sur la même machine, un Colnago TT1.

Comme le rapporte le site Escape Collective, la marque italienne et l’entreprise espagnole Darimo, spécialisée dans les composants carbone, ont notamment cherché à réduire de quelques grammes le poids de la tige de selle, tout en l’adaptant au mieux à la position de Pogacar, qui prendra aussi place sur une selle jugée plus confortable, dont le prix est estimé à 1200 euros. Ses coudières et repose-bras ont également été personnalisés.

Autant d’éléments qui permettent au vainqueur du Giro d’aborder ce chrono avec "beaucoup de confiance", même s’il aura fort à faire face au champion du monde de la spécialité: Remco Evenepoel. Auteur jusqu’à présent d’un début de Tour sans fausse note pour son baptême du feu sur la plus belle course au monde, le Belge se sait capable de frapper un grand coup et de mettre la pression sur le maillot jaune, qui ne le devance que de 0'45" au général et qu’il a toujours battu lors de leurs cinq confrontations en contre-la-montre.

La cagoule d'Evenepoel retoquée

Lui n’a rien changé à sa préparation, mais il ne pourra pas utiliser son "casque cagoule", mis au point par Specialized et testé lors du dernier Paris-Nice, que l’Union cycliste internationale (UCI) a préféré interdire en pointant du doigt "un composant non essentiel qui n'est pas exclusivement destiné à l’habillement ou à la sécurité". Pas de quoi bouleverser les plans du jeune loup de Soudal-Quick Step, qui avait tout de même dénoncé une décision "risible".

"Ça va être une belle bataille avec Pogacar, à coups de secondes", promet aujourd'hui son directeur sportif Tom Steels.

"Je pense qu’il n’y aura pas une grande différence entre les deux. Ce serait bien que Remco gagne sa première étape sur le Tour. On travaille depuis des années sur la technologie autour du chrono, sur la position et le matériel. C’est un long travail, ce n’est pas quelque chose que tu changes juste pour le Tour. Chaque année tu essaies de gagner cinq watts ici et là. Est-ce qu’on prépare quelque chose de spécial pour ce contre-la-montre? Non, pas de surprise."

Chez les Visma-Lease a bike de Vingegaard, l'actuel troisième homme derrière le duo Pogi-Remco, les drôles de casques expérimentés en début de saison sur Paris-Nice et Tirreno-Adriatico devraient à nouveau être de la partie. Des casques façon Daft Punk ou Star Wars, aux proportions pour le moins étranges et symboles d’une inflation de la bizarrerie, qui ne contreviennent pas aux règlements de l’UCI, dans les carcans fixés de 45 centimètres de longueur, 30 de largeur et 21 de hauteur.

"L'UCI reconnaît qu'il n'y a pas de violations directes de la réglementation, mais s'inquiète de la tendance actuelle selon laquelle la priorité est de plus en plus accordée à la performance et beaucoup moins à la sécurité", avait réagi en mars l’instance internationale devant cette nouvelle étape franchie en matière de gains marginaux. A noter que pour être validé, tout équipement porté en compétition doit, selon les textes, être commercialisé à terme pour le grand public.

"Il faut donner la tendance"

"Les tests nous disent que ces casques sont les plus rapides, donc ce sont ceux-là qu'on choisit", nous assure Arthur van Dongen, l’un des directeurs sportifs de la formation néerlandaise. Dans cette course sans fin à l'innovation technologique, les évolutions en matière d’équipement sont constantes et parfois un peu saugrenues, des roues lenticulaires aux plateaux ovales des Britanniques de la Sky en passant par les cuissards taillés au millimètre ou même aux bidons profilés.

En chrono, elles sont même devenues une question fondamentale tant chaque seconde peut faire la différence entre les cadors. "Toutes les équipes s’améliorent sur cette discipline qui devient de plus en plus spécifique, pour offrir ce qui se fait de mieux à leurs coureurs. Il faut suivre le mouvement et même donner la tendance", appuie Maxime Monfort, ancien coureur et actuel directeur sportif de Lidl-Trek.

"Je pense qu’on aura bientôt de nouvelles restrictions sur le matériel concernant le vélo de route. Mais j’espère que ce ne sera pas le cas pour les vélos de chrono. On est déjà limités en termes de technologie, notamment si on compare à ce qui se fait par exemple en triathlon. Il faut que le chrono reste la vitrine de la technologie", dit-il. Un point de vue sans doute partagé par les Australiens de Jayco AlUla. Après avoir vu leur sprinteur néerlandais Dylan Groenewegen lever les bras à Dijon avec ses étonnantes lunettes "Batman" dont il a vanté l'aérodynamisme, le peloton peut s'attendre à tout pour ce chrono de la part des équipiers de Simon Yates.

Article original publié sur RMC Sport