Royaume-Uni : victoire historique pour Keir Starmer et les travaillistes

Royaume-Uni : victoire historique pour Keir Starmer et les travaillistes

Après 14 ans de règne conservateur au Royaume-Uni, le Parti travailliste de centre gauche, mené par Keir Starmer, devrait l'emporter largement avec une majorité absolue de 410 sièges au Parlement, selon les dernières estimations.

Le Parti conservateur arriverait en deuxième position avec 131 sièges (une perte de 141 sièges par rapport aux dernières élections), soit le score le plus faible pour les Tories depuis 1906 . Les Libéraux-démocrates feraient quant à eux un retour en force avec 61 députés (+53).

Autre surprise de ce scrutin : le parti Reform UK, mené par le leader populiste Nigel Farage, devrait accéder pour la première fois au Parlement avec 13 sièges. Quant au parti écossais SNP, il est en passe de s'effondrer, passant de 38 sièges à 10, toujours selon les sondages de sortie des urnes.

Le scrutin est uninominal majoritaire à un tour. Chaque électeur votait pour un candidat parmi une liste de noms. Celui qui obtient le plus de voix est élu, même avec seulement 20 % des suffrages.

Une victoire historique pour les travaillistes

Âgé de 61 ans, Keir Starmer a été directeur des poursuites publiques, l'équivalent d'un procureur général. D'origine modeste, cet ancien avocat spécialiste des droits humains est entré tardivement en politique, en devenant député du Labour en 2015. En 2020, il a remplacé Jeremy Corbyn à la tête des travaillistes et a instauré une "tolérance zéro" envers l'antisémitisme dont était accusé le parti.

Keir Starmer a présenté des mesures centristes au nom du "sérieux", marquées par la rigueur budgétaire, la fermeté sur la sécurité et l'immigration.* Il a promis de retirer la loi controversée sur l'expulsion de migrants illégaux vers le Rwanda s'il était Premier ministre. Il a aussi promis de supprimer les lois limitant le droit de grève, mais n'entend pas augmenter les prestations sociales.

S'adressant au public après l'annonce des résultats provisoires, il a parlé de la nécessité de ramener la politique au "service public" et du besoin de "changement".

"Tout commence avec vous. Le changement commence dans cette communauté", a-t-il déclaré. "Vous avez voté, il est maintenant temps pour nous d'agir".

Keir Starmer sera nommé Premier ministre du Royaume-Uni par le roi Charles III cet après-midi, lors d'une cérémonie protocolaire organisée au palais de Buckingham.

Un défi de taille pour le prochain gouvernement

La travailliste Rachel Reeves, qui devrait devenir la première femme à diriger le Trésor si les résultats provisoires se confirment, se montre quant à elle prudente face à l'ampleur du défi qu'elle aurait à relever.

"L’héritage des conservateurs est vraiment terrible", a-t-elle déclaré à Sky News.

Rachel Reeves a fait remarquer que la dette du Royaume-Uni représentait 100 % du revenu national et que la pression fiscale était à son plus haut niveau depuis 70 ans.

Ajoutant qu'elle "ne peut pas promettre de tout changer tout de suite".

Le programme des travaillistes se divise en cinq parties, dont "reconstruire le Royaume-Uni", "remettre le système de santé sur pieds" et "reprendre nos rues". Le Labour propose notamment de réduire le temps d'attente à l'hôpital public en augmentant le nombre de soignants, ou encore de recruter 13 000 policiers supplémentaires.

Une campagne compliquée pour les conservateurs

Ces élections marquent la fin d'une campagne houleuse pour le Premier ministre actuel. Plusieurs conservateurs proches de Rishi Sunak font actuellement l'objet d'une enquête pour avoir prétendument utilisé des informations internes pour parier sur la date de l'élection avant qu'elle ne soit annoncée.

Désigné en octobre 2022 pour remplacer en catastrophe l'ancienne Première ministre conservatrice Liz Truss, qui n'a gouverné que 45 jours, Rishi Sunak devait incarner le retour au sérieux. Ancien banquier d'affaires et ex-ministre des Finances, il s'est attelé à redorer l'image des conservateurs, après les errements économiques de sa prédécesseure et le scandale des soirées illégales de Boris Johnson durant la pandémie de Covid-19.

Au niveau international, le Premier ministre a su restaurer des liens avec Paris et l'Union européenne, après une période de relatif gel lié au Brexit. Il a trouvé une solution à l'impasse commerciale entre l'Irlande du Nord et Bruxelles. Mais il est surtout décrié pour son très controversé projet de loi permettant l'expulsion vers le Rwanda de demandeurs d'asile entrés illégalement au Royaume-Uni.

En interne, le pays traverse de multiples crises. Depuis 2022, l'inflation a fait flamber les factures d'énergie, les prix de l'alimentation, les crédits immobiliers et les loyers. Cette augmentation générale des prix a toutefois été ramenée de 11 % fin 2022 à 2 % en mai, mais le FMI a mis en garde sur les "choix difficiles" à venir pour stabiliser cette conjoncture. Le système public de santé est à bout de souffle. Les soignants se sont mis en grève à de nombreuses reprises.

Concernant la crise climatique, Rishi Sunak s'est attiré la colère des écologistes en repoussant notamment l'interdiction de vente des voitures essence et diesel de 2030 à 2035.

L'ancien dirigeant conservateur William Hague a déclaré que les sondages de sortie des urnes indiquait "un résultat catastrophique de dimension historique pour le Parti conservateur".

Alors que les conservateurs avaient tout misé sur "Get Brexit Done" ("finaliser le Brexit") en 2019, Rishi Sunak avait notamment promis la "sécurité financière" aux électeurs, avec de nouvelles baisses d'impôts.