Législatives: quel que soit le candidat RN, on vote pour "l'étiquette"

Quel que soit leur profil, parfois controversé, les candidats du Rassemblement national ont réalisé d'impressionnants scores au premier tour des législatives, les électeurs choisissant d'abord "l'étiquette" (GAIZKA IROZ)
Quel que soit leur profil, parfois controversé, les candidats du Rassemblement national ont réalisé d'impressionnants scores au premier tour des législatives, les électeurs choisissant d'abord "l'étiquette" (GAIZKA IROZ)

Novices complets en politique, énarques ou hauts fonctionnaires parachutés, élus ou militants de l'ombre tombeurs de stars politiques: quel que soit leur profil, parfois controversé, les candidats du Rassemblement national ont réalisé d'impressionnants scores au premier tour des législatives, les électeurs choisissant d'abord "l'étiquette".

Novices dans la lumière

A 24 ans à peine, Théo Bernhardt a signé le meilleur score pour le RN en Alsace (44,16%). Diplômé d'un master en recherche biomédicale, il a devancé de plus de 20 points la député sortante Horizons, sans même afficher son visage sur ses affiches.

25 ans pour Grégoire Granger, diplômé en fiscalité du patrimoine, en tête dans la 6e circonscription de la Loire; 18 ans pour Clémence Naveys-Dumas, qualifiée dans une triangulaire en Gironde juste après avoir passé son bac technologique; 25 ans pour Clémence Luisier, auto-entrepreneuse en congé parental, qualifiée dans le Rhône en n'affichant que les photos de Jordan Bardella et Marine Le Pen sur sa profession de foi; 26 ans pour Céline de Cossé Brissac, assistante commerciale, en tête dans la Sarthe, sans souffrir d'une conférence de presse catastrophe où elle avait bredouillé des phrases sans aucun sens.

La jeunesse, le manque d'expérience voire l'amateurisme politique n'ont pas détourné les électeurs, ni parfois l'absence pendant la campagne. "Elle a été prise de court (...), car elle est agricultrice. Elle a eu des moissons et des foins à faire", a justifié le suppléant de Françoise Gilois, deuxième dans sa circonscription de l'Ille-et-Vilaine.

Cette discrétion a également profité à Dominique-Louise Marchaudon, ex-socialiste de 74 ans, candidate pour la première fois. Résultat: la première place, avec 36,01%, dans la 4e circonscription de Dordogne, où elle s'est installée il y a un mois.

"On dit généralement que le vote législatif est un vote d'incarnation", dit à l'AFP Frédéric Dabi, directeur général opinion de l'institut Ifop: "Mais aujourd'hui, c'est un vote d'étiquette. (...) On va voter pour la marque RN, en fait la triple marque +RN, Le Pen, Bardella+. On l'a vu dans des configurations passées, quand, en 2017, il suffisait de dire qu'on était candidat Macron pour faire un bon score, ou en 1981 pour Mitterrand".

Tombeurs de stars

A 31 ans, Guillaume Florquin, secrétaire général du groupe RN à la région Hauts-de-France, a été élu dès le premier tour dans la 20e circonscription du Nord, bastion communiste depuis 60 ans, éliminant le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.

Sabrina Agresti-Roubache, proche du couple Macron et secrétaire d'Etat à la Ville, a subi le même sort à Marseille. Qualifiée pour une triangulaire, elle a jeté l'éponge afin de "faire barrage" à Monique Griseti. Qualifiée de "candidate fantôme" par ses adversaires, fuyant la presse comme la peste, celle-ci a refusé les interviews, sauf à être représentée par son neveu, Franck Allisio, patron du parti d'extrême droite dans le département.

Alexandra Martin, députée LR sortante dans les Alpes-Maritimes, est elle en danger, devancée par une inconnue, Dorette Landerer, infirmière libérale de 51 ans. Humiliation supplémentaire: Mme Martin a été distancée largement à Cannes où son suppléant, le maire de la ville David Lisnard, avait été largement réélu en 2020 aux municipales.

En lice pour un sixième mandat, Michèle Tabarot, première vice-présidente du groupe LR à l'Assemblée nationale, a elle été devancée par Franck Galbert, chef d'entreprise de 51 ans dans la cybersécurité, élu municipal d'opposition au Cannet resté jusqu'alors très loin des scores nationaux du RN.

"Dans le bureau de vote, les gens cherchaient le bulletin de vote Bardella! Ils venaient sans connaître le nom de leur candidat, tout est dit!", a tenté d'expliquer à l'AFP Emmanuelle Ménard, députée sortante et épouse du maire de Béziers Robert Ménard, élue depuis 2017 avec le soutien du parti d'extrême droite mais cette fois concurrencée par un RN officiel, Julien Gabarron, qui l'a devancée de 14 points.

"Technos", parachutés ou pas

Seul député de gauche du Gard, l'insoumis Michel Sala a été devancé de huit points par Alexandre Allegret-Pilot, 35 ans, candidat dans le cadre des accords RN-Ciotti. Enarque, haut-fonctionnaire au ministère de l'Economie, il a été dépêché dans les Cévennes depuis la Haute-Savoie, où il est conseiller municipal.

En Bourgogne, c'est un ex-préfet, Thierry Coudert, 65 ans, qui représente le RN. En tête dans la 3e circonscription de Côte-d'Or, cet ex-directeur de cabinet dans plusieurs gouvernements de droite des années 2000 a contraint au désistement la ministre déléguée chargée des Personnes âgées et handicapées, Fadila Khattabi.

Alexandre Humbert-Dupalais, avocat parisien de 32 ans, envoyé dans le Rhône au nom de l'alliance RN-Ciotti, qui finit en tête (36,81%); Sophie-Laurence Roy-Clémendot, autre avocate parisienne, dépêchée dans l'Yonne, qui rafle 45% des suffrages; Alexandre Heuzey, 50 ans, collaborateur RN au Parlement européen, qui talonne Laurent Wauquiez (LR) dans son fief de Haute-Loire pour sa première élection: ces parachutages n'ont pas dérangé les électeurs.

Utilisant les lieux de pouvoir comme pépinière, le RN a aussi trouvé ses candidats en puisant parmi ses cadres politiques, dans les Hauts-de-France par exemple.

Comme Guillaume Florquin, tombeur de Fabien Roussel, Alexandre Dufosset, 25 ans, ex-attaché parlementaire de Sébastien Chenu à l'Assemblée nationale, Bruno Clavet, 35 ans, cadre à la mairie d'Hénin-Beaumont, ou Eddy Casterman, 27 ans, ex-collaborateur d'un sénateur LR, ont été élus au premier tour.

  

Candidats controversés

Comme tous les partis, le RN tente d'éviter les candidats sulfureux.

Mais la sélection n'a pas été parfaite, laissant passer Ludivine Daoudi, dans le Calvados, contrainte de se retirer mardi après qu'une photo d'elle arborant une casquette de sous-officier de la Luftwaffe à croix gammée a émergé de son compte Facebook.

Annie Bell, septuagénaire candidate en Mayenne, avait été condamnée pour prise d'otage à main armée en 1995, a rappelé mardi le quotidien Ouest-France.

Dans le Jura, c'est un candidat sous curatelle, et donc inéligible, qui a porté les couleurs du Rassemblement national. Ce qui ne l'a pas empêché de finir deuxième dans sa circonscription (32,76%) et d'être présent au deuxième tour.

Si de nombreux candidats RN fuient les médias, c'est peut-être pour éviter les propos controversés. Comme ceux du député RN sortant Daniel Grenon, qui a regretté lundi, lors d'un débat organisé par le quotidien L'Yonne républicaine, que "des Maghrébins (soient) arrivés au pouvoir en 2016", estimant que "ces gens-là n'ont pas leur place dans les hauts lieux".

Se félicitant dimanche soir de sa qualification pour le second tour dans la 1re circonscription de la Mayenne, Paule Veyre de Soras a estimé "archi faux" que le RN soit un parti raciste: La preuve, "j'ai comme ophtalmo un juif et j'ai comme dentiste un musulman".

"On commence à être envahis, dans les villes", avait dénoncé cette autre candidate RN le 28 juin au matin, sur le marché de Brive (Corrèze), évoquant l'immigration. Mais "ils ne sont pas là, à cette heure-là, ils dorment", avait-elle ajouté. Deux jours plus tard, au premier tour, elle drainait 31% des suffrages, à moins de sept points derrière l'ex-président socialiste François Hollande.

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