Législatives au Royaume-Uni: pourquoi la victoire des travaillistes cache une percée historique de l'extrême droite
La carte du Royaume-Uni a-t-elle totalement viré au rouge? Le Parti travailliste a remporté largement les élections générales outre-Manche ce jeudi 4 juillet, obtenant une majorité d'au moins 400 élus sur 650 à la Chambre des communes et revenant au pouvoir pour la première fois depuis 14 ans.
Mais la victoire de la formation de Keir Starmer, l'avocat en passe de remplacer Rishi Sunak au poste de Premier ministre, n'est pas aussi large que prévue: selon les premiers résultats, le Labour fait en pourcentage un score inférieur à celui de Jeremy Corbyn pourtant battu en 2017, avec moins de 40% des suffrages. Dans sa circonscription, le futur locataire du 10 Downing Street est réélu mais perd 18.000 voix par rapport à 2019.
Nigel Farage élu après sept échecs
Surtout, la victoire des travaillistes est entachée par une nette percée de l'extrême droite. Le parti de Nigel Farage, Reform UK, n'obtient certes qu'une dizaine de sièges, mais recueille environ 15% des suffrages dans tout le pays, selon les premiers résultats. Soit 13% de plus que le score de son "Brexit Party" en 2019.
Nigel Farage lui même est élu dans la circonscription de Clacton-on-Sea, ville balnéaire à l'est de Londres, après sept échecs. Dans la nuit, celui qui a mené la campagne pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne a salué une "révolte contre l'establishment".
Mieux que UKIP
Son parti fait une entrée fracassante à la chambre des communes avec une dizaine d'élus. Surtout, Reform UK fait chuter lourdement les conservateurs, qui subissent un vote sanction comme jamais ils ne l'ont connu. Les Tories, autour de 20% des voix ce jeudi, subissent leur pire défaite depuis le début du XXe siècle et auront à peine 140 élus, contre 365 en 2019.
Dans de nombreuses circonscriptions où le parti conservateur incarnait l'opposition face au Labour, c'est Reform UK qui est arrivé en deuxième position, progressant parfois de plus de 20 points par rapport aux scrutins de 2019.
Il y a cinq ans, l'écart entre les conservateurs (43%) et le Brexit Party (0,07%) était de 13.322.197 voix. Un gouffre qui s'est réduit ce lundi à quelques millions. Avant Reform UK, la seule forte performance récente d'un parti à la droite des conservateurs aux élections générales était celle du UKIP Party, avec 3.881.099 électeurs (12,6%).
"C'est le début d'un grand mouvement", a déclaré le chef adjoint de Reform David Bull. "C'est une révolte politique. Si nous pouvons passer de zéro à 13 sièges en quatre ans, imaginez ce que nous pouvons faire en cinq ans" s'est-il réjoui sur Sky news, se posant en alternative d'un parti conservateur "qui n'est plus conservateur".
Les conservateurs subissent une défaite historique
Les Tories, eux, sont les grands perdants de la séquence politique au Royaume-Uni. Après cinq Premiers ministres, le Brexit, l'austérité, la crise du coût de la vie, le système de santé public à bout, les conservateurs se sont attirés tant de griefs de la part des Britanniques que la campagne les a conduits à simplement ambitionner de limiter la casse.
Bien que réélu dans sa circonscription de Richmond dans le Yorkshire du Nord, Rishi Sunak a vu sa campagne a tourné au chemin de croix. Il avait pourtant tenté de prendre l'initiative fin mai en convoquant les électeurs en juillet sans attendre l'automne comme attendu et avait brandi la menace que représenterait une "super majorité" travailliste à la Chambre des Communes, qui laisserait le Labour sans contre-pouvoir, admettant de facto sa défaite.
Ces résultats seront potentiellement lourds de conséquences pour l'avenir des Tories, qui vont devoir se reconstruire après leur défaite historique, dans un moment où ils apparaissent divisés, tiraillés entre une aile plus à droite et un courant davantage centriste.
Plusieurs anciens ministres et ténors du gouvernement conservateur britannique sortant, comme le ministre britannique de la Défense Grant Shapps ou la ministre des relations avec le Parlement Penny Mordaunt, ont été battus.
"Je ne vous promets pas que ce sera facile"
Reste à voir ce que Keir Steimer , classé au centre-gauche de l'échiquier politique, fera au poste de Premier ministre. Signe de la diversité de la gauche britannique: son rival et ancien chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn, a su se faire élire en tant qu'indépendant dans sa circonscription, face à un candidat du Labour.
Dans la nuit, la future ministre des Finances avertissait déjà que le gouvernement devra faire "des choix difficiles". Et donc impopulaires? Keir Steimer promettait lors de la campagne une gestion des dépenses publiques très rigoureuse, mais sans augmentation d'impôts.
"Le changement commence maintenant", a martelé le futur Premier ministre, remerciant ses partisans et renouvelant sa promesse de "renouveau national" après sa victoire. "Je ne vous promets pas que ce sera facile. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour changer un pays. Cela demande un travail difficile, un travail patient, un travail déterminé".