AME, statistiques ethniques: Retailleau, le prochain risque de censure pour Bayrou?
Un tempo qui peut surprendre. Quatre jours à peine après que la décision des socialistes de ne pas censurer François Bayrou, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a mis sur la table deux sujets qui pourraient être des casus belli pour le parti à la rose, à commencer par l'aide médicale d'État (AME).
"On y touchera", a promis le ministre de l'Intérieur sur BFMTV ce dimanche, en évoquant ce dispositif permettant à des ressortissants étrangers sans titre de séjour en France de se soigner.
"Nous ferons pression pour qu'il ne touche pas à l'AME "
Sans préciser s'il appelle ou non à la suppression de l'AME, l'ex-président des sénateurs LR y voit un "encouragement la clandestinité" en s'appuyant sur les conclusions d'un rapport de Claude Evin et de Patrick Stefanini. Ce travail ne pronaît pourtant pas la disparition de ce dispositif mais une réflexion sur les soins accessibles aux bénéficiaires.
En quelques minutes, le ministre de l'Intérieur a mis le feu aux poudres dans les rangs de la gauche, en franchissant allégrement cette ligne rouge pour les socialistes.
Les troupes d'Olivier Faure ont pourtant largement accepté de faire un pas vers le Premier ministre jeudi dernier. Seuls 8 socialistes sur 66 ont soutenu la motion de censure pour faire tomber le centriste, après un bureau national qui avait décidé de ne pas voter pour renverser François Bayrou à l'Assemblée nationale.
Le locataire de Matignon s'était fendu quelques heures plus tôt d'un courrier dans lequel il leur donnait des gages, notamment la fin de la suppression des 4.000 postes d'enseignants prévue dans le budget 2025. Nulle trace cependant d'un engagement à maintenir l'AME dans sa forme actuelle.
"Nous nous gardons le droit de censurer le gouvernement. Nous ferons pression pour qu'il ne touche pas à l'AME", tance Raphaël Glucksmann, le patron de Place publique ce lundi sur Sud radio.
"Alors on vous censurera"
Si son avertissement ne concerne que le seul député de son mouvement qui siège à l'Assemblée avec le PS, l'ex-ministre Aurélien Rousseau, le député européen résume à lui seul le sentiment de ses alliés socialistes.
"Alors, on vous censurera", a répondu directement le député Arthur Delaporte à Bruno Retailleau sur X.
En novembre dernier, Michel Barnier avait accepté de baisser "sensiblement" les soins pris en charge par l'AME dans le budget de la sécurité sociale. Le Premier ministre d'alors faisait sienne la demande du RN.
Depuis, ce texte est au point mort. François Bayrou reprendra-t-il à son compte la proposition de Bruno Retailleau lors du retour du texte au Sénat le 23 janvier ? Le locataire de Matignon n'en a en tout cas pas pipé mot ces derniers jours. Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, qui est responsable du dossier, n'a pas non plus évoqué la question.
Des statistiques ethiques "uniquement à des fins discriminatoires"
Le patron du Modem pourrait cependant vouloir continuer à entretenir de bonnes relations avec les socialistes qui détiennent en partie son avenir entre leurs mains et laisser ce sujet de côté.
Bruno Retailleau n'a pas non plus hésité à se positionner sur la question des statistiques ethniques sur notre antenne ce dimanche.
Tout en disant s'être "toujours un peu méfié" de ces données démographiques sur l'origine des Français, le ministre de l'Intérieur les imagine possibles pour "connaître" "les mouvements migratoires". Elles ne doivent pas servir à faire de "la discrimination positive", précise-t-il encore.
"OK pour les statistiques ethniques mais alors uniquement à des fins discriminatoires, surtout pas pour servir à corriger les inégalités décelées", ironise le patron des socialistes Olivier Faure sur X.
"Partant pour les statistiques ethniques exclusivement si ça permet de discriminer davantage", regrette également le sénateur communiste Ian Brossat sur le réseau social.
La propre partition de la droite
Ce dispositif n'est pas applicable en l'état actuel de la loi. Selon la loi informatique et libertés de 1978, il n'est "interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origne raciale ou l'origine ethnique", peut-on y lire. Si des exceptions existent bien, elles sont drastiquement encadrées par la loi.
De telles sorties visent probablement à rappeler à François Bayrou que la droite compte bien continuer de jouer sa propre partition, accord ou non avec les socialistes. D'après un sondage Ipsos pour La Tribune dimanche, Bruno Retailleau fait partie des ministres les plus populaires.