"Pas la négociation honteuse": Faure assume ne pas avoir voté la motion de censure contre Bayrou
Après des échanges houleux, les socialistes ont décidé de ne pas ajouter leurs voix aux insoumis pour renverser François Bayrou. Mais Olivier Faure a déjà menacé de déposer une motion de censure "si le débat est verrouillé" sur les retraites, soucieux de donner des gages à ses propres troupes.
L'un des plus longs discours à la tribune ce jeudi après-midi lors de l'examen de la motion de censure à l'encontre de François Bayrou. Olivier Faure a détaillé point par point à l'Assemblée nationale son refus de voter le renversement du Premier ministre. La manœuvre a valeur de mise au point avec La France insoumise, aux avants-postes de ce texte.
"Le PS n'a pas la négociation honteuse", a expliqué le premier secrétaire du parti socialiste, faisant la liste des concessions obtenues par les socialistes, d'une conférence sociale sur les retraites à la suppression de jours de carence pour les fonctionnaires.
Des concessions "arrachées" à Bayrou
François Bayrou, qui a besoin des voix du PS pour tenir à Matignon, y a mis du sien. Il s'est fendu d'un courrier adressé aux députés socialistes dans lequel il leur a donné des gages, dont certains étaient déjà actés lors des discussions avec Michel Barnier.
Parmi les points qui ont permis au Premier ministre d'éviter le soutien des socialistes à la motion de censure, on trouve notamment la suppression des 4.000 postes d'enseignants prévue dans le budget 2025. De quoi permettre aux socialistes réunis en bureau national avant la motion de censure de décider collectivement de ne pas la soutenir.
Olivier Faure a revendiqué "l'honneur d'avoir évité aux Francais" un budget aux conséquences plus lourdes, "au nom d'une gauche qui propose, avance et qui fait céder le gouvernement" et grâce à des concessions "arrachées".
"Nous restons dans l'opposition"
Soucieux de ne pas faire un chèque en blanc à François Bayrou, le patron des socialistes a veillé à poser quelques conditions. "Si nous avons le sentiment que le débat est verrouillé" sur la réforme des retraites, "nous déposerons une motion de censure", a avancé le député de Seine-et-Marne.
Un vote de censure de la part des députés PS est "possible à tout moment", a-t-il encore insisté, avec une exigence: que le Parlement "puisse avoir le dernier mot" sur la réforme des retraites, qu'il y a accord total, partiel ou pas d'accord du tout entre partenaires sociaux.
"Nous restons dans l'opposition", a encore promis Olivier Faure
Des propos pour essayer de rassurer une partie de ses propres troupes? Après des débats houleux au sein du groupe puis lors de son bureau national, Olivier Faure ne pouvait pas se permettre de donner quitus à François Bayrou.
La crainte du "pire de la politique"
8 députés socialistes sur 66 ont cependant voté pour renverser le Premier ministre. Ce chiffre assure au gouvernement d'avoir au moins de son côté une cinquantaine de députés socialistes de son côté pour les prochaines semaines.
"Nous avons choisi de ne pas pratiquer la politique du pire, parce que cela pourrait amener au pire de la politique, l'extrême droite au pouvoir", s'est encore défendu expliqué Olivier Faure, accusant à demi-mot LFI de faire le jeu du Rassemblement national.
Dans le camp insoumis, le choix des socialistes qui font partie du bloc à gauche à l'Assemblée depuis 2022 par le biais de la Nupes puis du Nouveau Front populaire ne passe pas.
"L'assurance-vie du système"
Dans son discours devant les députés, le coordinateur de La France insoumise a dénoncé de son côté "l'irresponsabilité" de ceux qui se prêtent à cette "comédie".
La présidente des députés insoumis les a accusé de "se mettre du côté du problème, c'est-à-dire d'Emmanuel Macron". Le PS est "l'assurance-vie du système et des supplétifs de la macronie", a encore assuré Mathilde Panot.
Le président de la commission des Finances Éric Coquerel n'a pas été plus tendre. "À ce stade", ceux qui ne votent pas la motion de censure "sont dans une majorité sans participation au gouvernement", a jugé de son côté le député LFI.
Faut-il acter de fait la fin de l'alliance de gauche à l'Assemblée nationale? Porte-parole du groupe écologiste, Benjamin Lucas a tempéré la portée d'un "désaccord stratégique" qui "n'efface pas une alliance".
La question de la censure va très rapidement se reposer à l'occasion du retour des budgets de l'État et de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale fin janvier. En cas d'usage du 49.3 - qui permet de faire voter un texte sans majorité -, François Bayrou s'exposera à nouveau au risque d'être renversé.