De la dissolution à l'échec de la motion de censure contre Bayrou: le NFP est-il en train d'exploser?

Des chemins qui se séparent en plein hémicycle. Ce jeudi 16 janvier, les socialistes ont décidé de ne pas soutenir la motion de censure contre François Bayrou, pourtant votée par tous leurs autres partenaires de la gauche. Un vrai casus belli pour la France insoumise qui avait déposé ce texte dans la foulée du discours de politique générale du Premier ministre mardi.

"Aujourd'hui, les députés du PS" ont "procédé à un changement d'alliance. Ils ont choisi de rejoindre la majorité d'Emmanuel Macron", a fustigé le patron des insoumis Manuel Bompard sur BFMTV.

"Des concessions arrachées"

Ce fidèle parmi les fidèles de Jean-Luc Mélenchon brandit encore la menace lors de futures élections législatives d'investir "des candidats face aux députés qui ont choisi d'être en soutien de François Bayrou".

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Si l'union de la gauche n'aurait pas suffi à faire tomber le Premier ministre - il aurait fallu pour cela que le RN ajoute ses voix à la motion de censure - la rupture semble consommée avec le PS.

Dans les rangs du PS, on assume. À la tribune pour expliquer son refus de soutenir la motion de censure, Olivier Faure défend ainsi "les concessions arrachées" à François Bayrou.

"On offre du temps de vie à Bayrou"

Il faut dire que le Premier ministre y a mis du sien. À quelques heures des débats dans l'hémicycle, le centriste se fend d'un courrier adressé aux députés socialistes dans lequel il leur donne des gages.

Si plusieurs points sont une vraie avancée, comme la suppression des 4.000 postes d'enseignants prévue dans le budget 2025, d'autres étaient déjà actés par Michel Barnier.

Quant au retour de la réforme des retraites à l'Assemblée nationale, avec ou sans accord global ou partiel des partenaires sociaux réunis en "conclave" pendant 3 mois, François Bayrou a maintenu le flou. Le calcul du PS a donc tout du pari.

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"En décidant de ne pas voter la motion de censure, on offre du temps de vie à François Bayrou mais aussi on fait un pas de côté avec le reste du NFP. C'est un acte lourd", reconnaît un député PS auprès de BFMTV.

Des socialistes frondeurs "pas suffisamment nombreux"

C'est que depuis les débuts de la Nupes, l'alliance de gauche lancée en 2022, puis le NFP, créé à l'occasion des dernières législatives, les députés PS, EELV, LFI et PC avancent main dans la main. En dépit de vives tensions, notamment sur la question du conflit entre Israël et le Hamas, leurs votes à l'Assemblée sont quasiment toujours similaires.

Autant dire que le non-soutien à la motion de censure acte de fait une vraie rupture de fond. Seuls 8 députés socialistes sur 66 ont voté le renversement de François Bayrou.

"Ça nous arrange presque en montrant que chez nous, on peut ne pas être d'accord. Et en même temps, ils ne sont pas suffisamment nombreux pour rendre caduc notre geste", décrypte un député socialiste auprès de BFMTV.com.

"Pas sûr de censurer vraiment bientôt Bayrou"

Manifestement soucieux de ne pas faire un chèque en blanc à François Bayrou tout en donnant des gages à son camp, Olivier Faure a cependant précisé que le vote d'une motion de censure de la part des députés PS reste "possible à tout moment", notamment sur la réforme des retraites s'il a le sentiment que "le débat est verrouillé".

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"C'est malin de sa part. Il montre qu'il est dans le compromis et qu'il n'est pas naïf. Quant à savoir si on censurera vraiment bientôt, je n'en suis pas sûr", décrypte un collaborateur socialiste.

C'est peut-être le ministre de l'Économie, Éric Lombard, aux avant-postes des négociations, qui en parle le mieux.

Olivier Faure "a évoqué la possibilité que le Parti socialiste vote la censure" ultérieurement mais "il ne l'a pas évoquée sur ce budget-là", a souligné le locataire de Bercy sur BFMTV ce vendredi.

Une position qui arrange LFI tout comme les socialistes

C'est qu'Olivier Faure, à l'approche du congrès de son mouvement, avait besoin de donner des gages à son propre camp. Très critiqué en interne par des contempteurs de LFI, peu fan de l'alliance de gauche, le premier secrétaire du PS leur fait perdre tout angle d'attaque après sa décision de ne pas suivre LFI dans le vote de sa motion de censure.

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La méthode a également l'avantage d'offrir du temps à François Bayrou en évitant à Emmanuel Macron de devoir lui trouver rapidement un successeur en cas de chute - une situation qui mettrait encore plus de pression sur le chef de l'État, en grande difficulté politique.

En cas de très hypothétique élection présidentielle anticipée, le geste évite au PS la nécessité de choisir rapidement un candidat alors que, pour l'instant, nul ne s'impose.

"Le mérite de clarifier la situation"

Très loin donc de la stratégie de La France insoumise qui pousse, elle, pour la démission du chef de l'État. Mais en réalité, la désolidarisation des socialistes sur la motion de censure pourrait bien faire les affaires des députés de Mathilde Panot.

"Le Parti socialiste a choisi de se ranger du côté du problème, c'est-à-dire d'Emmanuel Macron", a analysé la présidente des insoumis à l'Assemblée sur BFMTV.

"Tout cela a le mérite de clarifier la situation. Nous, on est contre le chef de l'État et eux dans une majorité, certes sans participation, mais une majorité quand même", analyse un collaborateur insoumis.

Des communistes et des écologistes en sourdine

Comprendre: la décision des socialistes, qui rappelle "les pires heures du PS" pendant le mandat de François Hollande, comme l'explique le président de la commission des Finances Éric Coquerel, a le mérite d'assimiler les insoumis à la seule véritable opposition au camp présidentiel.

La manœuvre a aussi le mérite de mettre de côté les écologistes et les communistes qui ont fait le choix de ménager la chèvre et le chou en votant tous, à quelques voix près, pour la motion de censure.

Dans la foulée de l'échec de la tentative de renverser François Bayrou, Marine Tondelier a ainsi affirmé vouloir "reprendre les discussions avec le gouvernement, sur l'environnement notamment". "Quand on n'est pas là, personne ne le défend à notre place", a avancé la cheffe du mouvement.

La stratégie un pied dedans un pied dehors des communistes et des écologistes peut-elle mettre le dernier clou dans le cercueil du NFP? La réponse ne devrait pas tarder avec le retour du budget de l'État dans l'hémicycle fin janvier.

Article original publié sur BFMTV.com