Yannick Jadot : « Il faut dépasser le cadre de la NUPES tel qu’il existe aujourd’hui car il est obsolète » - EXCLUSIF

Dans un entretien au « HuffPost », Yannick Jadot prend position pour élargir le cadre actuel de la NUPES après les divisons à gauche autour du conflit israélo-palestinien. (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)
EMMANUEL DUNAND / AFP Dans un entretien au « HuffPost », Yannick Jadot prend position pour élargir le cadre actuel de la NUPES après les divisons à gauche autour du conflit israélo-palestinien. (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)

INTEVIEW - Pour sa première prise de parole depuis l’attaque du Hamas envers Israël samedi 7 octobre, l’ancien candidat EELV à la présidentielle nous reçoit dans son nouveau bureau du Sénat où il vient d’être élu, le 24 septembre. Encore un peu vide, un casque de vélo posé sur le bureau, à côté d’une plaquette de doliprane, d’un Stabilo et d’un bac à recyclage de papier.

Il prend le temps de l’analyse de la situation au Proche-Orient, le ton grave et se démarque de la France insoumise avec qui il ne partage pas « le même rapport à la démocratie, aux libertés et aux questions internationales ». Il plaide, pour la première fois de manière aussi ouverte, pour un élargissement de la NUPES.

Comment vivez-vous la situation depuis l’attaque du Hamas contre Israël samedi 7 octobre ?

C’est un sentiment de sidération qui se prolonge malheureusement depuis plusieurs jours avec les découvertes de plus en plus macabres, les horreurs et la barbarie qui ont été celles du Hamas en Israël. Des actes que rien, absolument rien, ne peut justifier.

Le Hamas est-il une organisation terroriste ?

C’est bien un groupe islamiste et terroriste dont l’objectif n’a jamais été l’établissement d’un État palestinien à côté d’un État israélien, ce que la communauté internationale porte, mais la destruction de ce dernier. Il n’y a rien dans ce groupe qui le rattache à la perspective d’un avenir de paix pour les Palestiniens. Il est complice du Hezbollah et de l’Iran qui ont massacré les populations civiles syriennes et aujourd’hui torturent et assassinent les femmes qui refusent la terreur des mollahs et des Gardiens de la Révolution.

L’idée de soutenir le gouvernement israélien quelles que soient les actions envisagées par ce dernier est une erreur.

Comment jugez-vous la position de la France par la voix d’Emmanuel Macron qui a condamné « fermement les attaques terroristes en Israël » et les pays qui ont « félicité des horreurs perpétrées par le Hamas » ?

Sa réaction immédiate sur les attentats a été juste, rapide et à la hauteur du message de la France. On sait ce que ça veut dire le terrorisme dans notre pays. 250 jeunes dans une rave party, c’est comme le Bataclan. Ce n’est pas un hasard si c’est la jeunesse la plus ouverte, y compris à la paix, qui a été attaquée.

En revanche, l’idée de soutenir le gouvernement israélien quelles que soient les actions envisagées par ce dernier est une erreur. La situation est terrible parce que la douleur, l’angoisse des Israéliens et des Israéliennes sont immenses. Il nous faut néanmoins avoir le courage et la lucidité de contribuer à ce que le juste combat contre le terrorisme ne se transforme pas en un engrenage sans fin de violences contre les populations civiles palestiniennes. Les discours de certains membres du gouvernement israéliens font craindre le pire.

Qu’aurait dû faire Emmanuel Macron ?

J’aurais imaginé qu’il propose la convocation immédiate d’une réunion du Conseil européen pour que l’Union européenne ait une expression à la hauteur des événements. Les Européens se sont exprimés diversement et la commission européenne s’est mise à la faute quand madame von der Leyen a donné raison à son commissaire hongrois, Oliver Vàrhelyi, pour priver les populations civiles palestiniennes d’une aide humanitaire indispensable. J’ai entendu la présidence espagnole du Conseil s’y opposer, moins la France. L’UE a fini par changer d’avis, heureusement, car les Palestiniens vivent dans des conditions absolument dramatiques. Assoiffer et affamer les habitants ne peut être une réponse acceptable.

Notre responsabilité est de soutenir le gouvernement israélien dans sa lutte contre le terrorisme, mais de participer et de contribuer avec l’UE, le Conseil de sécurité de l’ONU et tous les médiateurs possibles à ce que les actions engagées par le gouvernement israélien ne sortent pas du droit international. Il manque cette seconde partie dans la position française, je le regrette.

En Europe, l’argent européen est bien contrôlé. Il n’aide pas le Hamas.

Les aides européennes à la Palestine financent-elles le Hamas ?

J’ai été député européen et je peux vous dire qu’il y a une chose qui est bien contrôlée en Europe, c’est l’argent européen. Et l’argent européen n’aide pas le Hamas. Ces fonds permettent aux populations civiles de survivre, construisent des écoles et des postes de santé.

Il n’y a que deux solutions de paix possibles et acceptables. Soit une solution à deux États, c’est la solution du droit international. Soit un seul État avec des citoyens à égalité. Ce qui signifierait la fin de l’État hébreu - le fondement de l’État d’Israël - pour une nation pluriethnique et plurireligieuse. Les Israéliens ne peuvent plus ne pas se poser la question, dans une négociation avec les Palestiniens.

Il n’y a que deux solutions de paix possibles. Soit une solution à deux États, c’est la solution du droit international. Soit un seul État avec des citoyens à égalité.

Vous vous positionnez pour cette solution à un seul État ?

C’est une solution à laquelle pensent des Palestiniens et des Israéliens, mais on sait l’effondrement des mouvements de la paix, l’affaissement de la gauche en Israël et l’absence de personnalités politiques de part et d’autre pour faire la paix. Tout s’est radicalisé.

Considérer, comme LFI, que le Hamas pourrait être une forme légitime de résistance palestinienne est une faute politique qui les disqualifie dans ce débat.

À gauche, les divisions sur le sujet explosent à la tête de la NUPES. Comment réagissez-vous au communiqué de LFI le 7 octobre qui ne condamne pas l’attaque du Hamas et parle d’ « armée » palestinienne ?

Ce communiqué est inacceptable. Considérer que le Hamas pourrait être une force armée palestinienne au service du peuple palestinien est un détournement pervers de l’Histoire et de la réalité. Contester le caractère islamiste et terroriste de cette organisation, c’est être dans le déni du réel. Considérer que le Hamas pourrait être une forme légitime de résistance palestinienne est une faute politique, qui les disqualifie dans le débat, y compris dans leur volonté de soutenir les populations civiles palestiniennes.

Pourquoi les Insoumis campent-ils sur cette position ?

C’est à eux de justifier leur position. Évidemment, dans la circonstance, on n’est pas à l’abri d’une forme d’électoralisme, mais je crois qu’il y a surtout une erreur profonde d’analyse sur la manière de défendre le peuple palestinien. C’est aussi un rapport à la démocratie, aux libertés et aux questions internationales que nous ne partageons pas avec eux.

Êtes-vous étonné, vous qui vous êtes affronté avec Jean-Luc Mélenchon pendant la dernière présidentielle sur la guerre en Ukraine et le soutien à apporter aux Ukrainiens ?

Jean-Luc Mélenchon a dit en 2016 : « Poutine est en train de régler le problème de la Syrie », avec des gaz chimiques, le soutien du Hezbollah et sans doute de combattants du Hamas à Bachar al-Assad. Ce qui me guide dans mes analyses sur les questions internationales, ce n’est pas de savoir sur qui je suis aligné, c’est sur quelles valeurs. Je pense que Jean-Luc Mélenchon se pose trop souvent la question de savoir sur qui il est aligné ou plutôt sur qui il n’est pas aligné, au lieu des valeurs. Être non-aligné entre la victime et le bourreau, c’est une étrange nostalgie d’un rapport de force de guerre froide qui a disparu.

La NUPES, dans le format et le mode de fonctionnement installés en mai 2022 a vécu.

Le PS a suspendu ses travaux à l’Assemblée avec la NUPES sur le budget, le PCF va consulter ses adhérents sur les suites à donner… La NUPES va-t-elle survivre à ces différences béantes ?

La NUPES, dans le format et le mode de fonctionnement installés en mai 2022 a vécu. Elle se poursuivra – ou non – à l’Assemblée selon les choix des groupes parlementaires qui la composent. À l’échelle nationale, il faut sortir du jeu de dupes actuel où la mise en scène des détestations et les provocations de Jean-Luc Mélenchon visent à son explosion tout en cherchant à en faire porter la responsabilité sur les autres.

Jean-Luc Mélenchon pousse la caricature jusqu’à considérer que si on n’est pas soumis, on est un « collabo » (Il a appuyé une comparaison de la députée Sophia Chikirou entre le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et le collaborationniste Jacques Doriot, ndlr). Ces haines recuites ne mènent à rien, il faut en sortir.

Comment ?

Je reste un partisan de l’union pour gagner en 2027, comme je l’étais en 2022, car il n’y aura pas de victoire avec deux gauches irréconciliables. Gagner, ça ne veut pas dire arriver au second tour, ça veut dire arriver au second tour et remporter 50,1 % des voix. On n’y arrivera pas sans le centre gauche et la mobilisation du centre républicain contre l’extrême droite.

Les insoumis sont sortis en position de force du premier tour de 2022, mais ils ont échoué à se mettre en position centrale d’animation de la gauche et des écologistes car ils n’acceptent pas la diversité de nos formations.

EELV doit-il sortir de la NUPES ?

Le cadre d’union ne peut plus se construire autour de ses seuls leaders dont les niveaux de détestation nous abîment tous et toutes. Il va falloir trouver une façon de contourner, de dépasser les haines individuelles et pour cela dépasser le cadre de la NUPES tel qu’il existe aujourd’hui car il est obsolète.

Faut-il que le PCF, le PS et EELV s’allient sans LFI comme ils l’ont fait pour les élections sénatoriales de 2024 avec un certain succès ?

La situation n’est pas comparable. Je continue à porter une perspective d’union, mais elle doit se reconstruire sur un projet avec la participation d’acteurs de la société civile pour que ce soient les électorats qui construisent l’union. Je ne peux croire que l’électorat insoumis considère que le Hamas soit l’armée de la Palestine.

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