De retour à Khan Younès, les habitants face à un champ de ruine

De retour à Khan Younès, les habitants face à un champ de ruine

Au milieu de milliers de bâtiments détruits ou endommagés, des familles tentent depuis lundi de retrouver leurs maisons le long de rues rasées au bulldozer, entourées de décombres et de débris qui étaient autrefois des immeubles d'habitation et des commerces. Dans d'autres rues, les bâtiments sont encore debout mais très endommagés.

"Je n'ai pas pu retrouver ma maison à cause de toutes les destructions", s'alarme Magdy Abu Sahrour stupéfait devant un monceau de ruines partiellement rasées.

Parmi les milliers de personnes qui se sont rendues à Khan Younès à pied et sur des charrettes tirées par des ânes lundi, nombreuses sont celles qui se sont réfugiées à Rafah. Le retrait leur a permis de voir les décombres de leurs maisons et de récupérer quelques biens. Mais la ville étant désormais invivable.

Selon Corey Scher, de la City University of New York, et Jamon Van Den Hoek, de l'Oregon State University, deux experts en cartographie qui ont utilisé des images satellites pour suivre les destructions, on estime que 55 % des bâtiments de la zone de Khan Younès, soit environ 45 000 bâtiments, ont été détruits ou endommagés.

Le retour des habitants de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le lundi 8 avril 2024.
Le retour des habitants de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le lundi 8 avril 2024. - Fatima Shbair/Copyright 2024 The AP. All rights reserved.

"Où dois-je dormir ? Où vais-je aller ?" La mère d'Heba Sahloul, âgée, sanglote de désespoir, assise au milieu des décombres du salon familial. Ses filles ont cherché ce qu'elles pouvaient emporter avec elles. Les murs de la pièce ont été soufflés et le sol est jonché de morceaux de béton, de dalles de plafond et de plans de travail cassés. Seules les colonnes peintes en rose laissaient deviner qu'il s'agissait autrefois de leur maison.

Sahloul a déclaré que les troupes israéliennes leur avaient ordonné de partir pendant les combats. "Nous avons laissé toutes nos affaires ici et nous sommes sortis avec seulement nos vêtements", a-t-elle déclaré. Son père a été tué plus tôt au cours de l'assaut, laissant Sahloul, ses sœurs et sa mère. "Nous ne sommes que six femmes à la maison et nous ne savons pas où aller", a déclaré Sahloul.

Khan Younès a été l'un des théâtres majeurs de l'une des attaques militaires les plus destructrices et les plus meurtrières de ces dernières décennies, laissant la majeure partie de ce minuscule territoire côtier invivable pour ses 2,3 millions d'habitants. Elle a également laissé entrevoir ce qui risque de se produire à Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, où s'entasse désormais la moitié de la population déracinée de Gaza, si Israël poursuit son projet d'invasion de cette ville.

"Il y a une date", déclare Benyamin Nétanyahou à propos de l’offensive sur Rafah

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réitéré sa promesse de mener l'offensive jusqu'à Rafah, déclarant lundi dans une vidéo : "Cela se produira. Il y a une date", sans donner plus de détails.

L'intention d'envahir Rafah, qu'il considère comme le dernier bastion important du Hamas, suscite l'inquiétude de la communauté internationale quant au sort des quelque 1,4 million de Palestiniens qui s'y réfugient. Le principal allié d'Israël, les États-Unis, a déclaré qu'envahir Rafah serait une erreur et a exigé un plan crédible pour protéger les civils.

Israël est en train d'acheter 40 000 tentes pour préparer l'évacuation de Rafah, a déclaré un responsable israélien, sous couvert d'anonymat car il n'est pas autorisé à parler aux médias. Il n'a pas été précisé où ces tentes seraient installées ni combien de personnes elles pourraient abriter. Permettre aux gens de retourner à Khan Younès pourrait alléger la pression sur Rafah, mais beaucoup n'ont pas de maison où retourner.

Les Etats-Unis appellent le Hamas à accepter la proposition de trêve

En parallèle, les négociations menées sous la médiation du Qatar, de l'Égypte et des États-Unis en vue d'un cessez-le-feu et d'un échange de prisonniers se poursuivent. Mais Israël et le Hamas semblent rester très éloignés l'un de l'autre.

Dans un communiqué publié lundi, le Hamas a déclaré que la dernière réponse qu'il avait reçue d'Israël n'incluait pas un cessez-le-feu permanent ni le retrait des forces israéliennes de Gaza. Il a déclaré à plusieurs reprises que ces deux conditions n'étaient pas négociables, tandis qu'Israël les a fermement rejetées.

"Maintenant, il revient au Hamas de (…) concrétiser [la trêve]", a affirmé John Kirby devant la presse, refusant de révéler des détails de cet accord pour ne pas le "torpiller".

A l’ONU, Israël s’oppose à l’adhésion palestinienne

Le Conseil de sécurité des Nations unies a ravivé lundi les espoirs de l'Autorité palestinienne d'adhérer aux Nations unies en tant que membre à part entière, en relançant la requête lancée en 2011.

Mais les États-Unis ont déclaré que les relations entre Israël et les Palestiniens étaient loin d'être mûres. Cela réduit à néant les espoirs d'adhésion de l'Autorité palestinienne à l'ONU pour l'instant.

Les États-Unis sont l'un des cinq membres permanents qui peuvent opposer leur veto à toute décision du Conseil. Les membres de la délégation américaine à l'ONU ont réaffirmé lundi que l'Autorité palestinienne devait exercer un contrôle sur l'ensemble des territoires palestiniens et négocier la création d'un État avec Israël avant d'obtenir le statut d'État.

L'Autorité palestinienne administre certaines parties de la Cisjordanie occupée par Israël. Ses forces ont été chassées de Gaza lorsque le Hamas s'est emparé du pouvoir en 2007, et elle n'a aucun pouvoir dans cette région.

"La question de l'adhésion pleine et entière des Palestiniens est une décision qui doit être négociée entre Israël et les Palestiniens", a déclaré Robert Wood, ambassadeur adjoint des États-Unis, à la presse lundi.

Après des années d'échec des pourparlers de paix, les Palestiniens se sont tournés vers les Nations unies pour réaliser leur rêve d'un État indépendant. Israël estime que ces démarches constituent une tentative de contourner le processus de négociation. L'actuel gouvernement israélien de droite est dominé par des partisans de la ligne dure qui s'opposent à la création d'un État palestinien.