Reconnaissance d’un État palestinien : ce que change la décision de l’Irlande, l’Espagne et la Norvège

La reconnaissance de l’Etat palestinien par l’Irlande et l’Espagne et la Norvège : ce que ça change (Photo de manifestants pro-Palestine le 15 mai 2024)
SILVANA FLORES / AFP La reconnaissance de l’Etat palestinien par l’Irlande et l’Espagne et la Norvège : ce que ça change (Photo de manifestants pro-Palestine le 15 mai 2024)

INTERNATIONAL - Tout un symbole. L’Irlande, l’Espagne et la Norvège ont annoncé ce mercredi 22 mai la reconnaissance prochaine, prévue le 28 mai, d’un État palestinien, y voyant « le seul chemin crédible vers la paix et la sécurité pour Israël et pour la Palestine ». Elles rejoignent ainsi la Slovénie qui a déjà commencé la démarche le 9 mai avec un décret de reconnaissance qu’elle compte envoyer à son Parlement pour approbation d’ici au 13 juin.

Après ces annonces, Israël a aussitôt annoncé le rappel « pour consultations » de ses ambassadeurs à Dublin et Oslo. Elle avait déjà rappelé son ambassadrice en Espagne de fin novembre à janvier. « La décision d’aujourd’hui envoie un message aux Palestiniens et au monde : le terrorisme paie » après les attaques sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre, s’est emporté le ministre israélien des affaires étrangères, Israël Katz.

De son côté, le Hamas a salué lui une « étape importante », tandis que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a parlé de « moments historiques ». Mais concrètement, dans la situation actuelle, que change la reconnaissance de la Palestine par ces trois pays ?

Une simple portée symbolique, mais qui a son importance

En soi, « cette annonce, seule, reste d’une portée limitée », juge Hugh Lovatt, spécialiste du Proche-Orient au Conseil européen des affaires étrangères, cité par Le Monde. « Ce n’est pas en reconnaissant un État qu’on crée un État », abonde en ce sens Douglas Proudfoot, ancien ambassadeur du Canada à Ramallah en Cisjordanie occupée, auprès de Radio-Canada.

Mais l’initiative n’a rien d’inutile, au contraire. « La reconnaissance de l’État de la Palestine est purement symbolique. Ceci dit, parfois, les symboles sont très importants », souligne l’ancien ambassadeur du Canada qui précise que cela vient mettre une certaine pression sur Israël. En plus de lui faire comprendre que « la patience a des limites ».

La reconnaissance d’un État palestinien par Dublin, Madrid et Oslo est également un nouveau revers pour Tel Aviv qui les enchaîne ces dernières semaines. Elle intervient douze jours après le vote par l’Assemblée générale des Nations unies d’une résolution demandant de faire de la Palestine un État membre à part entière de l’ONU. Mais aussi quelques jours après la demande du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’un mandat d’arrêt Benyamin Netanyahu, et son ministre de la défense, ainsi que contre trois dirigeants du Hamas.

Une récompense faite au Hamas et au terrorisme ?

En ce qui concerne les accusations d’Israël qui évoque une récompense faite au Hamas et au terrorisme, elle n’est pas fondée selon le politologue Sami Aoun. Cité par Radio-Canada, il estime qu’une reconnaissance d’un État palestinien va surtout mettre le Hamas dans l’embarras, même si celui-ci a bien entendu salué la décision ce 22 mai.

En effet, cette reconnaissance relance l’idée de la solution à deux États, palestinien et israélien, plaidée notamment par les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Jordanie et l’Égypte. Or selon Sami Aoun, le mouvement islamiste « veut une longue trêve avec les Israéliens, mais refuse toujours de reconnaître Israël en tant qu’État ». Ainsi, « le Hamas va être coincé si un État palestinien est officiellement reconnu par la communauté internationale », estime-t-il.

Ceux qui disent que cette reconnaissance de l’État palestinien va profiter au Hamas ont « faux », assure aussi l’ancien ambassadeur Douglas Proudfoot à Radio-Canada qui estime que « les gens qui disent ça ne comprennent rien à la situation ».

La reconnaissance de l’État palestinien dans le monde

À ce jour, 139 pays sur les 193 États membres de l’ONU, principalement des pays arabes, mais aussi asiatiques, africains et sud-américains, reconnaissent l’État de la Palestine avec Jérusalem-Est comme capitale.

Dans l’Union européenne, à part la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie et Chypre qui l’avaient fait avant de rejoindre le bloc, seule la Suède, qui compte une importante communauté palestinienne, l’a fait en 2014.

Les États-Unis, le Canada, l’Australie et plusieurs pays de l’Europe de l’Ouest dont l’Allemagne, ainsi que la Corée du Sud et le Japon ne reconnaissent quant à eux pas l’État de la Palestine, mais entretiennent quand même des relations diplomatiques avec l’Autorité palestinienne.

« Pas un tabou » pour la France

Quant à la France, le ministre français des Affaires étrangères a estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour que Paris suive l’Espagne et l’Irlande. Paris a franchi en février un pas diplomatique notable en évoquant la possibilité d’une reconnaissance unilatérale en l’absence de volonté israélienne d’aboutir à une solution à deux États par des négociations.

« Cette décision doit être utile, c’est-à-dire permettre une avancée décisive sur le plan politique » et ne pas relever « seulement d’une question symbolique ou d’un enjeu de positionnement politique », a affirmé Stéphane Séjourné dans une déclaration écrite à l’AFP.

« La reconnaissance d’un État palestinien n’est pas un tabou pour la France, avait assuré Emmanuel Macron le 16 février en recevant à l’Élysée le roi Abdallah II de Jordanie. Nous le devons aux Palestiniens, dont les aspirations ont été trop longtemps piétinées. Nous le devons aux Israéliens, qui ont vécu le plus grand massacre antisémite de notre siècle. »

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