Résultats législatives: le RN en tête, la gauche appelle à faire barrage... ce qu'il faut retenir du premier tour

Un électeur sur trois a voté pour l'extrême droite. Plus de dix millions de Français ont voté ce dimanche 30 juin pour un candidat soutenu par le Rassemblement national lors du premier tour des élections législatives, plaçant le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella aux portes du pouvoir. Une première dans l'histoire de la République.

• Une vague d'extrême droite sur tout le pays

La forte participation pour ce scrutin (plus de 67,5%) a donc profité au RN (33%). ll double son score par rapport aux législatives de 2022 et progresse dans la quasi-totalité des départements. "La démocratie a parlé", a déclaré Marine Le Pen, quelques minutes après l'annonce des résultats.

"Les Français ont témoigné de leur volonté de tourner la page avec 7 ans de pouvoir méprisant et corrosif", a-t-elle lancé depuis Hénin-Beaumont. Jordan Bardella, qui entend être à Matignon dans une semaine, affirme qu'il sera "le Premier ministre de tous les Français".

Il dit également vouloir être "un Premier ministre de cohabitation, respectueux de la Constitution et de la fonction du président de la République mais intransigeant sur la politique que nous mettrons en œuvre".

Jamais l'extrême droite n'a été aussi proche du pouvoir depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le régime de Vichy.

• Le Nouveau Front populaire résiste, Ensemble distancé

Derrière le Rassemblement national, le Nouveau Front populaire devient la deuxième force politique du pays. La coalition de gauche, formée en urgence après la dissolution, obtient 28% des suffrages. Un chiffre qui cache de fortes disparités: si certains députés sortants sont réélus dans des circonscriptions urbaines, d'autres ne se qualifient pas ou sont battus dès le premier tour.

C'est le cas de Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste Français, battu par le RN dans la 20ème circonscription du Nord. Non loin de là, le communiste Jean-Marc Tellier est aussi battu dans le Pas-de-Calais par le Rassemblement national. Dans la Somme, François Ruffin est lui en ballotage défavorable.

Du côté du camp présidentiel, la coaliton Ensemble pour la République est distancée au niveau national avec 22% des suffrages et qualifie ses candidats dans environ 300 circonscriptions, selon le Premier ministre Gabriel Attal.

Le locataire de Matigon, qui ne sera sans doute pas reconduit à son poste mi-juillet, a par ailleurs suspendu la mise en œuvre de la réforme de l'assurance-chômage, a-t-on appris ce dimanche. "Il s'agit du premier acte de Gabriel Attal dans l'esprit (de) futures majorités de projets et d'idées qu'il a évoquées ce soir", a expliqué son entourage.

• Le barrage s'organise, la droite ne donne pas de consigne

Dès 20 heures, le choc des résultats du premier tour a poussé la gauche à donner une consigne claire pour le dimanche 7 juillet: "Pas une voix, pas un siège de plus au Rassemblement national", a lancé Jean-Luc Mélenchon lors d'une adresse à la presse. Une consigne partagée par tous les composantes du Nouveau Front populaire, qui appellent au désistement républicain si leurs candidats sont en troisième position, derrière Ensemble et le Rassemblement national.

"Nous ne pouvons pas laisser le pouvoir à l'extrême droite", a abondé sur BFMTV le Premier secrétaire du PS Olivier Faure, réélu dès le premier tour dans sa circonscription de Seine-et-Marne.

En revanche, les composantes du "bloc central" ne sont pas aussi claires. Les Républicains ont refusé de donner une consigne de vote en cas d'affrontement avec le RN. "Aucune voix ne doit se porter sur les candidats du Rassemblement national ou de La France insoumise", a déclaré dans la soirée Edouard Philippe, ancien premier ministre et chef d'Horizons, parti allié à Emmanuel Macron.

Des propos qui ressemblent à ceux d'Aurore Bergé: "Je ne retire pas un mot de ce que j'ai dit, ni face à l'extrême droite, ni face à l'extrême gauche."

Le président de la République appelle lui à un "large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour". "Aucune voix pour le Rassemblement national" a déclaré sur BFMTV, la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, tout en disant que "les retours de chaque circonscription" sont étudiés. "Notre objectif est clair, empêcher le Rassemblement national d'avoir une majorité absolue au second tour", a aussi affirmé le Premier ministre Gabriel Attal.

• Des dizaines de députés élus dès le premier tour

Avant même de penser au second tour, plusieurs candidats ont été élus dès ce dimanche 30 juin. Dans les Hauts-de-France, Marine Le Pen est ainsi arrivée en tête avec plus de 60% dans la 11ème circonscription du Pas-de-Calais. En Polynésie Française, l'autonomiste de centre droit Moerani Frébault a battu le député indépendantiste sortant Tematai Le Gayic.

À gauche, le Nouveau Front populaire a fait élire ce dimanche plusieurs députés, comme Marie-Charlotte Garin dans le Rhône ou encore Sarah Legrain à Paris.

Ce dimanche 30 juin, au moins 74 candidats ont été élus dès le premier tour, en majorité du Rassemblement national.

• Âge, diplômes, revenus... Comment ont voté les Français

Une enquête de l'institut Ipsos souligne que le RN a su "diversifier" et "élargir" son électorat. En particulier chez les électeurs ayant un niveau de revenu supérieur à 3.000 euros par mois. Ils sont 32% à avoir voté pour le parti d'extrême droite et ses alliés, contre 15% en 2022.

En revanche, les jeunes continuent de plébisciter la gauche: 48% des 18-24 ans ont voté pour la Nouveau Front populaire, devant le Rassemblement national (33%). Loin derrière, Ensemble et Les Républicains obtiennent 9% sur cette tranche d'âge.

La coalition présidentielle semble être distancée dans toutes les catégories professionnelles, effectuant ses meilleurs scores chez les retraités (29%) et les personnes âgées de 70 ans et plus.

• Quelle composition de l'Assemblée nationale?

À partir des résultats du premier tour, l'institut Elabe estime que le Rassemblement national pourrait obtenir entre 255 et 295 sièges, et donc avoir une solide majorité relative, voire absolue. En deuxième force politique suivrait le Nouveau Front populaire, entre 120 et 140 sièges.

Ensemble, qui comptait 245 députés avant la dissolution, en perdrait au moins une centaine, et n'aurait plus que 90 à 125 sièges. Quant aux Républicains et élus divers droite, ils seraient entre 35 et 45.

À ce stade, il n'est pas encore possible de déterminer si le groupe d'élus indépendants LIOT pourra se maintenir. Tout comme, au sein du Nouveau Front populaire, le groupe qui rassemble les élus communistes et où siégeait Fabien Roussel, le groupe GDR, fondé en 1924 sous la Troisième République.

Attention toutefois, ces projections en sièges sont à prendre avec prudence. Les désistements attendus dans de nombreuses circonscriptions et les appels au vote contre le Rassemblement national pourraient faire évoluer les rapports de force. "La majorité absolue n'est pas acquise pour le RN, [il est probable] même qu'il ne l'obtienne pas", résumait sur le plateau de BFMTV Bernard Sananès de l'institut Elabe. Si l'extrême droite est aux portes du pouvoir, elle n'en a donc pas encore les clés.

Article original publié sur BFMTV.com