Missak Manouchian, Robert Badinter... Qui décide qui entre au Panthéon?

80 ans jour pour jour après son exécution par les nazis au Mont-Valérien, Missak Manouchian fait son entrée au Panthéon ce mercredi 21 février. La "panthéonisation" de ce résistant arménien mort en apatride, aux côtés d'une plaque pour ses 23 camarades exécutés le même jour, est un hommage aux résistants étrangers et communistes, une première.

Après Simone Veil, Maurice Genevoix et Joséphine Baker, Missak Manouchian est la quatrième figure à entrer dans le monument aux "grands hommes" depuis le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. En effet, c'est le président de la République qui décide.

"Missak Manouchian porte une part de notre grandeur", avait déclaré l'Elysée en juin dernier, au moment d'annoncer cette panthéonisation.

Volonté présidentielle

Comme le rappelle Le Monde, lorsque l'édifice est devenu laïc sous la Révolution française, c'était l'Assemblée constituante puis la Convention qui prenaient les décisions d'inhumer des personnalités au Panthéon. En 1791, le révolutionnaire Mirabeau était le premier à y entrer, avant d'en être exclu trois années plus tard. Sous l'empire, Napoléon s'est arrogé ce droit avant qu'il ne revienne aux députés en 1885.

Depuis 1958 et l'avènement de la Ve République et du régime présidentiel, cette décision revient au chef de l'État. Cela se déroule "sur décret pris en Conseil des ministres et signé par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre en charge de la culture", peut-on ainsi lire sur le site vie-publique.

Toutefois, aucun texte ne régit les panthéonisations. "Quand des députés socialistes avaient proposé de faire entrer Jean Moulin au Panthéon, De Gaulle et les services de l'Etat avaient rappelé à l'Assemblée qu'elle n'avait plus à se prononcer sur qui y entre", raconte ainsi à France Culture Patrick Garcia, historien à l’université de Cergy-Pontoise.

"Quand le président décide, le ministère de la Culture, qui est chargé d'organiser la panthéonisation, est obligé d'appliquer", poursuit le spécialiste, qui indique que Jacques Toubon, ministre de la Culture, avait voulu s'opposer au souhait de François Mitterrand de panthéoniser Marie Curie "mais le Conseil d'État s'était prononcé et il n'y avait aucun moyen d'empêcher le président Mitterrand de procéder à la panthéonisation".

Camus, Badinter, Halimi...

La seule chose qui peut empêcher la volonté présidentielle est néanmoins le souhait de la famille de la personnalité. À titre d'illustration, en 2009, Nicolas Sarkozy voulait transférer les restes d'Albert Camus au Panthéon mais, craignant une "récupération" par le chef de l'État et dénonçant un "contresens", son fils s'y était opposé.

D'autres figures qui pourraient remplir les critères pour y reposer ont d'elles-mêmes refusé, à l'instar du général de Gaulle qui avait de son vivant exprimé le choix d'être enterré à Colombey-les-Deux-Églises, aux côtés de sa fille.

En outre, il est également possible d'être "panthéonisé" mais sans y être inhumé. C'est le cas d'Aimé Césaire, comme l'indique Le Monde, inhumé à Fort-de-France et qui a une plaque et une fresque au Panthéon, ou de Joséphine Baker, dont le corps est toujours au cimetière de Monaco.

Le mercredi 14 février, Emmanuel Macron a déclaré lors de l'hommage national à l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter, que son "nom devra s'inscrire" au Panthéon. On ignore encore si le seul nom de Robert Badinter sera inscrit au Panthéon avec une plaque ou si sa dépouille y sera transférée. "Toutes les options sont sur la table", a indiqué l'Élysée à BFMTV.

Depuis sa mort en 2020, de nombreuses voix demandent l'entrée au Panthéon de l'avocate féministe Gisèle Halimi, sans que, pour l'heure, le chef de l'État n'y réponde favorablement.

Article original publié sur BFMTV.com