Législatives : majorité absolue, relative, cohabitation... Les règles à connaitre pour tout comprendre

Le scénario est plus incertain que jamais sur la couleur politique de la future assemblée, à l'issue du second tour des législatives, le 7 juillet.

La couleur politique de la future assemblée est très incertaine (Photo by Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)
La couleur politique de la future assemblée est très incertaine (Photo by Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)

Le flou est total à quelques jours du second tour des élections législatives, sur les groupes qui domineront l'assemblée. Selon la majorité des scénarios des projections réalisées par différents instituts de sondage, le Rassemblement national pourrait avoir une majorité relative. Mais la possibilité d'une majorité absolue, soit 289 sièges ou plus, n'est pas exclue.

Si une autre alliance que "Ensemble!" arrive en tête au soir du second tour, alors il y aura une cohabitation. Un scénario plus que probable au vu des sondages, toutes les projections faisant d'"Ensemble!" la troisième force politique du pays, derrière le Rassemblement national et le Nouveau Front Populaire.

Très peu probable au vu des derniers sondages, il serait le scénario le plus simple. La majorité actuelle Ensemble! (Renaissance, Modem, UDI, Horizons) remporte au moins 289 sièges à l'issue du second tour du 7 juillet. Dans ce cas, Emmanuel Macron conserve Gabriel Attal comme Premier ministre et peut continuer à gouverner, renforcé par une majorité absolue, qui le sort de la situation qui prévalait depuis 2022, où il gouvernait avec une majorité relative.

Autre possibilité, comme le souhaite par exemple Édouard Philippe, une nouvelle majorité émerge, composée de ralliements venus d'autres partis comme LR ou le PS parmi les plus souvent cités, ce qui permet au chef de l'État de nommer un Premier ministre issu de cette nouvelle majorité qui pourra choisir un gouvernement sans membre de l'opposition.

Dans ces deux cas, Emmanuel Macron peut appliquer sa politique, les oppositions n'ayant pas suffisamment de voix à l'Assemblée pour empêcher l'adoption d'une loi, ou sans craindre que le gouvernement ne soit renversé par une motion de censure.

Ce serait le statu quo. S'il est très peu probable au vu des derniers sondages, il faudrait que la majorité présidentielle emporte le plus de sièges à l'issue du second tour, sans toutefois avoir de majorité absolue. Dans ce cas, la situation serait la même qu'avant la dissolution, avec une capacité de gouverner légèrement entravée, par le risque de ne pas avoir de majorité à l'Assemblée pour faire adopter des lois, ou le risque que le gouvernement soit renversé par une motion de censure.

Dans ce cas, Emmanuel Macron pourrait décider de maintenir en place l'actuel gouvernement dont le Premier ministre Gabriel Attal, ou d'y effectuer quelques légères modifications, à la marge.

Assez peu probable au vu des derniers sondages, il faudrait que le Rassemblement national ou le Nouveau Front Populaire remporte au moins 289 sièges à l'issue du second tour du 7 juillet. En France, le président de la République nomme traditionnellement le Premier ministre issu de la majorité parlementaire qui va ensuite composer le gouvernement.

Dans ce cas, le Premier ministre serait issu des rangs de la force politique en tête (Jordan Bardella pour le RN, ou la personnalité issue d'un vote des députés de la NFP dans l'autre cas) et nommerait un gouvernement composé de membres de sa force politique.

Le scénario d'une majorité absolue avec cohabitation rendrait difficile pour Emmanuel Macron d'appliquer ses projets politiques, car la politique appliquée est alors celle du Premier ministre et non du président de la République, puisque comme le veut la Constitution, le gouvernement "détermine et conduit la politique de la Nation". Le pouvoir serait alors dans les mains du Premier ministre.

C'est l'un des scénarios les plus flous sur l'avenir, mais en même temps le plus probable au vu des derniers sondages, celui d'une victoire du RN ou du NFP, mais avec moins de 289 postes de députés. Différents groupes politiques pourraient alors chercher des ralliements, chez LR pour le RN, du côté de l'ex-majorité pour le NFP, afin de tenter d'obtenir une majorité absolue et de pouvoir gouverner.

Mais faute de majorité absolue d'un groupe politique, Emmanuel Macron devrait alors nommer un Premier ministre sur un siège éjectable. Si le RN arrive en tête, Jordan Bardella a refusé d'être Premier ministre en cas de cohabitation. Le Premier ministre pourrait à tout moment être renversé par une motion de censure, faute de majorité à l'Assemblée. Plus la majorité relative sera faible, plus ce risque sera élevé.

Au soir du 7 juillet, les trois principaux blocs ont à peu près le même nombre de députés. Faute d'une majorité suffisante, le groupe politique arrivé en tête ne peut pas nouer d'alliances suffisantes pour voter des textes. Dans cette situation, la crise de régime se profile.

Car le gouvernement nommé ne disposerait pas d'assez de sièges pour faire passer ses projets de loi. Si certains textes pourraient être adoptés grâce à l'article 49.3 de la Constitution, il peut entraîner une motion de censure, qui aurait pour effet si elle est adoptée de forcer le gouvernement à démissionner. Une situation qui pourrait se répéter à la nomination de chaque gouvernement, puisque l'Assemblée ne peut pas être dissoute avant juillet 2025.

Si les motions de censure peuvent se multiplier durant cette année, chaque député ne peut plus signer (hors motions de censures déposées en réponse à un engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte) que trois motions de censure par session parlementaire ordinaire, et une par session extraordinaire. Pour être recevable, une motion de censure doit être signée par au moins 58 députés. Autre solution face à cette crise, la démission d'Emmanuel Macron, hypothèse qu'il a lui-même rejetée.

Face à ce blocage, "les partis politiques pourraient consentir à la mise en place d’un gouvernement technique", c'est-à-dire apolitique, et chargé de gérer les affaires courantes "dans l’attente d’une nouvelle dissolution possible à partir de juillet 2025, ou d’une nouvelle élection présidentielle", analyse le politologue Benjamin Morel pour Public Sénat. Une pratique courante en Italie notamment, mais peu évidente en France.

Les scénarios de cohabitation, les plus probables, sont défavorables au Premier ministre. Pour autant, Gabriel Attal n'a aucune obligation légale ou constitutionnelle à démissionner à l'issue d'élections législatives. C'est l'usage qui veut qu'il quitte son poste, tout comme l'usage voulait que le Premier ministre demande un vote de confiance à l'Assemblée, ce qu'Attal n'avait pas fait à son arrivée à Matignon.

Si Gabriel Attal décide alors de ne pas suivre l’usage, une motion de censure pourrait alors être déposée, le forçant à quitter son poste si elle est votée par une majorité de députés. Mais la première session de l'Assemblée est prévue le jeudi 18 juillet 2024. De quoi prolonger de plusieurs jours son séjour à Matignon.

L'hypothèse la plus probable si l'on se fie aux sondages, c'est donc la cohabitation avec une majorité relative. Et dans ce cas, même si Gabriel Attal annonce son départ, Emmanuel Macron n'a aucune limite de temps pour nommer un Premier ministre.

Dans ce cas, c'est un gouvernement dit "de transition" qui resterait en place, comme c'est le cas actuellement avec le maintien de l'équipe en place. Le gouvernement Attal serait dont en poste, mais uniquement pour "expédier les affaires courantes. Il fait tout ce qui a été décidé avant la dissolution, mais il ne décide rien de nouveau", explique à TF1 Info Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à l'université Lyon 3. Ce fût par exemple le cas en Belgique, ou au Liban entre 2019 et 2021. Un laps de temps durant lequel aucun projet politique n'est lancé.

En France, entre le second tour le 7 juillet et le début des Jeux olympiques le 26 juillet, le calendrier est serré, et l'hypothèse de voir le gouvernement Attal chargé d'expédier les affaires courantes dont les JO existe bel et bien, d'autant que la nomination d'un Premier ministre en cas de cohabitation avec une majorité relative peut être longue. Ce qui repousserait à septembre la nomination d'un Premier ministre, date de fin des JO. Au sein des ministères, l'hypothèse se prépare en tout cas, rapporte le média Politico.

Une fois en place, le Premier ministre n'a pas non plus de limite de temps pour proposer des noms au président pour constituer son gouvernement. D'autant que le site Vie Publique rappelle qu’en "période de cohabitation, le président de la République peut refuser de nommer certaines personnes, notamment pour les ministères ayant en charge les domaines de compétences particuliers du chef de l’État".

De quoi laisser un temps important à la force politique arrivée en tête de nouer des alliances pour aboutir à une majorité suffisamment stable pour limiter l'instabilité politique du pays.