Législatives : ancien du GUD, "covido-sceptiques", soutien de Poutine... Le RN multiplie les candidats à problèmes

Alors que les partis politiques ont dévoilé leurs candidats pour les élections législatives à venir, certains noms présentés par l'extrême droite posent question.

Jean-Lin Lacapelle, ancien du GUD et candidat RN dans le Loiret. (Photo : Robert DEYRAIL/Gamma-Rapho via Getty Images)

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le Rassemblement National (RN) ne mise pas sur des profils consensuels. Ces derniers jours, le parti arrivé en tête lors des dernières élections européennes s'affaire en vue des élections législatives anticipées, qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet prochains.

L'état-major du parti d'extrême droite a ainsi dévoilé ses candidats pour les futures élections législatives. Parmi les noms qui ont été annoncés figurent de personnalités aux accointances sulfureuses, des adeptes de théories racistes et/ou complotistes, mais aussi des individus passés par la case prison.

  • Jean-Lin Lacapelle, ancien du GUD

Candidat du RN dans la 5e circonscription du Loiret, Jean-Lin Lacapelle appartient à la fraction du parti nationaliste directement issue des milices d'extrême droite. Membre du Front National depuis les années 1980, il appartenait dans sa jeunesse à la tristement célèbre organisation étudiante Groupe Union Défense (GUD).

Au cœur de l'actualité depuis l'agression homophobe commise dimanche 9 juin par quatre personnes se revendiquant de ce groupe, le GUD pourrait d'ailleurs être très prochainement dissous. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a en tout cas affirmé à la presse qu'il allait proposer cette option à Emmanuel Macron.

Ce mercredi 19 juin, le président du RN Jordan Bardella a par ailleurs répondu par l'affirmative à une question d'une journaliste lui demandant s'il était favorable à la dissolution du GUD. Quelques jours plus tôt, le parti d'extrême droite avait pourtant investi sans broncher Jean-Lin Lacapelle, qui n'a jamais renié cette affiliation et est resté très ami avec d'autres anciens du GUD passés par le RN, comme le sulfureux Frédéric Châtillon ou Axel Loustau, père de l'un des auteurs de l'agression homophobe du 9 juin.

  • Gilles Bourdouleix et sa petite phrase sur Hitler

Membre du parti Les Républicains, Gilles Bourdouleix a été investi par le RN dans la 5e circonscription du Maine-et-Loire, dont il fut le député entre 2005 et 2017, avant d'être battu par le macroniste Denis Masséglia (réélu en 2022 et de nouveau candidat cette fois).

Maire de Cholet depuis 1995, Bourdouleix est une figure majeure de la politique locale, mais est aussi connu pour un dérapage raciste qui lui avait valu dans un premier temps une condamnation judiciaire. En 2013, au cours d’une altercation avec des gens du voyage, l'homme politique aurait affirmé à un journaliste du Courrier de l'Ouest que "Hitler n’en avait peut-être pas tué assez".

Poursuivi pour "apologie de crime contre l'humanité", Gilles Bourdouleix avait d'abord été condamné à une amende de 3000 euros avec sursis en première instance, comme le rappelle Le Monde. Après un appel de la partie civile, il avait finalement écopé d'une amende ferme du même montant, mais avait renvoyé le dossier devant la cour de cassation. En décembre 2015, cette dernière a finalement annulé la condamnation, au motif que les propos incriminés ont été tenus en off, et donc "dans des circonstances exclusives de toute volonté de les rendre publics".

  • Emmanuelle Darles et Monique Grisetti, les "covido-sceptiques"

Plusieurs candidats du RN en lice pour les législatives semblent adeptes de différentes thèses complotistes. C'est par exemple le cas de Monique Grisetti, qui se présente dans la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône. Pendant la pandémie de Covid-19, elle avait manifesté ouvertement son opposition aux vaccins et au pass sanitaire, mais aussi relayé des vidéos dénonçant le "complot mondial". Elle s'est également fait une spécialité de partager des contenus provenant de la mouvance complotiste américaine QAnon.

Dans la 1ère circonscription de la Vienne, le parti d'extrême droite a confié l'investiture à Emmanuelle Darles, figure majeure du "covido-scepticisme" en France. Si son cursus universitaire (doctorat en informatique) n'a strictement aucun rapport avec la médecine, elle n'en finit plus, depuis 2021, de dénoncer les dangers des vaccins contre le Covid-19, comme le rapporte le site Conspiracy Watch. En 2022, le "docteur" Emmanuelle Darles avait même établi un parallèle plus que douteux entre la vaccination des enfants et le viol.

Parmi les candidats RN entretenant des liens troubles avec la sphère complotiste, citons également Jonathan Rivière, qui a récupéré l'investiture dans la 4e circonscription de La Réunion. Parmi les théories fumeuses relayées sur son compte Facebook, on trouve quelques grands classiques ("l'homme n'a jamais marché sur la Lune", "la CIA a organisé le 11 septembre"), mais aussi des choses plus récentes et très à la mode, comme la fake news sur la transidentité de Brigitte Macron.

  • Nathalie Aubert et Marie-Christine Sorin, dérapages racistes sur les réseaux

D'autres candidats se sont fait remarquer par certains discours ou partages pour le moins douteux sur les réseaux sociaux. Ainsi, la conseillère régionale du Grand Est Nathalie Aubert, investie dans la 2e circonscription du Haut-Rhin, a republié en 2023 un montage ironisant sur le sort des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée, accompagné d'un emoji hilare.

Plus récemment encore, en janvier 2024, c'est cette fois Marie-Christine Sorin qui s'est fait remarquer avec un post publié sur X (anciennement Twitter), dans lequel elle affirme : "Non, toutes les civilisations ne se valent pas, celles qui n'ont aucun humanisme et ne respectent pas les femmes au nom d'une religion sont juste restées au-dessous de la bestialité dans la chaîne de l'évolution". Selon Libération, cette candidate aurait également évoqué en juin 2023 un "terrorisme climatique" au sujet du traitement des questions environnementales sur France Télévisions.

  • Joseph Martin embarrasse Bardella

On reste dans les dérapages en ligne avec le cas de Joseph Martin, candidat du RN dans la 1ère circonscription du Morbihan. En 2018, ce dernier avait tweeté une phrase cryptique, aux forts relents antisémites : "Le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah".

Comme le signalent plusieurs comptes Twitter, cette publication est restée en ligne pendant plusieurs années, sans que cela semble poser problème au principal intéressé, ni à sa famille politique. Abondamment relayé sur X ces derniers jours, le message embarrasse désormais jusqu'au sommet du parti d'extrême droite. Ce mercredi 19 juin, Jordan Bardella a ainsi affirmé "qu’en cas d’élection, Joseph Martin ne siégera pas dans le groupe RN".

  • Christophe Barthès, Frédéric Falcon et Julien Rancoule et le slogan misogyne

En 2022, le RN avait fait carton plein dans l'Aude en raflant les trois circonscriptions. À l'occasion des législatives anticipées, Christophe Barthès, Frédéric Falcon et Julien Rancoule se représentent donc logiquement, respectivement dans les 1ère, 2e et 3e circonscriptions du département occitan.

Un "bad buzz" survenu il y a quelques mois pourrait toutefois perturber la campagne des trois élus d'extrême droite. Pendant le mouvement social des agriculteurs en janvier dernier, ces députés s'étaient rendus sur un barrage à Narbonne et avaient posé fièrement devant un panneau portant le slogan : "Va faire la soupe salope", apparemment en référence à un propos misogyne lancé par un agriculteur à Marine Tondelier et Sandrine Rousseau, figures du parti Les Ecologistes-EELV.

Julien Rancoule avait ensuit posté la photo en question sur son compte Twitter, déclenchant un tollé. Sous la pression de la polémique, le député de la 3e circonscription a fini par supprimer la publication. Son collègue de la 2e circonscription, Frédéric Falcon, s'est pour la part fendu d'un message d'excuse sur X.

  • Guillaume Bigot, du petit écran à l'Assemblée nationale ?

L'un des noms les plus emblématiques lancés dans la campagne par le RN est celui du chroniqueur de CNews Guillaume Bigot, qui sera le candidat du RN dans la 2e circonscription du Territoire de Belfort. Depuis quelques années déjà, ce journaliste et essayiste est un intervenant régulier sur la chaîne d'info de Vincent Bolloré, avec quelques polémiques à son actif. Guillaume Bigot avait notamment indigné la classe politique suite à une sortie sexiste, en qualifiant Sandrine Rousseau de “Greta Thunberg ménopausée”.

Formé à Sciences Po Paris, Guillaume Bigot a entretenu des liens étroits avec le monde politique tout au long de sa carrière professionnelle, à gauche comme à droite. Soutien de Jean-Pierre Chevènement en 2002, il est ensuite nommé par Charles Pasqua à la tête du Pôle universitaire De Vinci (établissement surnommé "Fac Pasqua").

Ces dernières années, il s'est cependant positionné de plus en plus à l'extrême droite, comme en témoignent ses éditoriaux et ses prises de paroles sur Sud Radio et CNews, ou dans la revue Front Populaire. Se réclamant du souverainisme, Bigot a même co-fondé en 2021 le parti politique France Souveraine, qu'il a dirigé jusqu'en novembre dernier.

  • Pierre Gentillet, "poutinophile" convaincu

Lui aussi habitué des plateaux de CNews ou de C8, où il est invité à s'exprimer sur des sujets géopolitiques, Pierre Gentillet sera le candidat du RN dans la 3e circonscription du Cher. Passé par l'UMP et le mouvement de la Droite Populaire, cet avocat est surtout depuis longtemps un fervent partisan de Vladimir Poutine, comme le prouve ces tweets publiés en 2018 et 2020.

Il s'était fait connaître médiatiquement en 2015, avec un texte censé défaire les idées reçues autour de "la Russie de Poutine". Il a ensuite travaillé pour la chaîne Russia Today, est devenu membre du bureau de l'association Dialogue franco-russe et a même fondé le Cercle Pouchkine dans le but de "fédérer les jeunes pousses des milieux économiques, politiques, culturels et associatifs pour un rapprochement France-Russie".

Ce groupe de réflexion a cessé ses activités en 2021 en raison de la guerre en Ukraine, mais cette dernière n'a en revanche pas vraiment empêché Pierre Gentillet de continuer de porter la parole poutinienne, notamment sur les antennes du groupe Bolloré, comme en témoigne la séquence ci-dessous, datant de 2022.

  • Sébastien Soulé, policier emprisonné, puis relaxé

D'après une information de Var Matin, le RN a décidé d'investir Sébastien Soulé dans la 1ère circonscription du Var. Peu connu du grand public, ce dernier est l’un des policiers ayant inspiré le film à succès Bac Nord, réalisé par Cédric Jimenez. Un long métrage qui avait d'ailleurs été acclamé, à l'époque de sa sortie en 2021, par les pontes du RN, à commencer par Marine Le Pen.

Soupçonné avec plusieurs collègues de corruption, racket, trafic de drogue et enrichissement personnel après que des sachets de cannabis furent retrouvés dans les faux plafonds et placards du commissariat où il exerçait, Sébastien Soulé a passé 4 jours en garde à vue et 69 jours en détention avant d'être finalement totalement relaxé par la justice.

  • Agnès Marion et les transfuges de Reconquête

Marqué par la grande coalition à gauche, ce début de campagne électorale donne également lieu à d'intenses guerres de pouvoir et de territoire à droite, mais aussi à l'extrême droite. Ainsi, après la défection de sa candidate aux européennes Marion Maréchal, qui a publiquement appelé à voter RN, le parti Reconquête d'Eric Zemmour semble au bord de l'implosion.

D'après le JDD, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen va en effet emmener avec elle quelques uns de ses proches, figurant parmi les forces vives de l'autre principal parti d'extrême droite. L'hebdomadaire annonce ainsi que les ex-Reconquête Agnès Marion (7e sur la liste européenne du parti), Thibaut Monnier (directeur général de l’Issep, l'école de science politique fondée par Marion Maréchal), Anne Sicard et Eddy Casterman se présenteront aux élections législatives sous la bannière RN.

  • Frédéric Boccaletti et Laure Lavalette, sortants à scandale

Parmi les 90 députés que comptait le groupe Rassemblement National à l'Assemblée nationale avant la dissolution, une grande majorité devrait être amenée à se présenter de nouveau pour les élections à venir. Parmi ces élus figurent toutefois certaines personnalités controversées, de par leur passé judiciaire ou leur positionnement idéologique.

Élu en 2022 dans la 7e circonscription du Var, Frédéric Boccaletti a d'ores et déjà annoncé qu'il serait de nouveau le candidat du RN cette année. Adhérent historique du FN (ancêtre du RN, qu'il a rejoint dans les années 1990), également passé par le MNR de Bruno Mégret, Boccaletti a notamment été condamné en 2000 à un an de prison dont six mois ferme pour "violence en réunion avec arme". Il a également tenu pendant quelques années une librairie d'extrême droite à Toulon. L'établissement a toutefois mis la clé sous la porte après des accusations de négationnisme.

Très présente sur les plateaux de télévision ces dernières années, et encore plus depuis dimanche dernier, la porte-parole du RN Laure Lavalette exerçait pour sa part la fonction de députée dans la 2e circonscription du Var et devrait en toute logique être candidate à sa propre succession. Elle aussi adhérente de longue date du Front National (depuis 1995), elle est notamment connue pour avoir milité contre le droit à l'avortement. En 2014, alors candidate aux municipales à Toulon, Laure Lavalette avait ainsi soutenu la démarche de l'association "Choisir la vie", qui appelait les élus municipaux à signer "des engagements fondamentaux" pour "le respect de la vie".