Brigitte Macron, femme transgenre : cette fausse information au cœur d’un procès à Paris

Deux femmes sont jugées pour avoir diffusé une théorie complotiste, selon laquelle Brigitte Trogneux serait née homme, sous l’identité de Jean-Michel Trogneux.

JUSTICE - C’est une histoire de « fadas », dirait Emmanuel Macron. Mais l’histoire en question a fait son chemin jusqu’au tribunal judiciaire de Paris. Deux femmes sont jugées ce mercredi 19 juin après-midi pour avoir participé à propager sur Internet la rumeur selon laquelle Brigitte Macron serait une femme trans. Cette théorie, régulièrement partagée sur les réseaux sociaux depuis l’élection du président de la République en 2017, a trouvé un nouvel écho ces dernières années.

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Plus précisément depuis le 10 décembre 2021 et la diffusion sur YouTube d’une vidéo, au cœur de ce procès pour diffamation devant le tribunal correctionnel. Au début de cet entretien, une femme se présentant comme une « médium » et se faisant appeler Amandine Roy donne « rendez-vous avec la vérité » à ses spectateurs. Elle a convié Natacha Rey, présentée comme une « journaliste qui a enquêté pendant trois longues années sur le cas Brigitte Macron » et donnant ici sa « première interview ».

Pendant plus de quatre heures, cette dernière présente sa théorie, dans laquelle elle s’est plongée après avoir observé « l’étrangeté du physique » de la Première dame et « la version officielle du récit de sa vie passée, qui comporte un grand nombre d’anomalies ». En s’appuyant sur des photos de famille de celle-ci, Natacha Rey explique que Brigitte Macron, née Trogneux, n’aurait jamais existé et ne serait pas la mère de ses trois enfants. Elle serait en fait née homme, sous l’identité de Jean-Michel Trogneux, le nom du frère de Brigitte Macron. Le président de la République cacherait donc avoir épousé une femme trans, ayant subi des interventions chirurgicales.

Sans surprise, la Première dame ne se rendra pas à l’audience, ni son frère Jean-Michel Trogneux, qui a également déposé plainte pour diffamation. « C’est odieux, pour elle et pour ses enfants, déplore Me Jean Ennochi, avocat de Brigitte Macron, contacté par Le HuffPost. « On dit que son ex-mari [André-Louis Auzière, ndlr] n’est jamais né. Elle non plus ne serait jamais née. Mais comment auraient-ils pu se marier ou se présenter devant un juge pour divorcer ? Sont-ils deux comédiens ? Tous les actes d’état civil sont-ils faux ? »

Le procès, qui devait avoir lieu en mars 2025, a été avancé à la demande de l’avocat. « Je souhaitais que l’on puisse plaider plus tôt compte tenu de la recrudescence » de la rumeur en ligne, justifie-t-il, évoquant une « nouvelle campagne, notamment aux États-Unis ». En pleine présidentielle outre-Atlantique, la théorie aux relents sexistes et transphobes est en effet partagée actuellement par l’extrême droite américaine, notamment par la voix de la très conservatrice Candace Owens, proche de Donald Trump.

L’avocat de Natacha Rey, Me François Danglehant, voit dans cette demande d’avancer l’audience un « procédé un peu cavalier ». « Madame Trogneux et Jean-Michel Trogneux pensent pouvoir faire taire une rumeur au moyen d’une procédure. Mais c’est grotesque, car en France les gens n’ont plus tellement confiance en la justice », estime-t-il auprès du HuffPost.

Sa cliente, qui encourt jusqu’à 1 200 euros d’amende pour diffamation par voie électronique, ne sera pas non plus présente au procès. Son avocat la représentera et plaidera notamment la nullité de la procédure, estimant que le dossier ne s’appuie pas sur des phrases directement prononcées par sa cliente dans la vidéo mais sur des « notes de synthèse fabriquées par les parties civiles dans le goût de Natacha Rey », c’est-à-dire des interprétations de ce qu’elle a pu dire.

« On touche à la généalogie de mes parents »

La rumeur, accompagnée sur les réseaux sociaux des mots-clés #JeanMichelTrogneux ou #BrigitteGate, a pu se décliner en accusations de pédocriminalité portées contre la Première dame. Des allégations si graves qu’Emmanuel Macron avait lui-même réagi, le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. « Les pires des choses, ce sont les fausses informations et les scénarios montés avec des gens qui finissent par y croire et qui vous bousculent dans votre intimité », avait-il regretté, qualifiant les colporteurs de cette théorie de « fadas ».

« Si je ne fais rien alors que cela fait quatre ans que je suis contre le harcèlement, je ne suis pas audible », avait de son côté expliqué Brigitte Macron sur RTL en janvier 2022, deux semaines avant de déposer plainte. « Au début, j’ai regardé cela d’un petit peu loin. Et puis à un moment donné, je me suis rendu compte qu’ils étaient en train de bouleverser ma généalogie […] J’étais mon frère. Là, on touche à la généalogie de mes parents », avait témoigné la Première dame, ancienne professeure, engagée contre le harcèlement à l’école.

Plusieurs femmes politiques ont fait les frais de fausses informations du même genre, comme l’ex-Première dame des États-Unis Michelle Obama. Dans L’affaire Madame : Anatomie d’une fake news, un livre consacré à la rumeur sur Brigitte Macron, la journaliste Emmanuelle Anizon pointe la « récupération politique » entourant cette théorie. « Ça touche le sommet de l’État et tout ce qui est lié aux élites et au sommet de l’État. Il y a une défiance absolument extrême, et là, on touche à la première dame. Donc ça éveille immédiatement l’intérêt », a-t-elle expliqué à franceinfo.

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