Législatives: Pourquoi on peut s'attendre à un nombre important de "triangulaires"
Record à battre: 1997, avec 76 triangulaires au second tour. Lors des dernières élections législatives, les "triangulaires" se sont faites très rares. En 2017, seule une circonscription était dans ce cas tandis qu'en 2022, on en comptait à peine huit. Mais cette tendance pourrait changer à l'occasion des élections législatives anticipées prévues les 30 juin et 7 juillet prochains.
S'il appelle à "la prudence" sur les projections, le politologue Bruno Cautrès met en avant plusieurs facteurs: "la hausse de participation", "le fait qu'il y ait moins de candidats" et "la concentration des votes" sur trois camps, "la gauche, le Rassemblement national et la majorité présidentielle." Tous les éléments sont réunis pour avoir, en théorie, des triangulaires en nombre.
Afin de comprendre l'effet de la participation, il faut avoir en tête les règles du scrutin. Pour être élu député, un candidat doit obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés et au moins un quart des voix des électeurs inscrits. Si personne ne remplit ces conditions, un second tour est organisé. 12,5% des voix des inscrits sont nécessaires pour y accéder.
Un seuil de qualification qui pourrait être plus bas
Dans ce cas, les fameuses triangulaires peuvent se former, selon la mobilisation des électeurs. Selon un sondage Elabe pour BFMTV et la Tribune Dimanche, publié le 22 juin, 60% des personnes inscrites sur les listes électorales se disent "tout à fait certaines d’aller voter", et 11% "l'envisagent sérieusement". Un niveau nettement supérieur à celui mesuré aux élections législatives 2022, à période comparable (57%, soit +14 points).
Conséquence directe: la potentielle "hausse de la participation va abaisser le seuil de qualification", indique Bruno Cautrès.
Mais ce n'est pas tout. La baisse du nombre de candidats entraînera également "moins d'éparpillement de votes", note le chercheur du Cevipof. Cette année, ils sont 4.011 sur la ligne de départ contre 6.290 en 2022.
Dernier élément pouvant favoriser des triangulaires: la concentration des votes sur trois blocs, évoqués plus haut. Cette tripartition du paysage politique est loin d'être "inédite", selon Bruno Cautrès.
Le RN gagnant d'une hausse du nombre de triangulaires?
En 1997, les élections législatives anticipées avaient battu un record de triangulaire. A l'époque, 76 circonscriptions avaient eu à choisir entre trois candidats au second tour. Ce qui avait largement contribué à la défaite de la droite, avec les nombreux maintients des candidats du Front national au second tour.
Reste une question: si la hausse du nombre de triangulaires se confirme, qui s'en retrouvera favorisé? Plutôt le RN, répondent les spécialistes. "En théorie, vous allez avoir deux types de triangulaires", explique Benjamin Morel, docteur en sciences politiques.
"L’une dans des zones qui vont être semi-urbaines, éventuellement rurales, dans lesquelles le RN sera la force la plus à même d'arriver en tête. L'autre type de triangulaire, c'est dans les milieux urbains où le RN n'a de toute façon aucune chance. Mais dans certaines villes plus petites il peut profiter de la division [de ses adversaires]."
De quoi confirmer la tendance présentée par les sondages, qui donnent l'extrême droite en tête pour ces législatives. Selon notre dernière étude Elabe, le parti à la flamme pourrait envoyer entre 250 et 280 députés à l'Assemblée nationale. Un score insuffisant pour obtenir la majorité absolue (289) mais supérieur à celui de la gauche réunie sous la bannière Nouveau Front populaire (150 à 170) et à celui de la majorité présidentielle sortante (90 à 110 députés).
La clé lors de ce vote se trouvera peut-être dans le nombre de désistements, même en cas de triangulaire théorique. Les figures du Nouveau Front populaire ont déjà annoncé qu'elles appelaient aux désistements en cas de risque d'élection pour un candidat du RN, si la gauche arrive en troisième position. Du côté des candidats soutenus par la majorité présidentielle, c'est moins clair. Cela pourrait dépendre de l'étiquette du candidat soutenu par la gauche: s'il s'agit de LFI, les désistements sont moins assurés que pour les autres.