Législatives : comment Emmanuel Macron désignera-t-il le Premier ministre à l'issue du scrutin ?

Le 9 juin, après la déroute de son parti aux élections européennes, Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée nationale. Avec le risque d'une cohabitation, si la majorité élue le 7 juillet lui est opposée.

Au Rassemblement national (RN), le choix est clair. "Bardella Premier ministre" est imprimé en gros caractères sur leurs affiches de campagne. Au sein du Nouveau Front populaire, si l'alliance remporte les élections législatives du 30 juin et 7 juillet prochains, le choix est plus incertain.

Mais dans 3 semaines, que la dissolution de l'Assemblée s'achève par la victoire ou la défaite du parti présidentiel, comment, à l'issue du scrutin, Emmanuel Macron désignera-t-il son Premier ministre?

La Constitution est claire. "Le Président de la République nomme le Premier ministre", énonce l'article 8.

Aucune consultation, ni contreseing, ou validation des parlementaires n'est requise. C'est un pouvoir propre d'Emmanuel Macron: seule sa signature, en bas du décret de nomination du locataire de Matignon publié au Journal officiel, est nécessaire.

Lorsque la majorité des députés à l'Assemblée nationale soutient la politique du président de la République - on parle alors de fait majoritaire -, le président a les mains libres. Situation connue par Emmanuel Macron entre 2017 et 2022 avec la République en Marche, devenu aujourd'hui Renaissance. Pendant tout son quinquennat, il domine largement l'hémicycle, avec plus de 350 députés élus. Quand la majorité absolue s'établit à 289 sièges.

En 2022, après sa réélection à l'Élysée, c'est la douche froide. Aux élections législatives, la majorité présidentielle perd plus d'une centaine de sièges, et sa majorité absolue. Avec 245 sièges, elle se retrouve en situation de majorité relative.

Pour autant, les groupes d'opposition ne réussissent pas à s'allier pour voter une motion de censure, et contraindre le Premier ministre à remettre la démission de son gouvernement. Emmanuel Macron a donc pu nommer Élisabeth Borne et Gabriel Attal sans difficulté. Au pouvoir depuis 7 ans, Emmanuel Macron a choisi librement ses 4 Premiers ministres:

  • Édouard Philippe, nommé en 2017, remplacé en juillet 2020, après la crise sanitaire

  • Jean Castex, nommé juillet 2020, remplacé en mai 2022, à la fin du premier quinquennat

  • Élisabeth Borne, nommée en mai 2022, après la réélection d'Emmanuel Macron, remplacée en janvier 2024

  • Gabriel Attal, nommé en janvier 2024, encore en poste aujourd'hui

Lorsque la majorité des députés élus à l'Assemblée nationale appartient à un parti d'opposition, la pratique veut que le président choisisse son Premier ministre dans le camp qui remporte les élections.

C'est la cohabitation. La pratique n'est pas prévue par la Constitution. Pour le général De Gaulle, un président qui n'obtient pas la majorité doit démissionner. Mais depuis son départ du pouvoir en 1969, la cohabitation s'est produite à 3 reprises:

  • La première fois de 1986 à 1988, entre François Mitterrand et Jacques Chirac. Le président socialiste choisit pour Matignon le chef du RPR, parti d'opposition, qui possède la majorité absolue à l'Assemblée nationale.

"Le président de la République nomme qui il veut. Il doit naturellement se placer en conformité avec la volonté populaire", explique François Mitterrand, après sa défaite aux élections législatives de 1986. Cette jurisprudence s'applique depuis.

  • La deuxième cohabitation remonte à 1993, et dure jusqu'à fin, en 1995, du second mandat de François Mitterrand. Il nomme Édouard Balladur (RPR) à Matignon. Comme comme en 1986, le socialiste aurait dû nommer Jacques Chirac. Mais après une cohabitation compliquée, le président du RPR lui impose le numéro 2 de son parti.

  • La troisième cohabitation a lieu de 1997 à 2002 entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. Élu président en 1995, Jacques Chirac décide deux ans plus tard, alors qu'il possède la majorité absolue, de dissoudre l'Assemblée nationale. Il espère un nouveau souffle, et "une majorité ressourcée", alors que la rentrée politique en septembre s'annonce compliquée. C'est un échec.

La dissolution, sujet d'intérêt de 7 à 77 ans. Mardi 18 juin, en déplacement pour des commémorations au Mont Valérien, Emmanuel Macron a expliqué à des enfants son choix de dissoudre l'Assemblée nationale, et de convoquer des élections législatives.

"Il fallait que les gens clarifient leur choix parce qu'aux européennes, ils ont beaucoup voté pour les extrêmes", a-t-il affirmé. "À l'Assemblée je n'ai qu'une majorité relative [depuis 2022], et que c'était impressionnant de désordre".

"Nous, on a besoin que ce soit clair", a avancé le chef de l'État. Pourtant, selon les dernières enquêtes d'opinion, le "clair" reste... obscur. D'après notre sondage Elabe du 12 juin, réalisé avant que l'union du Nouveau Front populaire soit scellée, le risque d'une cohabitation existe. Risque qu'il doive nommer Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, à Matignon.

Premier des intentions de vote, son parti est crédité de 31% au premier tour, devant l'alliance des partis de gauche à 28%. Distancé, le bloc Renaissance, arrive en troisième position, avec 18% des intentions de vote.

Emmanuel Macron sera-t-il le 3e président contraint de nommer un Premier ministre de cohabitation? Réponse dans les urnes le 7 juillet.

Article original publié sur BFMTV.com