Législatives 2024 : Comment expliquer la cacophonie du nouveau Front populaire sur le choix de son Premier ministre ?

Mathilde Panot, Manuel Bompard, Yannick Jadot, Olivier Faure et Fabien Roussel lors de la présentation du programme du nouveau Front Populaire le 14 juin 2024.
JULIEN DE ROSA / AFP Mathilde Panot, Manuel Bompard, Yannick Jadot, Olivier Faure et Fabien Roussel lors de la présentation du programme du nouveau Front Populaire le 14 juin 2024.

POLITIQUE - Merci de « ne pas mettre la charrue avant les bœufs ». Voici ce que martèlent ce mercredi 19 juin les écologistes Sandrine Rousseau et Marie Toussaint, quand elles sont interrogées sur la méthode de désignation d’un Premier ministre en cas de victoire de la gauche aux législatives. Mais si les composantes du Front populaire tentent de renvoyer le sujet au 7 juillet au soir, ce n’est pas seulement parce qu’elles ne sont pas assurées de l’emporter.

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Mardi 18 juin, sur BFMTV, le patron du PS Olivier Faure lance une idée : « Je souhaite que ce soit l’ensemble de celles et ceux qui formeront cette nouvelle majorité qui puissent se retrouver, ensemble, pour désigner celui ou celle qui sera le mieux placé pour répondre à la situation », explique-t-il avant d’ajouter : « oui, moi je souhaite un vote, c’est la seule façon d’arbitrer. »

Un vote ? Pourquoi pas, répond l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint sur Télématin ce mercredi 19. Mais pour elle, si vote il y a, « il doit se tenir avec les appareils mais aussi avec les organisations de la société civile qui auront envie d’y participer ». Et voilà une nouvelle donne qui se rajoute à une équation déjà compliquée.

Qu’en pense Sandrine Rousseau ? Sur Sud Radio, la députée écologiste candidate à sa réélection à Paris sourit sans réussir à masquer une certaine gêne. « Nous verrons ensemble. Je veux que ce soit collectif et consensuel. Dès le 7 juillet au soir, nous nous réunirons et nous proposerons un nom qui sera consensuel », assure-t-elle. Et de promettre : « Nous vous promettons que le Front Populaire n’explosera pas sur le nom du Premier ministre. »

« Vote » vs. « groupe parlementaire le plus important »

La précision ne doit rien au hasard. La veille, l’idée d’Olivier Faure sur le vote a fait office de pavé dans la mare… insoumise. Paul Vannier, député sortant, s’en étrangle sur X : « Olivier Faure, plutôt que d’inventer une nouvelle primaire et de renier ta propre parole, concentre-toi pour faire gagner le Nouveau Front Populaire et battre l’extrême droite », tacle-t-il.

Le candidat à sa réélection dans le Val-d’Oise fait ainsi référence à un autre mode de désignation sur la table et que les Insoumis attribuent à Olivier Faure : que le nom du potentiel Premier ministre soit proposé par « le groupe parlementaire le plus important ». Au 20 heures de France 2 le 12 juin, Jean-Luc Mélenchon est le premier à attribuer la formule à Olivier Faure. « On va rester à la formule que propose Olivier Faure qui l’a proposé sur un plateau », indique-t-il. Le fondateur de la France insoumise, qui refuse de « s’exclure » sans vouloir « s’imposer », nuance néanmoins : « Propose n’égale pas impose. Il faut qu’il y ait une discussion. »

En plaidant désormais pour un vote, Olivier Faure a-t-il donc « renié sa parole », comme l’en accuse Paul Vannier ? Chez les socialistes sondés par Le HuffPost, on peine à identifier l’intervention médiatique où l’idée du groupe majoritaire a été émise par le chef mais on n’écarte pas la possibilité qu’elle ait pu être évoquée lors de réunions de travail. « Que les insoumis s’en saisissent parce que ça les arrange… », glisse une source.

Du pain bénit pour les soutiens de Mélenchon

Effectivement, les insoumis s’en sont saisis. Sur BFMTV mardi, le coordinateur national du mouvement Manuel Bompard confirme qu’il en « reste à cette formule ». « Le groupe politique qui sera le plus nombreux exprime aussi où sera le centre de gravité de cette coalition et le Premier ministre qui est nommé doit être homogène, cohérent avec le centre de gravité programmatique de ce qu’on veut faire pour changer le pays », plaide le numéro un dans l’appareil LFI.

Ce n’est pas un hasard si les proches de Jean-Luc Mélenchon souscrivent aussi intensément à une proposition émanant du groupe parlementaire le mieux représenté. Stratégiquement, c’est même du pain bénit. Même s’ils ont renoncé à une centaine de circonscriptions par rapport à 2022, les insoumis forts de leurs 229 candidats, sont les plus susceptibles d’être ce fameux groupe « le plus important ». Ce qui leur permettrait de prendre la main sur les discussions ... et de replacer au centre du débat Jean-Luc Mélenchon. Le tout, en présentant le mode de désignation comme une idée socialiste, alors même que le nom du fondateur insoumis est rejeté par une large partie du reste de l’alliance.

« Évidemment, je soutiens le fait que ce soit Jean-Luc Mélenchon », déclare ainsi Antoine Léaument, ancien directeur de la campagne numérique de Mélenchon pendant la présidentielle. « Si on veut que le programme du Front populaire soit appliqué, la meilleure chose à faire à mon avis est de choisir comme Premier ministre celui qui s’est préparé à l’appliquer. Et pas depuis cinq jours, depuis vingt ans », justifie-t-il sur franceinfo le 18 juin.

Pourtant, les noms ne manquent pas… Le socialiste Boris Vallaud, l’insoumis François Ruffin, l’ex-chef de la CFDT Laurent Berger. Ou pourquoi pas une femme ? L’idée fait son chemin, portée par des personnalités comme Valérie Rabault (PS), Sandrine Rousseau et Marie Toussaint. « On parle beaucoup d’homme Premier ministre. J’ai la conviction qu’il y a dans nos rangs des femmes d’État, d’expérience et je souhaite que nous ne parlions pas d’un Premier ministre mais d’une Première ministre », souligne l’eurodéputée ce mercredi. En cas de victoire, le soir du 7 juillet sera aussi joyeux qu’animé - voire houleux.

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