Kenya : à Nairobi, des manifestations contre le gouvernement entraînent des scènes de chaos

INTERNATIONAL - Les projets fiscaux du gouvernement à l’origine du chaos. Une situation des plus inquiétantes se déroule ce mardi 25 juin au Kenya, où une manifestation réprimée par la police a entraîné la mort d’au moins cinq personnes et fait 31 blessés dans la capitale.

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La troisième manifestation en huit jours du mouvement baptisé Occupy Parliament (Occuper le Parlement) a dégénéré dans les rues de Nairobi. Selon les premières constatations de journalistes de l’AFP sur place, des manifestants ont forcé les barrages de police et pénétré dans l’enceinte du Parlement, occasionnant une violente réponse policière.

Le gouvernement a annoncé dans la soirée avoir fait appel à l’armée pour faire face à ces manifestations, alors que les Etats-Unis et plus d’une dizaine de pays européens se sont dits « fortement préoccupés » et ont appelé au calme. Le président kényan William Ruto s’est pour sa part engagé à réprimer fermement la « violence et l’anarchie »

Voici ce que l’on sait de la situation dans la capitale kényane, quelques jours après la constitution de ce mouvement de protestation antigouvernemental dénonçant notamment la future instauration d’une TVA de 16 % sur le pain et une taxe annuelle de 2,5 % sur les véhicules particuliers.

· Le parlement envahi

La tension est progressivement montée ce mardi dans le centre d’affaires de Nairobi où se tenait un nouveau rassemblement d’Occupy Parliament. De premiers heurts ont éclaté vers la mi-journée après que des manifestants ont progressé dans une zone abritant plusieurs bâtiments officiels. Parmi eux : le Parlement, la Cour Suprême ou la mairie de Nairobi.

Les manifestants ont ensuite forcé les barrages de la police pour pénétrer dans l’enceinte où les députés venaient d’approuver les amendements au texte, qui doit être voté d’ici le 30 juin.

L’AFP fait d’ailleurs état d’un incendie dans l’enceinte du Parlement. La police s’est servie d’un canon à eau pour éteindre les flammes dans les bureaux du gouverneur de Nairobi, selon des images diffusées par la chaîne Citizen TV.

Trois camions de l’armée ont également acheminé des renforts pour sécuriser les abords du parlement, où des dizaines de manifestants faisaient face aux forces de police. Après quelques dizaines de minutes, la police a repris le contrôle de l’enceinte du Parlement. Des images de la télévision montraient toutefois des salles saccagées, des tables renversées, des fenêtres brisées et du mobilier fumant jonchant les jardins.

Des soldats ont été déployés pour soutenir la police « en réponse à l’urgence sécuritaire causée par les violentes manifestations en cours » à travers le pays, marquées par « des destructions et intrusions dans des infrastructures cruciales », a annoncé en début de soirée le ministre de la Défense Aden Bare dans un communiqué.

· Lourd bilan humain

À en croire plusieurs ONG et journalistes présents sur les lieux, la réponse des forces de l’ordre a été particulièrement violente contre les protestataires. L’ONG Commission kényane des droits humains (KHCR) affirme avoir vu la police « tirer sur quatre manifestants, (...) tuant l’un d’entre eux ».

Un responsable d’Amnesty International Kenya, Irungu Houghton, a quant à lui fait état dans une déclaration à l’AFP de « nombreux blessés », dénonçant le « recours croissant aux balles réelles par la police » durant cette manifestation. La police a fait usage de gaz lacrymogène, canons à eau, balles en plastiques et balles réelles, selon plusieurs ONG, pour disperser les manifestants.

De leur côté, les journalistes de l’AFP dénombrent trois corps inanimés, gisant dans des mares de sang, aux abords du Parlement. Selon un premier bilan partagé dans un communiqué par plusieurs ONG dont Amnesty Kenya, « au moins cinq personnes ont été tuées par balles alors qu’elles secouraient les blessés ». Et 31 personnes ont été blessées, selon ce même bilan.

Cette situation tendue fait déjà suite à la mort de deux personnes à Nairobi lors de précédentes mobilisations. Plusieurs dizaines d’autres personnes avaient également été blessées par la police, qui a procédé à des centaines d’arrestations.

Amnesty et l’ONG KHRC ont d’ailleurs accusé les autorités de mener des enlèvements de militants. Au cours des dernières 24 heures, 21 cas d’enlèvements de personnes par des « officiers en uniforme ou en civil » ont été recensés. La porte-parole de la police, Resila Onyango, n’a pas donné suite aux sollicitations de l’AFP sur ces accusations.

· Pour un retrait intégral du texte

Lancé sur les réseaux sociaux dans la foulée de la journée du 13 juin, Occupy Parliament s’est formé en réaction à la présentation au Parlement kényan du projet de budget 2024-2025, prévoyant l’instauration de nouvelles taxes. Pour le gouvernement, ces taxes sont particulièrement nécessaires pour redonner une marge de manœuvre au pays, lourdement endetté.

D’abord porté par la Génération Z (les jeunes nés après 1997), le mouvement a rapidement pris de l’ampleur pour devenir une contestation plus large contre le président William Ruto, en poste depuis septembre 2022, et la politique de son gouvernement. Des manifestations similaires se sont aussi tenues dans plusieurs autres villes du pays ce mardi.

Le 18 juin, le gouvernement avait pourtant fait une première marche arrière sur son texte, en retirant la plupart des mesures décriées. Loin d’être suffisant pour les manifestants, qui réclament désormais le retrait intégral du texte. D’autant plus qu’ils dénoncent un tour de passe-passe du gouvernement qui envisage de compenser le retrait de certaines mesures fiscales par d’autres, notamment une hausse de 50 % des taxes sur les carburants.

Dimanche, le chef de l’État s’était dit prêt à dialoguer avec la jeunesse, sans succès.

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