Guerre Israël-Hamas : la famine, « punition collective » infligée par Tel Aviv pour la population gazaouie

Comment Israël se sert de la « stratégie de la famine » pour briser Gaza (Photo prise le 19 février à Gaza où de jeunes palestiniens attendent d’être nourris)
MOHAMMED ABED / AFP Comment Israël se sert de la « stratégie de la famine » pour briser Gaza (Photo prise le 19 février à Gaza où de jeunes palestiniens attendent d’être nourris)

GAZA - Jusqu’où ira la « punition collective » contre les réfugiés dans la bande de Gaza ? Six mois après l’offensive du Hamas contre Israël le 7 octobre et les lourdes représailles qui en découlent depuis sur les Gazaouis, difficile de qualifier l’horreur de la situation dans l’enclave où 33 000 Palestiniens ont perdu la vie, selon le Hamas.

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Alors que les camions d’aide humanitaires arrivent sur le territoire au compte-gouttes, voilà plusieurs mois que l’ONU alerte sur l’imminence de la famine à Gaza, sans que celle-ci ne soit déclarée officiellement. Pourtant tout indique que Tel Aviv a pour objectif d’affamer la population gazaouie.

« Il y a une punition collective envers le peuple gazaoui et l’utilisation de la famine contre une population est crime de guerre », martèle auprès du HuffPost Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France. Il rappelle ainsi qu’au regard du droit international, une « puissance occupante » doit s’assurer que les droits humains de la « puissance occupée » sont respectés et « doit subvenir à ses besoins ».

« On est dans une violation massive la convention de Genève », et les éléments observés à Gaza sont « constitutifs d’un crime contre l’humanité », alerte-t-il.

Dissuader l’aide humanitaire de venir à Gaza

Mais Israël semble bien déterminé à continuer sur sa lancée annihilatrice. La mort de sept membres de la World Central Kitchen dans un bombardement israélien, poussant l’organisation humanitaire à cesser toute activité à Gaza, en est le dernier indice en date. Comme le souligne L’Humanité, le bateau que les victimes venaient de décharger inaugurait la mise en place d’un corridor pour acheminer l’aide alimentaire depuis Chypre. Un second navire transportant 240 tonnes de nourritures était même prévu et devait accoster le 3 avril. Mais la WCK a décidé de lui faire rebrousser chemin à la suite de l’attaque israélienne, signant la fin de ses activités sur place.

Le bombardement meurtrier est « un message envoyé par l’armée israélienne » visant à empêcher les humanitaires d’intervenir sur le terrain, a dénoncé mardi sur franceinfo le vice-président de Médecins du Monde Jean-François Corty.

Comme le souligne Jean-Claude Samouiller auprès du HuffPost, Tel Aviv essaie depuis plusieurs mois de saper l’aide humanitaire, notamment en « torpillant » la crédibilité de l’Unrwa, pilier de cette aide à Gaza, poussant la communauté internationale à couper les robinets financiers pour l’agence onusienne.

« Leur but, c’est d’isoler la bande de Gaza : qu’il n’y ait pas de journaliste, pas d’ONG sur place pour voir ce qui s’y passe et pour que la population meure loin des caméras et de toute personne qui pourrait les aider », alerte le président d’Amnesty International France.

Une situation « pire que catastrophique »

Et pour cause. Sur place, le peu d’observateurs autorisés à se rendre dans l’enclave constate un véritable enfer. De retour d’une mission d’une semaine dans la bande de Gaza fin mars, Dominic Allen, représentant du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), a rapporté auprès de l’AFP une situation « pire que catastrophique » et dit avoir eu le « cœur brisé ».

« Gaza est devenu un amas de poussière. Les gens que nous avons croisés étaient décharnés, ils nous indiquaient qu’ils cherchaient de quoi manger. Les médecins et les sages-femmes nous ont dit que leurs patientes accouchaient d’enfants plus petits, et que la malnutrition, la déshydratation et la peur entraînaient des complications. »

Mais Israël persiste à empêcher l’aide humanitaire d’entrer sur le territoire. À la mi-mars, Amnesty International expliquait que, depuis février, une moyenne quotidienne de 105 camions était autorisée à entrer dans la bande de Gaza. Un chiffre dérisoire quand on sait qu’avant le 7 octobre, quand le territoire n’était pas encore en crise, environ 500 camions en moyenne entraient dans Gaza chaque jour, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.

Certaines opérations de distribution alimentaire ont tourné au drame, les foules se ruant sur les camions et se battant pour obtenir de la nourriture. Mêmes scènes lors des largages de colis alimentaires, organisés plusieurs pays dont la France, les États-Unis et la Jordanie. Par ailleurs, comme le souligne Jean-Claude Samouiller, l’envoi d’aide par la mer et les airs ne peut se substituer à la voie terrestre. Tout comme l’ONU, il appelle à la réouverture complète des voies terrestres pour l’acheminement de l’aide.

À un marqueur de la famine

Selon la BBC, la moitié de la population de la bande de Gaza est affamée et l’ensemble de la population de Gaza sera en situation de famine d’ici juillet 2024. Mais à quel moment déterminer l’état de famine ? Celle-ci est déterminée à l’aide d’une échelle des Nations unies, appelée classification intégrée de la phase de sécurité alimentaire (IPC).

Comme l’explique au Monde Beth Bechdol, directrice générale adjointe de l’ONU, trois critères sont nécessaires : que plus de 20 % des foyers soient confrontés à un manque extrême de nourriture, qu’un tiers des enfants soient malnutris et que la mortalité due à la faim atteigne deux morts pour dix mille habitants par jour ou quatre enfants morts pour dix mille habitants par jour.

Selon elle, les critères du manque extrême de nourriture et de la malnutrition aiguë chez les enfants sont déjà largement constatés, mais celui de la mortalité doit encore être surveillé. Un constat qui n’a pu être fait qu’à distance compte tenu de la situation.

Mais en attendant que l’ONU mette ce mot sur l’enfer que vivent les réfugiés palestiniens, Jean Claude Samouiller ne peut que constater une « fuite en avant », une escalade vers une « hécatombe imminente ».

« Les enfants meurent de faim et les associations humanitaires ne vont plus venir à cause du danger et c’est exactement ce que veut Israël, insiste-t-il. Cette population va mourir et ce ne sera pas à cause d’un séisme ou d’un tsunami, c’est l’homme qui provoque ça. »

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