En Gironde et ailleurs, la stratégie de "campagne permanente" du RN

La candidate RN aux législatives, Sandrine Chadourne (c), distribue des tracts sur un marché à Libourne, le 2 juillet 2024 en Gironde (Philippe LOPEZ)
La candidate RN aux législatives, Sandrine Chadourne (c), distribue des tracts sur un marché à Libourne, le 2 juillet 2024 en Gironde (Philippe LOPEZ)

Arpenter les marchés, à chaque scrutin mais pas seulement: en Gironde comme dans d'autres départements, le Rassemblement national explique son succès électoral par un "travail de terrain" ininterrompu, favorisant son "ancrage" local.

En ce mardi matin, Sandrine Chadourne, candidate RN dans la 10ème circonscription - essentiellement rurale - où elle a obtenu 43,8% des voix au 1er tour des législatives, aborde les étals de Libourne en habituée.

"Je tractais déjà sur le marché en 2011 pour le Front national", souligne cette aide-soignante de 53 ans en recevant des marques de sympathie de retraités.

"Je ne redescends pas de Paris juste pour les élections", ajoute-t-elle à l'encontre du député sortant Florent Boudié (majorité présidentielle). "Mon ancrage sur le terrain est quotidien, j'y vis", pointe cette conseillère régionale et élue d'opposition d'une petite commune.

"Je vais rarement au supermarché, je fais mes courses chez les commerçants. Je vais voir les artisans, les éleveurs, les viticulteurs", énumère cette mère de famille qui dit "connaître tout le monde" quand elle se rend aux matchs de rugby locaux.

"La consigne que nous avons reçue, c'est de ne jamais quitter le terrain, y compris en dehors des élections car c'est là qu'on construit nos succès futurs", abonde Jimmy Bourlieux, délégué départemental du RN.

Et d'assurer que ses troupes sont présentes "depuis 2022 sur quasiment tous les marchés" de Gironde. "Ce travail permet d'amplifier la progression de nos idées. Il y a un besoin de proximité", poursuit le candidat arrivé troisième dimanche dans la 6ème circonscription, plus urbaine.

- Méthode Diaz -

"Saluer les gens sur les marchés, ce n'est pas faire de la politique", grince Florent Boudié. "La dynamique du RN ne vient pas d'une supposée implantation. C'est la dynamique qui fait les circonstances d'une implantation possible", récuse le parlementaire élu depuis 2012.

Lui défend son bilan, comme l'implantation à Libourne - obtenue à Paris - d'une quatrième base de la Sécurité civile, avec l'arrivée de 100 premiers pompiers en août.

Sa rivale Sandrine Chadourne espère rejoindre, sur les bancs de l'Assemblée, la députée RN de la circonscription voisine, Edwige Diaz, 36 ans, réélue au 1er tour avec 53% des voix.

Cette "amie proche" est décrite - même par ses adversaires - comme "en campagne permanente", qu'elle assiste à une brocante, un salon animalier ou une élection de miss locale. Un "travail de fourmi" visant à "ouvrir les portes du RN par adhésion et non plus par dépit", expliquait Mme Diaz l'an dernier à l'AFP.

Sur le bassin d'Arcachon, dans la 8ème circonscription, l'agent immobilier Laurent Lamara, près de 37% au premier tour, assure lui aussi que le RN est "le seul parti sur le terrain hors élections".

Il s'appuie sur une "communauté" très active d'une quarantaine de militants, réunie "à chaque occasion festive", galette des rois ou Chandeleur. Avec, depuis peu, un référent dans chaque commune, servant de "relai" d'implantation.

- "Chevaux de Troie" -

"Les militants RN ne passent pas par l'école associative. Ils s'inscrivent dans des structures de sociabilité, comme les clubs du 3ème âge", décrit le politologue Jean Petaux.

"Avec quelques bons chevaux de Troie, ils vont se faire connaître et apprécier, cultivant une image de +gendre idéal+ ou de jeune fille +bien mise+ pour les uns, de +Madame Michu+ pour d'autres", ajoute-t-il.

"La recette, c'est qu'on fait la publicité de nos interventions et de nos votes. On a explosé nos scores à Floirac ou Ambarès-et-Lagrave, où nous siégeons aux conseils municipaux", argue Julie Rechagneux, 28 ans, en lice dans la 4ème circonscription.

Depuis 2020, elle s'est présentée à toutes les élections sur ces terres de la rive droite, plus défavorisée, de la Garonne. Élue municipale à Lormont, conseillère régionale, elle est députée européenne depuis trois semaines.

L'illustration d'une stratégie menée "depuis de nombreuses années: donner des responsabilités très tôt aux jeunes, nos cadres de demain", expose Jimmy Bourlieux, 30 ans.

Mais l'ancrage local a ses limites. Dans un article de Sud Ouest, en juin, Julie Rechagneux expliquait voter à Bordeaux et non dans la ville où elle est élue parce que Lormont est devenue "invivable": "Il y a des baraques sympas, avec des piscines, où il n'y a pas d'insécurité, le reste c'est catastrophique".

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