Européennes 2024 : Comment Giorgia Meloni veut (et va) peser sur l’après-scrutin du 9 juin

Giorgia Meloni, ici en campagne fin avril à Pescara pour les élections europénnes, aimerait faire l’union des droites au Parlement européen.
TIZIANA FABI / AFP Giorgia Meloni, ici en campagne fin avril à Pescara pour les élections europénnes, aimerait faire l’union des droites au Parlement européen.

POLITIQUE - Réorienter l’Union européenne dans une optique nationaliste. Engagée personnellement dans la campagne pour les élections européennes, la Première ministre italienne Giorgia Meloni compte bien, à l’issue du scrutin, rendre sa voix incontournable sur le Vieux Continent. Et tout indique que la dirigeante d’extrême droite va peser sur la politique européenne au cours des prochaines années.

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Le projet de Giorgia Meloni ? « Faire à Bruxelles ce que nous avons fait à Rome », comme elle l’a résumé lors d’un grand meeting de fin de campagne, dimanche 2 juin dans la capitale italienne. Comprendre : gouverner avec une majorité de droite et d’extrême droite pour porter un agenda conservateur à l’échelle européenne, en opposition à une UE aux « règles folles », adepte de la « théorie du genre » et de l’« islamisation ».

Malgré la progression de l’extrême droite partout en Europe, une majorité semble peu probable à Bruxelles après les élections européennes. Mais la leader de Frères d’Italie dispose de solides atouts pour faire entendre se musique radicale à Bruxelles. Elle-même tête de liste dans les cinq circonscriptions électorales de la péninsule, l’Italienne espère porter sa formation à plus de 25 % des voix, largement devant le Parti démocrate d’Elly Schlein, autour de 20 %.

Cheffe de file de l’extrême droite

La Première ministre compte ainsi s’affirmer comme la leader des différentes nuances d’extrême droite à l’échelle du continent. Et plusieurs indices montrent que l’Italienne est déjà au centre du jeu, à l’instar de l’appel lancé par Marine Le Pen – dont les élus ne siègent pas à Bruxelles avec ceux de Giorgia Meloni (1) – à la presse italienne. « Si nous nous réussissons, nous pourrons devenir le deuxième groupe au Parlement européen. Je pense que nous ne devrions pas rater une opportunité comme celle-ci », a dit la cheffe de file du RN au Corriere della Sera.

Un appel relayé quelques jours plus tard par le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban dans Le Point. « L’avenir de la droite en Europe repose entre les mains de deux femmes : Giorgia Meloni et Marine Le Pen », dit le Premier ministre nationaliste à l’hebdomadaire français.

Une fusion pure et simple des différentes nuances d’extrême droite au sein d’un seul groupe semble toutefois peu probable « tant les divergences de fond sont fortes », comme le souligne Thierry Chopin, conseiller à l’Institut Jacques Delors. « La fragmentation des droites radicales et extrêmes semble se cristalliser autour d’un clivage de nature géopolitique et notamment sur les deux questions clés pour l’Europe de la relation avec la Russie d’un côté et les États-Unis de l’autre », explique-t-il dans un entretien au site spécialisé Euractiv.

Une deuxième main tendue vers Meloni

Jusqu’à présent, la réaction de Meloni à ces appels s’est voulue prudente. Car la Première ministre joue dans le même temps une seconde partition, puisqu’elle est également courtisée… par Ursula von der Leyen. En quête d’une réélection à la tête de la Commission européenne, l’Allemande aura besoin d’élargir son assise alors que la courte majorité de droite (Parti populaire européen), du centre (Renew) et de gauche (Socialistes et démocrates) qui l’a élue en 2019 risque de perdre des sièges à l’issue du nouveau scrutin.

Si les Verts européens se sont portés candidats pour entrer dans la majorité afin de sauver le Pacte vert, c’est surtout du côté de la droite conservatrice et de Giorgia Meloni que les regards d’Ursala von de Leyen se portent. La présidente de la Commission a elle-même laissé entendre – à mots couverts – qu’elle n’excluait pas une alliance avec certaines formations du groupe nationaliste Conservateurs et Réformistes européens.

« Une certaine proximité entre Ursula von der Leyen et Giorgia Meloni est aussi entretenue de manière évidente », souligne auprès d’Euractiv Thierry Chopin, en référence notamment à la complicité affichée par les deux dirigeantes sur les réseaux sociaux, comme vous pouvez le voir sur le tweet ci-dessous, publié quelques semaines seulement après l’arrivée de l’Italienne au pouvoir :

Une instabilité attendue au Parlement

Pour Thierry Chopin, on peut donc s’attendre, au cours des années à venir, à des « coalitions ad hoc » pour faire passer des textes au Parlement européen, tantôt entre la droite, la gauche et les centristes, comme c’est le cas aujourd’hui, tantôt entre la droite et une partie du groupe Conservateurs et réformistes européens où siègent les élus Frères d’Italie. « Cela aura comme effet de rendre les accords politiques au sein du Parlement plus imprévisibles et instables », prévient le spécialiste.

« Mais en échange, [Ursula von der Leyen] devra offrir des gages à cette “chère Giorgia” », souligne avec malice le quotidien allemand Die Weld. Et d’énumérer : « Une politique migratoire impitoyable, une politique industrielle favorable aux entreprises et davantage de latitude dans l’utilisation des fonds du plan de relance européen adopté à la suite de la crise du Covid. »

Dans tous les cas, Giorgia Meloni devra faire un choix, selon Nicolai von Ondarza, politologue à l’Institut allemand de politique internationale et de sécurité (SWP). La Première ministre italienne « se retrouve avec deux mains tendues avant les élections », « l’une de Le Pen, l’autre de von der Leyen », souligne-t-il sur son compte X. Mais elle ne pourra « en saisir qu’une seule ».

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(1) L’extrême droite est aujourd’hui éparpillée entre le groupe parlementaire Conservateurs et réformistes européens (réunissant Frères d’Italie, le PiS de l’ancien Premier ministre polonais Jarosław Kaczyński, les Espagnols de Vox ou encore le zemmouriste Nicolas Bay), le groupe Identité et démocratie (Rassemblement national, La Ligue de Matteo Salvini…), et les élus non-inscrits (notamment ceux de l’AfD allemande depuis leur récente exclusion d’Identité et démocratie et du Fidesz du Premier hongrois Viktor Orban).

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