"Les enjeux sont énormes": comment les coureurs du Tour de France s'organisent pour les législatives

Pendant que les Français seront appelés aux urnes pour élire leurs députés, eux seront sur leur vélo. Programmé ce dimanche 30 juin, le premier tour des élections législatives tombe au même moment que la deuxième étape du Tour de France, tracée sur les routes italiennes entre le petit port adriatique de Cesenatico et Bologne, la capitale de l’Émilie-Romagne. Le second tour se déroulera pendant le passage du peloton sur les très attendus chemins blancs autour de Troyes, le 7 juillet prochain. Un calendrier qui a forcément nécessité quelques adaptations. La préfecture de l’Aube et Amaury Sport Organisation, l’organisateur du Tour, se sont ainsi engagés à faciliter l’accès aux bureaux de vote, en mettant notamment en place des "points de cisaillement" pour permettre aux citoyens de traverser le parcours à certains endroits afin de se rendre aux urnes. Les coureurs ont aussi pris leurs précautions avant le grand départ.

"J’ai fait ma procuration pour voter samedi. Je suis intéressé par ce qui se passe en politique en France en ce moment. Après je suis concentré sur ma course et on a déjà bien assez de choses à gérer, mais j’ai fait ma procuration", confie ainsi Paul Lapeira, révélation du début de saison au sein de la formation Decathlon-AG2R et nouveau champion de France sur route. Porter le maillot bleu-blanc-rouge revêt-il une signification particulière en cette actualité politique pour le moins chargée ? "Je vais avoir le drapeau du pays sur les épaules, ça s’arrête là. La politique c’est un autre sujet. J’ai mon opinion, je n’ai pas forcément à l’exprimer en public, mais c’est sûr que c’est une période importante", répond le Manchois de 24 ans, qui assure que "dans le peloton, on n’en parle pas".

"En course, on est déjà bien occupé et même au sein de l'équipe, pour être tout à fait honnête, on en parle très peu. Forcément, au moment des résultats des élections européennes, on en a discuté, mais depuis on est passé à autre chose et quelque part, chacun a son opinion. C’est à chacun de se faire son idée, de savoir ce qui est bon pour soi et pour le pays", ajoute-t-il. Alors que certains joueurs de l’équipe de France ont récemment amené les Bleus sur le terrain politique en plein Euro, Marcus Thuram appelant notamment à "se battre pour que le Rassemblement national ne passe pas", les coureurs tricolores pourraient-ils suivre le mouvement ? "On en discute avec Romain (Bardet), c’est quelque chose qui nous concerne. Je ne vais pas faire comme les footballeurs en polémiquant là-dessus mais ce qui se passe en France est important. On doit y faire attention", soutient le Breton Warren Barguil (dsm-firmenich PostNL).

"Les enjeux sont énormes. J’ai déjà fait état par le passé de mes convictions. Je ne me sens pas légitime à appeler pour quoi que ce soit. Chacun vote en son âme et conscience. On dispose de médias indépendants pour bien s’informer et avoir toutes les informations nécessaires", embraye Romain Bardet, interrogé sur le sujet jeudi soir en marge de la présentation des équipes du Tour, à Florence, ce bastion de la gauche italienne où Sara Funaro est devenue lundi la première femme maire de la cité toscane. "On est là en tant que coureurs cyclistes, ce n’est pas forcément notre sujet de conversation", poursuit le sprinteur Arnaud Démare (Arkéa-B&B Hotels), alors que Bryan Coquard (Cofidis) reconnaît tout de même "qu’on en parle un petit peu". "J’ai fait ma procuration. Il y a pas mal de tensions autour de ça dans la société. Nous ça se passe bien au sein de l’équipe, on ne s’engueule pas à table !", sourit-il.

"On est concentrés sur le Tour, notre principal objectif de l’année. Ça ne veut pas dire qu’on ne s’intéresse pas chacun de notre côté à ce qui se passe. Je crois que le Tour de France a aussi cette capacité d’apporter du bonheur aux gens et leur permettre de ne pas penser qu’aux problèmes. Le Tour est un formidable diffuseur de bonheur. Participons à donner du bonheur au public", appuie Vincent Lavenu, manager de la formation Decathlon-AG2R La Mondiale. Chez les coureurs français, la prise de position la plus forte est venue du Normand Guillaume Martin, le week-end dernier, avant les championnats de France. "Mes valeurs sont à l’opposé de celles du Rassemblement national. A vélo on franchit des cols, on n’édicte pas des frontières. On va à la rencontre des gens. Tout ça va à l’encontre des valeurs que défend malheureusement le Rassemblement national", avait réagi le grimpeur de Cofidis et diplômé de philosophie.

Selon un sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche publié ce vendredi, le Rassemblement national est crédité de 36% des intentions de vote à deux jours du premier tour des élections législatives. Le Nouveau Front populaire est à la deuxième place et distance le camp présidentiel, qui pourrait perdre plus de 140 sièges à l'Assemblée nationale.

Article original publié sur RMC Sport