Droits TV: inquiétude des présidents, échanges vifs avec CVC, présentation de la chaîne 100% Ligue 1… Les coulisses d’un CA brûlant à la LFP

Un conseil d’administration brûlant, ce vendredi à la LFP, en pleine crise des droits TV. Alors que les dirigeants des clubs français étaient réunis pour la première fois au nouveau siège de la Ligue boulevard de Courcelles, pour certains en présentiel, pour la plupart en visio, le président de la Ligue Vincent Labrune est d’abord revenu rapidement sur son rendez-vous manqué avec Maxime Saada relayé dans la presse. Le président de la LFP a estimé qu’il n’y avait rien contre Canal+ dans l’article du Monde qui le citait. Labrune a tenu à rassurer les présidents et leur a demandé de tenir bon: "On n’a pas fait tout ce qu’on a fait ces derniers mois, ces dernières semaines, pour craquer maintenant dans la dernière ligne droite."

Benjamin Morel, le directeur général de LFP Médias, a ensuite fait une présentation plus technique et concrète de l’avancée du projet de chaine 100% Ligue 1 envisagée par la Ligue, en cas d’échec dans la recherche d’un diffuseur.

La LFP compte sur Canal+ malgré le conflit

La diffusion en linéaire est prévue du vendredi soir 19h au dimanche minuit pour ainsi permettre la retransmission des neuf rencontres de chaque journée de championnat ainsi que des émissions dédiées. Toujours lors de sa présentation aux membres du conseil d’administration, Benjamin Morel a confirmé que tous les distributeurs possibles ont été contactés.

Aussi bien les fournisseurs d’accès à internet que sont Bouygues, Free, Orange et SFR, que d’autres plateformes 100% digitales comme Molotov. C’est simple, un seul acteur majeur n’est pas encore en contact avec la LFP: Canal+. Mais malgré l’absence de discussions, la Ligue prévoit bien que sa chaine soit bien diffusée par le groupe. Elle n’imagine pas d’ailleurs que Canal ne puisse pas la distribuer.

Une grosse offre numérique, opérationnelle en juillet

Confirmant ce renforcement de sa stratégie digitale, la LFP planche aussi sur une application. Déjà en cours d’élaboration, elle permettra notamment la diffusion de la chaîne en OTT (over the top, via une diffusion internet) et donc avec une offre intégralement numérique sans avoir recours à une télévision.
Pour accompagner cette évolution, la LFP proposera aussi beaucoup de contenus en VOD à ses utilisateurs. On devrait ainsi y retrouver les résumés de matchs, un jeu Fantasy Ligue 1, une collaboration avec MPG (récemment racheté par la LFP) et une expérience personnalisée pour les fans. Afin de parfaitement lancer la saison, Benjamin Morel a précisé que d’un point de vue technique, tout sera opérationnel courant juillet.

"On va la faire"

Lors de ce conseil d’administration de la Ligue, l’aspect juridique d’une chaîne 100% Ligue 1 a aussi été abordé. En particulier la question des autorisations demandées à l’Arcom (ex-CSA, le gendarme de l’audiovisuel français), celle portant sur les contrats de prestataires ou sur la production déléguée.

Les présidents des clubs se sont rendus compte que le projet devenait réellement concret à l’occasion de cette réunion. Vincent Labrune leur a confirmé: "Cette chaine 100% Ligue 1, qu’on la fasse nous ou avec un partenaire comme BeIn Sports, de toute façon, on va la faire."

Le plan financier de la LFP, Labrune répond à Roussier

Sur la simulation financière afin de rendre viable cette chaîne 100% Ligue 1, le prix d’un abonnement à 25 euros hors taxe (30 euros TTC) sur 10 mois a été acté par la LFP. Le président de Nice, Jean-Pierre Rivère, a pris la parole pour mettre en garde sur ce prix d’abonnement que beaucoup de fans pourraient juger excessif.

Dans sa projection, la Ligue prévoit un revenu brut moyen sur les cinq saisons de 714 millions d’euros annuel. Une fois les différents coûts et frais enlevés, la LFP ambitionne un chiffre d’affaires net de 578 millions d’euros en moyenne par an pour cette période 2024-2029. Sur cet aspect, Vincent Labrune a tenu à faire un aparté pour répondre à Jean-Michel Roussier, président du Havre, qui a récemment dit dans la presse que deux millions d’abonnés pour la première année, ce n’était pas possible.

"Il faut tordre le cou à ces arguments. Il compare des pommes et des tomates. Mediapro n’avait que 80% des matchs. Et n’était pas distribué par Canal", a lâché le président de la LFP. "Là, c’est radicalement différent. On aurait 100% des rencontres. 100% des fans de chaque équipe. Et le produit serait diffusé par l’ensemble des opérateurs incluant le groupe Canal+. Cela n’a rien à voir en termes de perspectives."

En ce qui concerne le nombre d’abonnés, les dirigeants de la Ligue visent un peu plus de deux millions pour la première année et jusqu’à 3,3 millions pour la dernière année. "On estime que quelqu’un qui suit la Ligue 1 ne peut pas s’en passer", a jugé un dirigeant présent au CA.

Le président Rivère appelle à la vigilance

En fin de présentation, Jean-Pierre Rivère a pris la parole pour exprimer sa vigilance sur ce projet. "Le timing est très court quand même. Sur le papier c’est magnifique mais on est en train de créer un nouveau métier. Je ne sais pas si c’est le moment pour le foot français d’engager ce projet maintenant", a ainsi tempéré le président du Gym.

Preuve que ce projet provoque quelques vertiges chez certains présidents. Vincent Labrune lui a répondu en disant que ce serait irresponsable aujourd’hui de ne pas travailler pas sur cette option dans l’hypothèse où il n’y aurait aucune autre alternative.

Plusieurs dirigeants inquiets pour les finances des clubs

Joseph Oughourlian, président de Lens, ainsi que le Nantais Waldemar Kita mais aussi Pierre-Olivier Murat (Rodez) ont pointé du doigt une autre problématique: l’impact économique pour les clubs.

"Comment va-t-on faire au niveau de la trésorerie?", ont-ils demandé en substance. Les prochains versements des droits TV sont habituellement prévus au mois d’août et mois d’octobre (sur les six échéances de versements annuels). Et pour le moment la LFP n’a pas d’argent pour ces échéances-là. "Les abonnements vont venir petit à petit, il n’y aura pas deux millions d’un coup, comment on va faire", se sont encore inquiétés les présidents.

Vincent Labrune leur a répondu que ce point important devra être abordé si les clubs décident collectivement d’opter pour cette option de chaine 100% Ligue 1. "Je n’ai pas de réponse précise à vous faire", a indiqué le patron de la Ligue. "On verra d’ici la fin du mois." Selon nos informations, la Ligue va concrètement se pencher sur ce thème brulant en sachant que les situations son différentes selon les clubs. Pierre-Olivier Murat en Ligue 2 a bien plus de difficultés qu’un actionnaire multimillionnaire de Ligue 1.

Un échange vif entre CVC "déçu" et des présidents de clubs

Président de Lens et présent pour défendre la gestion de la LFP ce jeudi devant les Sénateurs, Joseph Oughourlian a aussi pris la parole sur la qualité du produit Ligue 1 qu’il faut améliorer. Le dirigeant du club nordiste a regretté de ne pas voir suffisamment d’éléments sur cet aspect lors des présentations de la Ligue et aussi demandé à CVC de s’exprimer là-dessus.

Edouard Conques, l’un des dirigeants de CVC, a alors répondu en renvoyant le ballon dans le camp des présidents: "Pour être honnête, on est assez déçu du manque d’avancement sur le produit en lui-même. On ne dialogue pas assez sur ce sujet. Il faut aussi que vous en tant que clubs preniez votre place dans ce sujet."

Jean-Christophe Germani, le patron de CVC France, a pris la parole pour défendre la position du fonds d’investissement et a regretté que la communication se soit concentrée sur des sujets de court terme et pas sur une vision à long terme de développement du foot français pour lequel CVC s’est justement engagé dans le foot hexagonal. En réponse, Jean-Pierre Rivère, appuyé par Waldemar Kita leur a demandé "d’aider les clubs à faire la révolution nécessaire pour le foot français". "Si tout le monde est OK alors avançons ensemble sur cet objectif", a conclu en substance Jean-Christophe Germani.

Pierre-Olivier Murat a terminé son propos en renouvelant son soutien à Vincent Labrune. "On te fait confiance à toi Vincent, à vous aussi CVC. Si CVC n’était pas venu, on ne serait peut-être pas là." Les présidents de la L1 et les dirigeants de la Ligue se donnent deux à trois semaines pour faire un nouveau point et prendre une décision définitive pour lancer cette chaîne. Entretemps, le résultat de l’appel d’offres pour la Ligue 2 est attendu pour mardi, et le lendemain, Vincent Labrune sera auditionné par les sénateurs.

Article original publié sur RMC Sport