Coronavirus : les personnes âgées ont-elles été sacrifiées ?

Les personnes âgées ont-elles été les sacrifiées du coronavirus ?
Les personnes âgées ont-elles été les sacrifiées du coronavirus ?

La pandémie de coronavirus a été particulièrement défavorable aux personnes âgées. Refus de soin et discriminations sur le seul critère d’âge... Nos aînés ont-ils été les sacrifiés du Covid-19 ?

La crise du nouveau coronavirus est loin d’être terminée et la pandémie frappe encore très fort certains pays. Pourtant, les quelques mois de recul permettent déjà d’analyser la gestion qui en a été faite jusque-là. Et de pointer les défaillances.

À commencer par la façon dont ont été traitées les personnes âgées durant l’épidémie. L’ONG internationale HelpAge, qui aide nos aînés à revendiquer leurs droits et à combattre les inégalités, a fait un constat plutôt alarmant, repris dans The Guardian ce 30 juin : les discriminations liées à l’âge ont augmenté depuis le début de la crise sanitaire dans de nombreux pays. Au point de conduire à des inégalités aux conséquences dramatiques. Certains n’ont pas pu être soignés, car la priorité était donnée aux plus jeunes, d’autres se sont vus refuser une consultation médicale par simple suspicion de contagion de leur part.

Des témoignages aux quatre coins du monde

Un constat partagé par Chris Roles, directeur de l’association Age international. “La pandémie a mis en lumière et exacerbé les maltraitances et négligences auxquelles étaient déjà confrontées les personnes âgées. [...] Nous craignons qu’elles soient mises de côté, alors que le coronavirus continue de forger le monde de 2020, malgré des preuves claires qu’elles sont les plus à risques”, a-t-il avancé dans le quotidien britannique.

Les témoignages de ces procédés se multiplient, et ils sont mondiaux. Comme celui de Souzi Bondeko, habitante de République démocratique du Congo, dont le grand-père souffrait de symptômes sévères du Covid-19. Lorsqu’elle l’a conduit à l’hôpital à Kinshasa, l’homme a été mis sous respirateur. Souzi Bondeko s’est éloignée quelques heures et, à son retour, son grand-père avait été débranché au profit d’une personne plus jeune. On lui a expliqué que c’était la politique de l’établissement. L’homme est mort en quelques minutes. “Malheureusement, les personnes âgées sont vues comme superflues en RDC”, a commenté Anatole Bandu, représentant local de HelpAge, dans The Guardian.

Autres lieux, autres histoires, même constat : au Cameroun, un homme âgé et handicapé a été refusé de l’hôpital sur ces simples critères. Dans un camp de réfugiés du Bangladesh, les personnes âgées souffrant d’un simple rhume ne sont pas soignées, de peur qu’elles transmettent un coronavirus qu’elles n’ont même pas.

“Nous n’avons pas réussi à protéger les plus âgés”

Sans aller si loin, certains pays d’Europe ont eux-aussi sacrifié leurs aînés. Les témoignages ont afflué assez tôt en Suède, où l’administration sanitaire semble avoir été réticentes à faire hospitaliser les résidents des maisons de retraite qui présentaient des symptômes du Covid-19.

Les autorités de santé régionales “nous ont dit que nous ne devions envoyer personne à l’hôpital, même des gens de 65 ans qui peuvent avoir encore beaucoup d’années devant eux”, a raconté Latifa Löfvenberg, une infirmière qui travaille dans plusieurs maisons de retraite, à la BBC le 19 mai dernier. Le Premier ministre suédois, Stefan Löfven, l’a reconnu à demi-mot : “Nous n’avons pas réussi à protéger les plus vulnérables, les plus âgés, malgré nos bonnes intentions”.

En France aussi, le sujet est sur la table depuis déjà plusieurs semaines. Michel Parigot, président de l’association Coronavictimes, nous l’affirme : “Ça a été organisé, de laisser mourir les personnes âgées, en particuliers dans les Ehpad mais aussi à domicile”. Et les preuves ne manquent pas. Outre les témoignages des familles de victimes, l’association a également accès aux dossiers médicaux.

“On a décidé de sacrifier les gens sur un critère d’âge”

Il ne s’agit pas là de dénoncer l’absence d’accès à la réanimation pour les personnes âgées. Cet acte médical fait l’objet d’une décision des soignants, s’appuyant sur le rapport entre les risques et les bénéfices, au sujet duquel la commission éthique de la SRLF (Société de réanimation de langue française) a d’ailleurs émis des recommandations dans le cadre du Covid-19.

Ce que l’association dénonce, c’est purement et simplement le refus d’offrir aux résidents d’Ehpad et aux personnes les plus âgées le simple accès aux soins hospitaliers. “On est dans quelque chose où, à un certain moment, on a décidé de sacrifier les gens sur un critère d’âge”, décrit Michel Parigot. Un tri “qui n’a jamais été complètement assumé”, poursuit-il. “Il y a eu des directives, c’est certain, on verra ensuite par qui elles sont passées”, explique le directeur de l’association. Des enquêtes sont d’ailleurs menées et des actions en cours.

Un blocage “par le Samu”

Pour les patients à domicile qui n’ont pas eu accès aux soins hospitaliers, “le tri se faisait par le Samu”, avance Michel Parigot. Dans les Ehpad également, selon les preuves récoltées par l’association. “On a des récits selon lesquels une infirmière d’Ehpad appelait le Samu, et la conversation s’arrêtait directement à l’âge du patient”, relate le président de Coronavictimes. “Il y a aussi des barrages qui ont été faits au niveau des Ehpad eux-mêmes”, poursuit-il, “mais est-ce qu’il y a eu des consignes ou est-ce que c’était plutôt lié au constat que, de toute façon, la personne ne serait pas hospitalisée ? On n’est pas encore en mesure de le savoir”.

Au sujet de la gestion du coronavirus dans les Ehpad, les directives fournies par le gouvernement à la fin du mois de mars s’orientaient clairement vers un maintient dans l’établissement autant que possible. “Le principe est que la prise en charge des cas suspects et confirmés ne présentant pas de critères de gravité doit être assurée en priorité au sein des EHPAD afin de ne pas saturer les établissements de santé. Seuls les patients présentant des formes sévères et critiques sont pris en charge dans les établissements de santé habilités Covid-19 (1ère et 2ème ligne, voire 3ème ligne). La décision de transfert vers un établissement de santé ne peut être prise que par un médecin du SAMU centre 15”, précise le document.

Des directives qui auraient pu mener à des dérives, voire à une rupture d’égalité de soins ? “C’est une question sur laquelle on ne lâchera rien”, conclut Michel Parigot. Contacté à ce sujet ce mardi, le ministère de la Santé ne nous a pas encore répondu. Sur les 29 800 Français morts du coronavirus, plus de 10 000 étaient dans des Ehpad. Soit plus d’un tiers.

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