Coronavirus : la Suède paie-t-elle son absence de confinement ?

En Suède, les restaurants et les bars sont restés ouverts depuis le début de la crise du Covid-19.
En Suède, les restaurants et les bars sont restés ouverts depuis le début de la crise du Covid-19.

La Suède a très tôt fait le choix de ne pas se confiner pour faire face au Covid-19. Les autorités ont préféré conseiller une simple distanciation sociale. Mais le nombre de morts semble donner tort à cette stratégie.

Depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, la Suède s’est distinguée en choisissant une stratégie bien différente des autres. Le pays a décidé de ne pas imposer de confinement. Au lieu de ça, les autorités ont simplement demandé aux habitants de respecter une distanciation sociale et d’augmenter les mesures d’hygiène.

Contrairement à ses voisins scandinaves et au reste de l’Europe, la Suède a gardé ses écoles, ses bars, restaurants ou encore ses coiffeurs ouverts. Seules quelques mesures restrictives ont été prises, avec notamment la fermeture des lycées, des musées et l’interdiction de rassemblement de plus de 50 personnes.

Beaucoup plus de morts que ses voisins

Or, les chiffres montrent que cette stratégie a plongé la Suède dans une crise plus sévère que les États alentours. Selon les dernières informations, le pays a recensé 34 440 cas et 4 125 décès. La Norvège compte 8 374 malades et 235 décès, la Finlande 6 628 contaminations et 312 morts et le Danemark a connu 11 428 cas et 563 morts. Mais la comparaison est surtout parlante lorsque le nombre de morts est ramené au nombre d’habitants.

La Suède compte ainsi, jusqu’ici, un taux de 403 morts du Covid-19 par million d’habitants. Bien loin devant les 44 morts par million d’habitants de la Norvège, les 56 par million de la Finlande et les 97 par million du Danemark.

La comparaison nordique pertinente

Le pays s’en sort tout de même mieux que les pays les plus touchés d’Europe. La Grande-Bretagne et l’Italie comptent par exemple 542 morts par million d’habitants, la France 425 par million d’habitants et l’Espagne 572.

Mais pour plusieurs experts, la comparaison la plus pertinente est la plus sévère pour la Suède : celle avec les autres pays du nord de l’Europe. Et pour cause, ces États ont de nombreux points communs, notamment d’un point de vue sanitaire, politique et culturel. “Nous voyons une amplification de l’épidémie [en Suède] tout simplement parce qu’il y a plus de contacts sociaux”, a commenté Lynn Goldman, de l’université américaine George Washington.

Car si le gouvernement a choisi de faire confiance à sa population, cette stratégie ne s’est pas forcément avérée payante. Selon Elisabeth Asbrink, auteure et journaliste suédoise, à Stockholm, “les gens font tout ce qu’ils faisaient avant, comme s’il n’y avait pas besoin de garder une distance”.

Le gouvernement critiqué

De quoi expliquer le lourd bilan suédois et s’attirer de nombreuses critiques. Beaucoup estiment que la crise n’aurait pas dû être aussi sévère si les autorités avaient agi autrement. Pour Lena Einhorn, virologue, sans forcément aller jusqu’au confinement, la donne aurait déjà été très différente si une période d’isolement avait été imposée aux personnes qui vivaient avec un malade du Covid-19.

Elle ajoute, dans une interview reprise par France 24, que la seule fermeture des restaurants aurait au moins permis d’éviter une partie des contaminations par aérosol. De son côté, Stefan Hansson, expert en santé internationale, estime auprès d’Euronews que deux tiers des morts du pays auraient pu être évités avec des mesures strictes.

Le problème des maisons de retraite

Comme bien d’autres nations, la Suède a surtout eu beaucoup de mal à gérer ses maisons de retraite. Selon l’agence de santé publique, près de la moitié des morts du pays étaient des résidents de ces établissements. Plusieurs problèmes semblent s’y être accumulés. D’abord, des soucis d’équipement et de personnel disponible, mais aussi un possible manque d’hygiène.

Même si les visites extérieures ont très vite étaient interdites, la contamination dans les maisons de retraites pourrait venir du personnel, qui ne serait pas toujours bien formé sur les règles médicales de base.

L’autre problème viendrait du fait que l’administration aurait été très réticente à faire hospitaliser les résidents des maisons de retraites qui présentaient des symptômes du Covid-19, selon plusieurs témoignages. Pour Mikael Fjällid, consultant en soins intensifs, de nombreuses vies auraient été épargnées si plus de patients avaient pu avoir accès aux soins hospitaliers.

Le gouvernement a, en partie, reconnu son erreur sur la gestion des maisons de retraite, expliquant que l’interdiction des visites était une mesure loin d’être suffisante. Mais Anders Tegnell, l’épidémiologiste qui a défendu la stratégie du non-confinement, continue de se féliciter. Pour lui, le risque économique d’un confinement ne valait pas les gains sanitaires qu’il aurait pu apporter, comme l’explique le Daily Mail. Il affirme même que des mesures plus strictes n’auraient pas permis de sauver plus de vies.

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