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Incompréhension et sentiment d'abandon : le calvaire des malades du Covid-19 dont les symptômes persistent

Chez certaines personnes, les symptômes du Covid-19 persistent des mois après le début de la maladie. Mais leur prise en charge est difficile.
Chez certaines personnes, les symptômes du Covid-19 persistent des mois après le début de la maladie. Mais leur prise en charge est difficile.

Sentiment d’abandon, impression de ne pas être pris au sérieux, nécessité de se battre... Ces derniers mois n’ont pas été faciles pour les personnes dont les symptômes du coronavirus persistent sur le long terme.

Alors que l’épidémie de coronavirus se calme en France depuis plusieurs semaines, tout le monde n’a pas repris sa vie d’avant. Certains ont vu le Covid-19 bouleverser leur quotidien début mars et s’installer durablement. Pour le pire.

Combien sont-ils dans ce cas ? Difficile à dire, selon la Direction Générale de la Santé. “Compte tenu de l'absence de définitions médicales précises de cette forme ou de ces formes de la maladie au long cours, il est difficile de donner un chiffre unique, précis et qui ait du sens”, nous explique-t-on. Les personnes ayant encore des symptômes bien après avoir contracté le virus sont tout de même estimées à “plusieurs dizaines de milliers”. Quant à ceux qui ont été hospitalisés en raison du Covid-19, ils sont “environ 5%” à avoir besoin de soins de suite, soit entre 3 000 et 6 000 patients.

“Cette maladie, on la découvre encore. Mais on sait qu’il est assez fréquent que les symptômes persistent longtemps”, nous explique un médecin infectiologue de l’hôpital de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Notamment la perte de goût et d’odorat ainsi que la fatigue. Le spécialiste décrit également la découverte de diabète mais aussi d’embolies pulmonaires. “On se demande s’il y a des séquelles au niveau respiratoire. Les premiers résultats semblent montrer que non. Les patients finissent pas récupérer totalement”, décrit l’infectiologue.

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Une absence de test pesante

Ce n’est pour l’instant pas le cas de Stéphanie*. Cette mère de famille de 39 ans, qui vit seule avec son fils, a ressenti les premiers symptômes du coronavirus le 9 mars. Son médecin généraliste pensait alors à une rhino-pharyngite. Comme son état ne s’améliorait pas, cette responsable de magasin est allée voir un autre médecin du cabinet médical. “À ce moment-là, on parlait un peu plus du Covid-19, et il m’a fait comprendre que ça pouvait être ça. Mais il n’y avait pas de tests disponibles”, nous explique cette Normande, renvoyée chez elle avec du Doliprane et la consigne de s’isoler pendant 15 jours. “J’étais suivie tous les deux jours en télé-consultation, je demandais à chaque fois pour passer un test mais on me le refusait”, poursuit-elle.

L’absence de test, c’est l’un des principaux reproches faits par Marie*. Cette étudiante parisienne de 24 ans est elle aussi tombée malade très tôt au mois de mars. Ce qu’elle pensait n’être qu’un simple rhume a rapidement empiré : toux persistante, fièvre et troubles digestifs sont apparus, ainsi que des “douleurs thoraciques, assez vives mais sporadiques”, décrit-elle, “Je n’ai pas trop compris ce qu’il m’arrivait”. Le 10 mars, les douleurs se sont accentuées et ont été doublées d’un manque de souffle. Conseillée par son compagnon, la jeune femme appelle le 15. L’opérateur lui demande de se rendre aux urgences. Là, elle est placée à l’isolement pendant six heures. Finalement, on lui annonce qu’elle peut rentrer chez elle, puisque la prise de sang et la radio n’indiquent rien d’alarmant. Au vu des symptômes, on lui annonce qu’il s’agit “très probablement du coronavirus, mais sans en avoir l’entière certitude”, nous raconte-t-elle. Et le doute ne pourra pas être levé : “en raison d’un nombre de tests largement insuffisant, j’apprends que je ne pourrais pas en faire, n’étant pas éligible aux critères stricts de dépistage établis par le gouvernement”. L’ordonnance est la même que pour Stéphanie, du Doliprane et 14 jours d’arrêt de travail.

De quoi laisser Marie “perplexe et en proie aux questionnements. Est-ce que c’est vraiment le Covid ? Est-ce que ça veut dire que j’ai contaminé des gens ? Est-ce que j’ai contaminé mon compagnon, mes parents, mes amis ?”, s’interroge-t-elle.

“Patience et Doliprane”

Les patientes ne sont alors malheureusement pas au bout de leurs peines, puisqu’elles ont toutes deux vu leur état de santé de dégrader après ce premier diagnostic approximatif. “Ça avait débuté avec un mal de gorge, de la toux et de la fièvre, puis sont venus des maux de têtes terribles, mais là où ça a été vraiment compliqué, c’est quand j’ai commencé à avoir des douleurs thoraciques”, reprend Stéphanie. Le 21 mars - “je me souviens très bien, c’était un samedi”, précise-t-elle, reprenant les notes sur son parcours médical consignées dans un carnet - n’y tenant plus, elle se rend chez un médecin de garde, qui lui découvre des râlements au poumon droit. Cette fois, elle est placée sous antibiotiques pendant 10 jours et priée de faire preuve de patience. Après quelques jours d’amélioration, son médecin lui découvre des râlements au poumon gauche. Pendant toute cette période, la mère de famille vit une véritable “descente aux enfers”. “La nuit, je dormais assise, et je craignais de pas me réveiller”, décrit-elle.

Son appel au Samu et ses deux passages aux urgences se sont soldés de la même manière. “Je n’ai jamais été testée, on m’a toujours dit de rester chez moi avec du Doliprane, et de la patience”. Elle a dû faire face à des situations ubuesques durant cette période. N’ayant jamais pu se faire tester, Stéphanie avait souvent droit, pour toute réponse à ses interrogations, à une autre question : “comment savez-vous que c’est bien le coronavirus, si vous n’êtes pas testée ?”.

Un doute auquel elle a elle-même été confrontée, puisque son premier test sérologique, passé le 16 avril, était négatif. “J’ai pris une claque”, commente-t-elle. Et pourtant, les symptômes sont bien là. Elle ne peut plus se sécher les cheveux ni se brosser les dents sans être essoufflée. Pire, elle s’est réveillée un matin de mai avec une oreille bouchée, des bourdonnements et des vertiges. Son médecin traitant n’a rien vu de particulier. Mais l’ORL, chez qui elle a rapidement trouvé un rendez-vous, lui a annoncé, le 14 mai, qu’elle avait perdu 80% de son audition du côté gauche. La spécialiste lui a alors expliqué avoir vu plusieurs patients souffrir de la même chose après avoir eu le Covid-19. “Le virus est allé se balader un peu partout”, commente Stéphanie. Après 15 jours de corticoïdes, elle a finalement retrouvé son audition. Un deuxième test sérologique, réalisé le 26 juin, est cette fois revenu positif. “C’était un soulagement. Je me suis dit ‘ce n’est pas dans ma tête’”, commente la Normande.

Des médecins “désemparés”

Fazia*, 48 ans, a eu une histoire légèrement différente. Deux jours après les premiers symptômes - courbatures, maux de gorge, bouffées de chaleur, “impression d’avoir le nez cassé” - son médecin traitant lui prescrit un test. Car cette Parisienne fait partie des patientes à risque : elle a eu un AVC il y a deux ans et souffre d’hypertension. Le verdict est très vite tombé, elle a bien attrapé le Covid-19. Son mari et sa fille, qui avaient également des symptômes, n’ont pas eu le droit d’être testés. Mais la prescription est de toute façon la même pour tous : du Doliprane et l’isolement à domicile. Son médecin l’a mise en garde sur le fait que son état de santé pourrait s’aggraver dans les 10 jours. Si tel était le cas, elle était encouragée à appeler le Samu. “J’ai trouvé ça un peu limite, qu’est-ce que ça veut dire, se dégrader ?”, se demande encore la mère de famille.

Toutes trois ont fait face à des médecins généralistes “désemparés”. “Aujourd’hui, j’ai arrêté d’aller voir mon médecin traitant. Il a été sincère avec moi, il m’a dit que ce n’était plus dans ses compétences”, nous explique Stéphanie. Lorsque les symptômes de Marie se sont aggravés au fil des semaines, entre les violentes migraines, les douleurs thoraciques toujours plus fortes et les essoufflements au moindre effort, elle a fait face à une médecin “totalement désemparée”. Et toutes sont restées avec leurs questions. “On nous dit juste qu’il fallait être patient, sans avoir d’explication”, résume Stéphanie.

Des symptômes mis sur le dos de l’anxiété

Ces récits ont un autre point commun : les trois patientes ont toutes fait face, un moment ou un autre, au scepticisme des médecins. Une fois les 15 jours à l’isolement de Fazia passés, un nouveau symptôme a fait son apparition. “J’avais l’impression qu’on avait posé quelque chose sur ma poitrine, je devais dormir en position semi-assise”, décrit-elle. Elle a donc demandé à son médecin de passer des examens. “J’avais vraiment l’impression de mendier et surtout le sentiment qu’il ne me croyait pas, il me répétait que les symptômes auraient dû passer après 15 jours”, poursuit la Parisienne. “Je ne lui en veux pas, parce que je me dis qu’il était démuni, lui aussi”, conclut-elle.

Lors d’une rechute à la fin du mois de juin, Stéphanie a dû appeler le Samu. Le médecin de garde, envoyé chez elle dans la nuit, lui a alors prescrit des anti-douleurs ainsi que des anxiolytiques. “Je lui ai dit que je n’en voulais pas ! Tout ce qu’il m’arrive, ce n’est pas dans ma tête. Mais je m’aperçois qu’ils sont tellement démunis qu’ils prescrivent des tranquillisants ou des anti-dépresseurs”, commente-t-elle.

Marie a également eu une expérience désagréable. Lorsqu’elle a rencontré un cardiologue, au courant du mois d’avril, celui-ci a mis ses douleurs thoraciques sur le compte de son allergie au pollen. “La radiologue qui a analysé mon scanner thoracique m’a, quant à elle, dit que ces douleurs étaient sûrement dues à de l’anxiété et non plus au Covid-19”, nous raconte la jeune étudiante.

Un parcours du combattant

De quoi leur donner le sentiment de devoir réaliser un véritable parcours du combattant pour être soignées. “Le mot, c’est vraiment quémander”, nous explique Fazia. “Lors des télé-consultations régulières avec mon médecin, j’ai dû insister pour qu’il me donne quelque chose pour les douleurs dans la gorge et la toux de mon mari”, poursuit-elle. “Je me suis vraiment démenée pour avoir un rendez-vous avec un pneumologue”, avance quant à elle Stéphanie. “J’ai ressenti une sorte d’abandon de la part des médecins que j’ai croisés sur ma route”, déplore Marie. Un combat qu’elles ont dû mener en plus de celui contre la maladie elle-même.

“On se sent seul”, conclut Stéphanie, dont la vie a été littéralement bouleversée. “Je n’avais aucun problème de santé, j’étais en pleine forme. Aujourd’hui je ne vis plus comme avant, je peux pas faire les mêmes choses”, poursuit-elle. La mère de famille n’a pas pu reprendre son activité professionnelle.

“J’ai encore des douleurs dans la gorge, je suis essoufflée, et quand je parle trop longtemps, une quinte de toux se déclenche”, énumère Fazia. “Ça affecte vraiment la qualité de vie”, commente-t-elle.

“Cela fait maintenant plus de 16 semaines que mes symptômes sont apparus. L’essoufflement s’est calmé, mais je n’ai toujours pas récupéré mon endurance et peine encore à reprendre une activité physique. Quant à mes douleurs thoraciques, elles ne m’ont pas quittée depuis ces quatre derniers mois”, relate, de son côté, Marie, qui a été obligée de mettre la rédaction de son mémoire en pause.

Pas de recommandations nationales

Toutes trois auraient aimé avoir un suivi plus personnalisé. Il n’est, pour l’heure, pas encore au programme à l’échelle nationale, mais certains hôpitaux le proposent. À Montfermeil, “dès le départ, on a recensé tous les patients, avec leur évolution et leur devenir”, décrit l’infectiologue. Les patients les plus graves sont ainsi suivis et contactés après trois mois pour un bilan pneumologique. De quoi permettre à l’établissement de mener une étude locale sur le sujet.

Mais aucune directive nationale n’est instaurée pour venir en aide aux patients qui ont encore des symptômes. La Direction Générale de la Santé “a sollicité le Haut Conseil de Santé Publique” pour qu’il se penche sur la question, en menant des recherches sur les séquelles et les manifestations cliniques persistantes et en fournissant des recommandations pour leur prise en charge. L’avis sur le sujet ne devrait être rendu qu’à la fin du mois de juillet, nous précise la DGS.

*Les prénoms ont été changés.

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